Vous voyagez au Japon \u00e0 bord du Shinkansen <\/em>\u65b0\u5e79\u7dda<\/strong>, ou train \u00e0 grande vitesse, et vous passez du temps dans les gares. Vous observez de nombreux magasins bond\u00e9s de vendeurs de bo\u00eetes color\u00e9es, et vous vous posez un millier de questions. Mais nous sommes l\u00e0, amis lecteurs, pour y r\u00e9pondre. Dans ces magasins, vous allez pouvoir vous procurer des bo\u00eetes \u00e0 repas japonaises appel\u00e9es ekiben <\/em>\u99c5\u5f01<\/strong>, sp\u00e9cialement con\u00e7ues pour \u00eatre d\u00e9gust\u00e9es \u00e0 bord du Shinkansen.<\/p>\n\n\n\n
La culture de la bo\u00eete \u00e0 repas fait partie int\u00e9grante de la soci\u00e9t\u00e9 japonaise<\/strong> depuis longtemps, car il s’agit de la m\u00e9thode la plus r\u00e9pandue pour emporter de la nourriture hors de la maison. Par exemple, pendant l\u2019\u00e9poque Sengoku (1467-1603), lorsque le Japon \u00e9tait impliqu\u00e9 dans de nombreux conflits nationaux, il fallait bien trouver une solution efficace pour transporter de la nourriture. Le bento n’\u00e9tait pas seulement utile en temps de guerre, il l’\u00e9tait aussi pour le plaisir. \u00c0 la saison des hanami<\/a><\/em>, lorsque les Japonais voulaient admirer les cerisiers en fleurs, ils devaient \u00e9galement trouver des moyens d\u2019emporter leurs repas jusqu’\u00e0 l’ombre des arbres.<\/p>\n\n\n
Pendant l’\u00e9poque d’Edo (1603-1868), certains th\u00e9\u00e2tres de kabuki et de noh vendaient un bento pendant les entractes : le makunouchi<\/em>, que l’on traduit litt\u00e9ralement par \u00ab bo\u00eete entre les actes \u00bb. Ce bento a jet\u00e9 les bases de l’ekiben moderne, mais prenons le temps de revenir \u00e0 l’origine pour tout comprendre.<\/p>\n\n\n\n
De nos jours, le trajet entre la gare d’Utsunomiya et la gare d’Ueno dure moins d’une heure, mais au XIXe si\u00e8cle, ce trajet pouvait durer plus de quatre heures. Il \u00e9tait donc essentiel de pr\u00e9voir de quoi se restaurer pendant le trajet pour \u00e9viter de se retrouver avec le ventre vide. C’est pourquoi, le 16 juillet 1885, le premier ekiben y a \u00e9t\u00e9 vendu.<\/strong><\/p>\n\n\n
Kahei Saito, le propri\u00e9taire de la petite \u00e9choppe Shirokiya qui a vendu le premier bento de l’histoire, devant la gare d’Utsunomiya, savait-il qu’il allait marquer le d\u00e9but d’une nouvelle \u00e8re ? Son bento destin\u00e9 au voyage en train \u00e9tait simple : deux onigiri<\/a> avec des feuilles de bambou et deux radis saumur\u00e9s pour cinq sen <\/em>(100 sen \u00e9quivalent \u00e0 un yen). Cela peut sembler extr\u00eamement bon march\u00e9, mais \u00e0 l’\u00e9poque, cinq sen <\/em>repr\u00e9sentaient une fortune. \u00c0 mesure que le r\u00e9seau ferroviaire japonais s’est d\u00e9velopp\u00e9 et que la demande d’ekiben s’est accrue avec la dur\u00e9e des trajets, de nombreuses gares ont suivi la m\u00eame strat\u00e9gie que celle d’Utsunomiya.<\/p>\n\n\n\n
Quelques ann\u00e9es plus tard, en 1889, \u00e0 la gare de Himeji, le type d\u2019ekiben le plus populaire a vu le jour, s\u2019inspirant du mod\u00e8le du bento makunouchi<\/em>.<\/p>\n\n\n\n
La pr\u00e9sence de militaires au XXe si\u00e8cle au Japon a permis aux ekiben de se d\u00e9velopper davantage.<\/strong> Les soldats devaient se d\u00e9placer \u00e0 travers le pays et ils devaient souvent manger \u00e0 l’ext\u00e9rieur lors de leurs d\u00e9placements. La Seconde Guerre mondiale a \u00e9galement favoris\u00e9 le succ\u00e8s de l’industrie de l’ekiben, car de nombreux restaurants ont d\u00fb fermer leurs portes. Nous pourrions peut-\u00eatre comparer la bo\u00eete \u00e0 bento pour le train \u00e0 notre \u00ab boom des plats \u00e0 emporter \u00bb pendant la pand\u00e9mie.<\/p>\n\n\n
Apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale, la croissance \u00e9conomique a permis aux Japonais de voyager \u00e0 travers le pays et d’am\u00e9liorer leur qualit\u00e9 de vie, contribuant ainsi \u00e0 l’\u00e2ge d’or de l’ekiben.<\/strong><\/p>\n\n\n\n
Dans les ann\u00e9es 1980, la fr\u00e9n\u00e9sie des ekiben s’est essouffl\u00e9e.<\/strong> Plusieurs facteurs ont contribu\u00e9 \u00e0 leur d\u00e9clin. Tout d’abord, on note l’arriv\u00e9e de services de transport a\u00e9rien plus abordables<\/strong>, ce qui a cr\u00e9\u00e9 de nouvelles alternatives pour les voyages. Le d\u00e9veloppement des magasins de proximit\u00e9<\/strong> a \u00e9galement contribu\u00e9 \u00e0 cette situation, permettant aux gens d’acheter rapidement et \u00e0 prix abordable un bento. Mais bien que cela semble ironique, l’une des principales raisons du d\u00e9clin du march\u00e9 de l’ekiben ne fut autre que la popularit\u00e9 des trains \u00e0 grande vitesse :<\/strong><\/p>\n\n\n\n
N\u00e9anmoins, je ne pense pas que l’industrie de l’ekiben dispara\u00eetra de sit\u00f4t. Elle est toujours bien pr\u00e9sente et bien active. Avec environ 4000 types de bento diff\u00e9rents, cette bo\u00eete \u00e0 repas pour le train \u00e0 grande vitesse a de nombreuses raisons de survivre : elle propose notamment des produits locaux app\u00e9tissants pour promouvoir les r\u00e9gions japonaises, et collabore avec des anime ou des marques \u00e0 la mode.<\/strong> Il existe m\u00eame un anime intitul\u00e9 Ekiben Hitoritabi<\/a>, qui raconte l’histoire d’un voyageur solitaire qui parcourt le Japon en essayant les diff\u00e9rents bento du Shinkansen.<\/p>\n\n\n
Il faudrait des jours et des jours pour dresser cette liste tant les ekiben sont nombreux et vari\u00e9s. Des sp\u00e9cialit\u00e9s locales disponibles dans chaque pr\u00e9fecture aux options les plus excentriques, en passant par les versions limit\u00e9es, le monde des bento pour les trains est infini.<\/strong><\/p>\n\n\n
Pour ceux qui souhaitent go\u00fbter \u00e0 la cuisine locale de Hokkaido, ne manquez pas l’ekiben Bokoi-meshi de la gare de Bokoi<\/strong>, compos\u00e9 de boulettes de riz et de palourdes fra\u00eeches. Si vous \u00eates \u00e0 Honshu (l’\u00eele principale du Japon), le Masuzushi ekiben<\/strong> dans la pr\u00e9fecture de Toyama est une bonne option, qui propose des sushis \u00e0 la truite envelopp\u00e9s dans des feuilles de bambou. Vous pouvez \u00e9galement vous rendre \u00e0 Nara et go\u00fbter au Kakinoha sushi bento<\/strong>, qui comprend le sushi le plus connu de Nara, envelopp\u00e9 dans des feuilles de kaki.<\/p>\n\n\n\n
Si vous \u00eates \u00e0 la recherche d’un authentique bento pour le train, rendez-vous dans la pr\u00e9fecture de Gunma.<\/strong> Arr\u00eatez-vous \u00e0 la gare de Takasaki, principal producteur de poup\u00e9es daruma au Japon. Les daruma sont des poup\u00e9es creuses traditionnelles inspir\u00e9es de Bodhidharma, le fondateur d’une branche du bouddhisme zen. Pouvez-vous deviner la forme de leur bo\u00eete \u00e0 bento ? Exactement, un daruma !<\/strong> Un autre ekiben amusant est le bento Yukidaruma<\/strong> de la pr\u00e9fecture de Niigata, dans lequel vous d\u00e9gusterez votre repas \u00e0 l’int\u00e9rieur d’une reproduction d’un bonhomme de neige.<\/p>\n\n\n\n
Si vous recherchez un ekiben durable<\/strong>, arr\u00eatez-vous \u00e0 Hita, dans la pr\u00e9fecture d’Oita<\/a>. Le Hita Kikori Meshi <\/strong>est un bento en bois fabriqu\u00e9 \u00e0 partir d’arbres locaux. Il comprend une petite scie en bois pour couper l’un des ingr\u00e9dients. Apr\u00e8s l’avoir mang\u00e9, vous pouvez vous en d\u00e9barrasser o\u00f9 bon vous semble, car il n’est fabriqu\u00e9 qu’\u00e0 partir de mat\u00e9riaux recyclables.<\/p>\n\n\n\n
Enfin, si vous aimez les trains, pourquoi ne pas acheter l’ekiben du train \u00e0 grande vitesse ?<\/strong> La bo\u00eete peut \u00eatre r\u00e9utilis\u00e9e et, apr\u00e8s avoir d\u00e9gust\u00e9 votre d\u00e9licieux repas, vous pourrez utiliser votre bo\u00eete en forme de Shinkansen pour d\u00e9corer votre maison. Tout le monde y gagne !<\/p>\n\n\n\n
Vous aurez de nombreuses occasions d’acheter votre ekiben avant votre voyage. Non seulement \u00e0 l’int\u00e9rieur de la gare, mais aussi dans les magasins qui vendent des bento destin\u00e9s aux voyages en train. <\/strong>Si la gare se trouve \u00e0 c\u00f4t\u00e9 d’un grand magasin, cherchez les niveaux inf\u00e9rieurs pour trouver la section r\u00e9serv\u00e9e \u00e0 l’alimentation. Parfois, ces magasins proposent un service de repas frais. Vous devrez peut-\u00eatre attendre, mais vous aurez la possibilit\u00e9 de vous procurer un repas fra\u00eechement pr\u00e9par\u00e9 pour votre voyage.<\/p>\n\n\n\n
Si vous constatez que vous avez oubli\u00e9 d’acheter un bento et que vous \u00eates d\u00e9j\u00e0 dans la gare, vous aurez la surprise de trouver des magasins un peu partout, m\u00eame sur le quai. <\/strong>Cherchez-les \u00e0 la mani\u00e8re d’une chasse au tr\u00e9sor divertissante et choisissez votre bento pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 ! En g\u00e9n\u00e9ral, ces boutiques sont r\u00e9approvisionn\u00e9es au cours de la journ\u00e9e, avec un pic de fr\u00e9quentation le midi, jusqu’\u00e0 la fin du service des trains. Bien s\u00fbr, les grandes gares proposent plus de bento, tandis que les plus petites peuvent \u00eatre \u00e0 court de stock dans la soir\u00e9e. <\/p>\n\n\n
Enfin, vous pourrez \u00e9galement les acheter lors d’un tournoi d’ekiben<\/strong>. Oui, vous avez bien lu. Dans certaines villes, comme Tokyo ou Osaka, il existe un tournoi annuel d’ekiben, o\u00f9 il est possible d’acheter 300 types de ces produits.<\/p>\n\n\n\n
Le prix d’un ekiben est tr\u00e8s variable, allant d’environ 700 yens pour un sandwich \u00e0 plus de 150 000 yens (pr\u00e8s de 1000 euros !) pour des bento de luxe tels que le Nikko Buried Treasure Bento. Mais le prix d’un bento ordinaire est g\u00e9n\u00e9ralement compris entre 1200 et 1800 yens. Vous pouvez v\u00e9rifier tous les prix indiqu\u00e9s \u00e0 c\u00f4t\u00e9 des bento dans la boutique.<\/p>\n\n\n\n
Maintenant, vous \u00eates un professionnel de l’ekiben. Lorsque vous voyagerez au Japon, n’oubliez pas de vous rendre \u00e0 la gare avec quelques minutes d’avance pour acheter votre bento pr\u00e9f\u00e9r\u00e9 pour le train \u00e0 grande vitesse, et profitez-en pendant votre trajet. Apr\u00e8s tout, ce n’est l\u00e0 qu’une des nombreuses exp\u00e9riences locales que vous aurez l’occasion de vivre au Japon.<\/p>\n\n\n\n
Traduit de l\u2019anglais par Julien Loock<\/a><\/em>.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"