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Quand on voyage, il est courant de séjourner dans des hôtels ou des auberges, où l’on peut vite se sentir coupé de la « vraie vie » de l’endroit visité. C’est assez frappant au Japon, où la frontière entre espace public et privé est particulièrement marquée. Mais il existe un moyen de découvrir la vie de tous les jours d’une famille japonaise et de transformer la nécessité — trouver un endroit où dormir — en une véritable expérience, qui peut même devenir le meilleur des souvenirs de voyage : un séjour chez l’habitant. Au Japon, le terme de minpaku désigne ces chambres d’hôtes, proposées par des familles au sein même de leurs maisons.

Pendant mon voyage dans le nord de la préfecture de Kumamoto, j’ai pour ma part eu la chance de séjourner à Sozugawa, le minpaku da la famille Yonemura, l’une des 70 maisons du hameau de Yukino à Kikuchi.

Un accueil simple et chaleureux, dans une maison traditionnelle à Kikuchi

Quand j’ai aperçu Tatsurou Yonemura, m’attendant devant la gare avec une pancarte « Welcome to Yonemura family », décorée de cœurs découpés dans du papier, j’ai tout de suite eu le sentiment que ma nuit chez lui serait une expérience à part, et une rencontre inoubliable. Cette impression s’est confirmée une fois arrivée chez lui.

Devant cette maison ancienne, on peut voir une profusion de plantes en pot, des crabes peints par les enfants sur les murs et une illustration représentant le couple d’hôtes, tout sourire. Et lorsque l’on pénètre dans le genkan (l’entrée où l’on se déchausse avant d’entrer dans une maison japonaise), c’est par une impressionnante collection de chouettes et de bibelots que l’on est accueillis. Pas de doute, je mettais les pieds dans une authentique maison de famille.

C’est avec la même simplicité et la même générosité, que l’épouse de M. Yonemura, Keiko, m’a souhaité la bienvenue. Elle m’a offert un thé accompagné de douceurs qu’elle avait préparées, et a joué l’air célèbre « Sakura » sur un instrument que je ne connaissait pas : le taishogoto. Elle m’a ensuite incitée à m’y essayer moi-même, avant de m’inviter à « faire comme chez moi ».

Je me suis donc installée dans une pièce au sol recouvert de tatamis, dans la partie de cette maison centenaire ayant conservé son aspect traditionnel. Elle était chargée de souvenirs : portraits d’ancêtres, photos de famille, bibelots divers et jusqu’à des jouets, appartenant sans doute aux huit petits enfants de mes hôtes.

J’ai très vite eu la sensation de ne pas être une cliente, mais une membre de la famille invitée pour la nuit. Et la différence se ressent dans les détails : en me glissant dans les draps sentant la lessive, j’ai réalisé que ceux des hôtels n’ont jamais cette odeur, et me suis endormie réconfortée.

Découverte de la cuisine locale de Kikuchi avec Mme Yonemura

Mme Yonemura m’a ensuite invitée à la rejoindre dans la cuisine, pour partager avec moi une recette locale : celle des ohimesan. Ce nom signifiant « princesse », j’étais très curieuse de savoir ce qu’étaient ces petites princesses qu’on plonge dans la soupe miso.

Mme Yonemura m’a expliqué qu’il s’agit en fait d’un plat très nourrissant, inventé après-guerre quand la nourriture manquait. Mais comme il s’agit de petites boules de pâte toutes douces et mignonnes (ou qu’elles sont si douces à manger qu’elle conviennent même à une princesse), elle ont été surnommées ainsi.

Clémentine en cuisine avec Mme Yonemura

Le recette est toute simple et je vous la livre : éplucher des patates douces et les faire cuire à l’eau, les écraser à l’écrase-purée, ajouter de la farine et malaxer pour créer des petites boulettes de pâte. Il ne reste plus qu’à les cuire avec le reste des ingrédients de la soupe miso !

M. Yonemura m’a ensuite emmené prendre un bain dans l’onsen d’un ryokan voisin, où j’ai pu me prélasser dans le grand rotemburo (bain extérieur) et apprécier la fraîcheur de soir enveloppée dans une eau chaude à la texture épaisse.

Pendant ce temps Mme Yonemura s’était affairée en cuisine pour préparer quantité de plats simples et savoureux, avec des ingrédients locaux et du riz de leur propre rizière. Tout était fait maison, jusqu’à la pâte de miso ! Ce type de festin, qui reflète la générosité des hôtes et leur amour pour leur terroir, vaut tous les repas gastronomiques. Mais le repas est aussi un moment de partage idéal pour faire connaissance, que nous avons prolongé longtemps après avoir fini nos assiettes.

J’ai de nouveau retrouvé les Yonemura autour de la table pour un petit déjeuner témoignant lui aussi de la générosité de Keiko : du riz, de la soupe miso, de la salade, de l’omelette tamagoyaki, du saumon, du nashi confit… avec en plus des restes de le veille, des agrumes et d’autres douceurs maison. Je ne risquais pas de rester sur ma faim !

Ballade matinale à Kikuchi avec M. Yonemura

Pour s’ouvrir l’appétit avant un tel petit déjeuner, rien de mieux qu’une ballade matinale. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que Tatsurou Yonemura m’a guidée au petit matin dans les alentours de leur maison. Il est passionné par sa région et ses connaissances semblent infinies, que ce soit sur son histoire, sur l’agriculture ou sur les coins secrets à découvrir.

La vue des rizières dorées, recouvertes de brume et baignées dans la lumière et le calme de Kikuchi à sept heures du matin, ont une beauté à la fois simple et presque irréelle, suffisante pour comprendre l’amour de M. Yonemura pour sa région natale.

Nous avons traversé ensemble les rizières, pour atteindre un endroit qu’il affectionne tout particulièrement : la source de la rivière Sozugawa. C’est grâce à elle que l’on peut ici cultiver un riz savoureux, et encore grâce à elle que les maisons sont alimentées en eau, c’est aussi là que les familles viennent jouer avec les enfants, dénichant les nombreux crabes qui se cachent dans ses abords.

J’étais vraiment touchée de découvrir le respect des habitants pour cette source. Au quotidien, nous avons tendance à oublier que l’eau vient de quelque part, et à quelle point elle est précieuse. La vie rurale permet de ressentir avec beaucoup plus d’acuité ces choses simples, mais essentielles.

Petit sanctuaire construit à l'emplacement de la source de la rivière Sozugawa à Kikuchi

Nous avons ensuite emprunté un petit chemin piéton qui passe entre les maisons, permettant de se déplacer en toute sécurité, jusqu’au temple Zenriyuji. Là, il m’a invitée à pénétrer dans le bâtiment principal, reconstruit il y a 8 ans et sentant encore le bois. Il m’a expliqué comment y prier, puis m’a même invitée à sonner la cloche du temple.

Il est allé plus loin, en sonnant à la maison du prêtre pour demander à me faire visiter le jardin. Un vrai chef d’œuvre de jardin japonais en paysage emprunté, que l’on ne penserait pas trouver dans un si petit temple.

Récolte du riz dans les champs de la famille Yonemura

Après le petit déjeuner, nous nous sommes changés pour nous rendre dans la rizière de la famille. M. Yonemura avait déjà moissonné son champ quelques jours auparavant, mais il a eu la gentillesse d’en laisser une petite parcelle, en prévision de ma venue.

C’était la première fois que j’avais l’opportunité de participer à l’inekari (la moisson du riz). M. Yonemura m’a enseigné comment m’y prendre pour moissonner le riz à l’aide d’une petite faucille. Si les débuts ont été maladroits, j’ai petit à petit trouvé le bon geste et gagné en vitesse. Cependant mes mains ne pouvaient tenir que trois bottes à la fois quand il en saisissait quatre, et il m’a confié que certains paysans ont les mains assez larges pour couper les bottes par six !

Mais quelle que soit l’expérience et la grandeur des mains, moissonner à la main est long et fatiguant. Il m’a confié que s’il l’avait fait par le passé, il utilise aujourd’hui une machine qui fait en une heure le travail qu’un humain mettait deux jours à accomplir.

Escapade imprévue pour admirer le paysage au barrage de Ryumon

Si nous nous en étions tenus au programme prévu, mon séjour chez les Yonemura aurait dû se conclure ainsi. Mais comme il nous restait un peu de temps et qu’ils avaient très envie de me faire découvrir encore un peu plus la région, nous sommes montés en voiture, direction le barrage de Ryumon.

En prenant de la hauteur, la vue sur le lac artificiel Hanjaku d’un côté, et sur la vallée de l’autre, est impressionnant. On prend alors conscience que Kikuchi est située dans une région montagneuse et vaste, où la nature est puissante.

Ce lac artificiel d’une longueur exceptionnelle permet aussi l’organisation de régates d’aviron et la pratique de nombreuses activités qui animent la vie du village. Il est par exemple possible d’y faire du canoë-kayak.

Accès et informations pratiques

Pour en savoir plus sur les séjours chez l’habitant à Kikuchi, rendez-vous sur ce site Internet (consultable en anglais). Il est également possible de réserver un séjour à Sozugawa, chez les Yonemura, sur Airbnb.

Ils peuvent accueillir jusqu’à 5 personnes. S’ils ne parlent pas anglais, ils ont l’habitude de recevoir des hôtes étrangers. Il n’y a pas d’inquiétude à se faire concernant la communication, un petit traducteur automatique, des applications pour smartphone et leur sens de l’hospitalité peuvent palier à toutes les difficultés.

Si le moyen le plus simple de se déplacer dans le nord de la préfecture de Kumamoto reste la voiture, il est possible de se rendre à Sozugawa si vous voyagez en transports en commun. Les Yonezawa peuvent venir chercher leurs hôtes à la gare routière de Kikuchi Plaza, située à environ 1h10 de bus du centre de Kumamoto.

Vous pourrez aussi trouver des informations sur la région sur le site de Kikuchi River Bassin – World Heritage (disponible en anglais).

Accès à Kikuchi en voiture depuis les aéroports les plus proches :

Depuis l’aéroport de Kumamoto : 30 minutes

Depuis l’aéroport de Fukuoka : 1 heure 25 minutes

Depuis l’aéroport d’Oita : 2 heures 15 minutes

Article réalisé en partenariat avec le siège administratif de la région Nord de Kumamoto.

Clémentine Cintré

Clémentine Cintré

En septembre 2017, je quittai la France et mon travail dans un centre de danse contemporaine pour m'installer au Japon. Quelques jours plus tard, je séjournais dans une ferme à Oita pour écrire mon premier article pour Voyapon — dont j'allais devenir rédactrice en chef deux ans plus tard. Si vous visitez Kyoto en août, il est probable que vous me croisiez lors des fêtes de Bon Odori. Deux autres de mes passions sont les îles et les chats, et ça tombe bien : le Japon a de quoi me combler dans ces deux domaines. 

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