En quittant la France pour m\u2019installer \u00e0 Kyoto, j\u2019ai d\u00fb laisser chez mes parents la quasi-totalit\u00e9 de ma biblioth\u00e8que, et avec elle une bonne partie de mes livres sur le Japon<\/strong>. Il y a l\u00e0-bas un beau livre sur les masques de th\u00e9\u00e2tre n\u00f4, des recueils de photographies anciennes, les indispensables volumes de Jean-Jacques Tschudin sur l\u2019histoire du th\u00e9\u00e2tre traditionnel japonais, une collection de vieux Folio de Yukio Mishima, et tout un tas d\u2019autres romans, classiques ou contemporains, quelques beaux mangas et romans graphiques d\u2019auteurs japonais ou fran\u00e7ais\u2026 Tant de livres dont j\u2019aimerais parler. Mais je vais recentrer ma s\u00e9lection sur quelques livres que j\u2019ai gliss\u00e9s dans ma valise ou achet\u00e9s ici<\/strong>, et que je peux feuilleter en r\u00e9digeant cet article. <\/p>\n\n\n\n
Je ne pr\u00e9tends pas en faire la critique ici, mais juste partager quelques coups de c\u0153ur. Une s\u00e9lection centr\u00e9e sur la d\u00e9couverte de la culture japonaise<\/strong> \u00e0 travers des essais : L’Empire des signes <\/em>de Roland Barthes et Petit \u00e9loge de l\u2019errance<\/em> d\u2019Akira Mizubayashi, une s\u00e9rie de romans : la pentalogie d\u2019Aki Shimazaki, un carnet de voyage dessin\u00e9 hors norme : Manab\u00e9 Shima<\/em> de Florent Chavouet, et des livres illustr\u00e9s : les collections Le Japon dans votre poche !<\/em> \u00e9dit\u00e9e par JTB et les Illustrated Guides<\/em> \u00e9dit\u00e9s chez Tankosha (\u6de1\u4ea4\u793e).<\/p>\n\n\n\n
Commen\u00e7ons par un classique : publi\u00e9 en 1970, le c\u00e9l\u00e8bre essai de Roland Barthes<\/strong> ne refl\u00e8te pas tout \u00e0 fait le Japon d\u2019aujourd\u2019hui, et ne pr\u00e9tend pas non plus \u00eatre une r\u00e9f\u00e9rence pour comprendre la culture japonaise. \u00c0 travers des textes courts<\/strong>, passionnants pour leur int\u00e9r\u00eat s\u00e9miologique autant que pour leur force d\u2019\u00e9vocation po\u00e9tique, l’auteur partage ses impressions et r\u00e9flexions n\u00e9es lors d’un s\u00e9jour au Japon<\/strong>. <\/p>\n\n\n\n
Certains textes sont hors du temps : l\u2019\u00e9vocation de la d\u00e9licatesse des baguettes en comparaison du couteau et de la fourchette, ou la description de la magie du ha\u00efku<\/strong> et du th\u00e9\u00e2tre bunraku<\/em><\/strong>, n\u2019ont rien perdu de leur force ni de leur pertinence. Au contraire, certaines descriptions appartiennent au temps de l\u2019\u00e8re Showa<\/strong> (1926-1989), et permettent au lecteur contemporain d\u2019imaginer ce que pouvait \u00eatre un voyage au Japon du temps o\u00f9 Google Maps ne permettait pas de se retrouver dans les d\u00e9dales de rues sans nom et de b\u00e2timents sans num\u00e9ro. <\/p>\n\n\n\n
La r\u00e9putation d\u2019intellectuel de Roland Barthes peut impressionner, mais il s\u2019agit de l\u2019un de ses ouvrages les plus accessibles. Il s\u2019appr\u00e9cie comme une s\u00e9rie de notes et d\u2019impressions courtes<\/strong>, qui ont le pouvoir presque magique de laisser un souvenir durable, et la sensation d\u2019une compr\u00e9hension nouvelle.<\/p>\n\n\n\n
Un autre essai, d\u2019une autre \u00e9poque et d\u2019un style radicalement diff\u00e9rent. Il ne s\u2019agit pas ici d\u2019un regard occidental pos\u00e9 sur le Japon, mais de celui d\u2019un Japonais francophile<\/strong> sur son pays. \u00c9crit en fran\u00e7ais, ce livre sans concessions et critique sur la soci\u00e9t\u00e9 et le monde politique japonais<\/strong> est celui de quelqu\u2019un qui est \u00e0 la fois dedans et dehors. Akira Mizubayashi est professeur d’universit\u00e9, sp\u00e9cialiste de Jean-Jacques Rousseau et du si\u00e8cle des Lumi\u00e8res ; il a pu prendre du recul sur sa propre culture<\/strong>, notamment \u00e0 travers l’\u00e9tude de la langue et de la pens\u00e9e fran\u00e7aise. C’est cette errance<\/em> qui donne son titre au livre : pas une errance g\u00e9ographique, mais une errance culturelle et intellectuelle<\/strong>.<\/p>\n\n\n\n
J\u2019ai particuli\u00e8rement \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9e par son analyse de l\u2019usage d\u2019\u00ab okaerinasai<\/strong> \u00bb (\u304a\u304b\u3048\u308a\u306a\u3055\u3044) \u00e0 la place de \u00ab bienvenue \u00bb \u00e0 l\u2019a\u00e9roport de Narita. L’usage de ce mot intraduisible, servant \u00e0 souhaiter un bon retour \u00e0 la maison, me paraissait au premier abord sympathique<\/strong>, et m\u00eame touchant ; mais il cristallise \u00e9galement un aspect critiquable de la soci\u00e9t\u00e9 japonaise<\/strong> : elle reconna\u00eet les siens, non pas comme un ensemble d’individus faisant soci\u00e9t\u00e9, mais comme un tout immuable que l’on ne peut ni rejoindre ni quitter. C’est la m\u00eame logique qui fait que le pays refuse toujours de reconna\u00eetre de la double nationalit\u00e9 : \u00ab\u00a0on ne peut pas \u00eatre \u00e0 la fois dedans et dehors\u00a0\u00bb<\/strong>, et si un japonais arrive \u00e0 Tokyo depuis l’\u00e9tranger, cela ne peut \u00eatre que rentrer chez lui. <\/p>\n\n\n\n
Cet essai passionnant et \u00e9rudit permet de (re)d\u00e9couvrir certain \u00e9pisodes d\u00e9plorables de l’histoire du Japon, et de ne pas oublier de garder un regard critique<\/strong> sur tout ce qui peut \u00eatre s\u00e9duisant dans la culture nippone, mais qui cache parfois des aspects moins positifs de la soci\u00e9t\u00e9. L’auteur nous invite \u00e0 ne pas suivre l’adage japonais bien connu : \u00ab\u00a0laisse-toi enrouler par ce qui est long\u00a0\u00bb<\/strong>, pendant d’un autre proverbe nippon souvent cit\u00e9 : \u00ab\u00a0le clou qui d\u00e9passe appelle le marteau\u00a0\u00bb<\/strong>.<\/p>\n\n\n\n
Cette s\u00e9rie de romans d\u2019Aki Shimazaki, publi\u00e9s entre 1999 et 2004, permet elle aussi de lever le voile sur quelques-unes des faces peu glorieuses de l’histoire du Japon<\/strong>. Je l\u2019ai d\u00e9couverte par hasard, en me rendant au stand de la Bouquinerie Solidaire<\/a> lors d\u2019un march\u00e9 de l\u2019Institut Fran\u00e7ais de Kyoto \u2014 une vente de livre associative qui fait le bonheur des r\u00e9sidents fran\u00e7ais en manque de livres papier. <\/p>\n\n\n\n
Je dois avouer avoir eu un peu de mal \u00e0 me plonger dans le style de ces romans, \u00e9crits eux aussi en fran\u00e7ais par une japonaise vivant \u00e0 l\u2019\u00e9tranger (au Canada). Mais je me suis ensuite laiss\u00e9e emporter par l\u2019histoire \u2014 et par la simplicit\u00e9 du style<\/strong>, qui m’avait d\u00e9plu au d\u00e9but. On suit la vie d\u2019une famille japonaise, \u00e0 travers les g\u00e9n\u00e9rations<\/strong>. Chaque volume nous fait vivre une partie de l\u2019histoire du point de vue d\u2019un protagoniste diff\u00e9rent, d\u00e9voilant des secrets de famille<\/strong> les uns apr\u00e8s les autres. On d\u00e9couvre au passage des secrets qui ne sont pas que de famille mais aussi ceux de l\u2019histoire du Japon : bombardement de Nagasaki<\/a>, colonisation de la Mandchourie<\/a>, racisme anti-cor\u00e9en allant jusqu’aux massacres lors du tremblement de terre du Kanto en 1923<\/a>, entre autres.<\/p>\n\n\n\n
Si vous lisez cet article, il est probable que vous connaissiez d\u00e9j\u00e0 ce carnet de voyage dessin\u00e9 de Florent Chavouet<\/strong>, publi\u00e9 en 2010\u2026 il partage avec nous le m\u00eame d\u00e9sir de d\u00e9couvrir le Japon hors des sentiers battus<\/strong>, \u00e0 la rencontre des habitants et d\u2019une authenticit\u00e9 que l\u2019on ne trouve pas en visitant seulement les sites touristiques les plus connus. <\/p>\n\n\n\n
Ce d\u00e9sir l\u2019a men\u00e9 \u00e0 s\u00e9journer 2 mois sur la petite \u00eele de Manabeshima<\/strong> (\u771f\u934b\u5cf6), dans la mer int\u00e9rieure de Seto<\/strong><\/a>.\u00a0Une \u00eele-village situ\u00e9e dans la pr\u00e9fecture d’Okayama <\/a>et sur laquelle Florent Chavouet nous donne des renseignements complets (datant de 2009, donc)\u00a0: une superficie de 1,49\u00a0km2<\/sup>, 326 habitants, et une estimation de 3 chats par habitant.<\/p>\n\n\n\n
L\u2019\u00eele est minuscule, il a donc eu le temps de l\u2019explorer tranquillement, de faire connaissance avec les habitants, et de se faire sa place pour \u00eatre invit\u00e9 \u00e0 partager la vie quotidienne de Manabeshima<\/strong>. Cette atmosph\u00e8re est retranscrite \u00e0 merveille par des dessins au crayon de couleur<\/strong> au style inimitable de Florent Chavouet : avec beaucoup de pr\u00e9cision, d’humanit\u00e9 et d’humour. <\/p>\n\n\n\n
Sur un plan personnel, ce livre est tr\u00e8s particulier pour moi : je l\u2019ai lu avant mon premier voyage au Japon, et il a probablement influenc\u00e9 mon coup de c\u0153ur sur la r\u00e9gion de Setouchi<\/strong> (la mer int\u00e9rieure du Japon), et mon inclinaison pour les petites \u00eeles et les villages de p\u00eacheurs. Si je n’ai pas encore eu la possibilit\u00e9 de me rendre Manabeshima, c’est une destination qui se trouve tout en haut de ma liste des endroits \u00e0 visiter au Japon depuis la lecture de ce livre.<\/p>\n\n\n\n
La population de Manabeshima est malheureusement de moins en moins nombreuse, et il est important de soutenir l’\u00e9conomie<\/strong> de ce type d’endroit si l’on ne veut pas voir dispara\u00eetre petit \u00e0 petit ce Japon des villages ruraux peupl\u00e9s de p\u00eacheurs. Je ne peux donc que vous inviter \u00e0 penser \u00e9galement \u00e0 ajouter cette \u00ab\u00a0\u00eele aux chats<\/strong>\u00a0\u00bb au programme d’un de vos voyages au Japon. <\/p>\n\n\n\n
Pour finir, je voudrais pr\u00e9senter deux collections de livres illustr\u00e9s<\/strong> : les petits volumes r\u00e9tro Le Japon dans votre poche !<\/em> \u00e9dit\u00e9s par la c\u00e9l\u00e8bre agence touristique JTB et les guides illustr\u00e9s bilingues anglais-japonais des \u00e9ditions Tankosha (\u6de1\u4ea4\u793e).<\/p>\n\n\n\n
J\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 collectionner ces petits volumes en tombant par hasard sur Vie au Japon<\/em>, dans son \u00e9dition de 1990, chez Gibert Jeune \u00e0 Paris. J\u2019ai \u00e9t\u00e9 s\u00e9duite par ses illustrations d\u00e9licieusement d\u00e9su\u00e8tes<\/strong> (les premi\u00e8res \u00e9ditions datent des ann\u00e9es 1980), avant de l\u2019\u00eatre par l\u2019int\u00e9r\u00eat de son contenu<\/strong>, tr\u00e8s complet et foisonnant de d\u00e9tails int\u00e9ressants ou amusants. Les livres publi\u00e9s il y a plus de 30 ans sont bien entendu dat\u00e9s (ce qui est passionnant pour d\u00e9couvrir le Japon de l\u2019\u00e9poque de Showa), mais ils sont r\u00e9\u00e9dit\u00e9s et mis \u00e0 jour<\/strong> r\u00e9guli\u00e8rement. <\/p>\n\n\n\n
On trouve de tout dans cette collection, une v\u00e9ritable encyclop\u00e9die illustr\u00e9e<\/strong> : des guides touristiques<\/strong>, des informations sur la vie quotidienne<\/strong>, sur la langue<\/strong>, la culture<\/strong>, l\u2019histoire<\/strong>\u2026 jusqu\u2019\u00e0 Salaryman in Japan<\/em>, pour ceux qui veulent tout savoir sur les employ\u00e9s de bureau japonais. Cette collection m\u00eale publications en fran\u00e7ais et en anglais (Japan in your pocket!<\/em>). <\/p>\n\n\n\n
Pour ceux qui cherchent ces livres et sont de passage \u00e0 Kyoto<\/a>, on peut les trouver notamment \u00e0 la librairie du Kyoto Handicraft Center<\/a>. <\/p>\n\n\n\n
Ceux-ci ne sont pas publi\u00e9s en fran\u00e7ais, mais je voulais tout de m\u00eame en parler ici car je les trouve int\u00e9ressants tant pour leur contenu que pour une autre sp\u00e9cificit\u00e9 : l’\u00e9dition est bilingue anglais-japonais<\/strong>, ce qui peut en faire un outil tant de d\u00e9couverte de la culture que d\u2019\u00e9tude de la langue japonaise. <\/p>\n\n\n\n
Ce guide pr\u00e9sente en d\u00e9tail les habits et accessoires traditionnels japonais<\/strong> : les diff\u00e9rents styles de kimono et d\u2019obi, mais aussi d\u2019\u00e9ventails, les accessoires de la c\u00e9r\u00e9monie du th\u00e9<\/a>, un guide sur les couleurs et les motifs, et bien plus encore. <\/p>\n\n\n\n
La seconde partie se concentre sur les arts de la sc\u00e8ne<\/strong>. On ne trouvera pas des informations exhaustives sur l\u2019histoire et l’art du th\u00e9\u00e2tre n\u00f4 <\/a>ou du kabuki, mais une foule de d\u00e9tails passionnants sur les costumes, accessoires, masques, d\u00e9cors, instruments et coiffures<\/strong>. <\/p>\n\n\n\n