Je dois confesser une chose. En m’installant au Japon il y a presque dix ans, je n’avais qu’une obsession : voir de mes propres yeux les cerisiers en fleurs. J’ai attendu mon premier printemps avec l’impatience d’un enfant à l’approche de Noël. Tellement focalisé sur cette parenthèse florale, j’en oubliais presque l’automne au Japon, une saison dont je n’avais pas encore mesuré l’ampleur de la beauté.

Et lorsque j’ai eu la chance de vivre mon premier automne entier dans le pays, la révélation fut immédiate… et durable. Savourer l’automne japonais est une expérience absolument saisissante, capable de rivaliser sans l’ombre d’un doute avec la magie des sakura. Séduit par la vision du koyo, ces feuillages rougis qui embrasent montagnes, temples et jardins, j’ai presque ressenti le besoin de m’excuser auprès de Dame Nature. J’avais sous-estimé cette sublime saison. L’automne au Japon mérite toute notre attention… au même titre que le printemps.
Ce qu’il faut savoir sur l’automne au Japon
Vous l’aurez compris, si les cerisiers en fleurs attirent chaque printemps tous les regards, l’automne n’a rien à leur envier. Le koyo, (que l’on peut traduire par « feuilles rouges », ou 黄葉 pour « feuilles jaunes ») désigne la métamorphose des arbres à l’arrivée de la saison froide. On peut aussi parler de momiji, mais ce terme fait uniquement référence aux érables en automne. Alors que les sakura annoncent le renouveau du printemps, le koyo marque la transition entre l’été humide japonais et l’hiver, enveloppant le pays d’une palette flamboyante et changeante, parfois plus intense encore que le rose délicat des cerisiers. Le climat est idéal, les foules moins présentes qu’au printemps, et le pays revêt ses plus beaux atours.

La saison des couleurs d’automne commence dès septembre à Hokkaido, l’île la plus septentrionale du Japon, et se prolonge jusqu’à la mi-décembre dans le Kanto et le Kansai, où les feuilles rouges et jaunes apparaissent souvent à la fin du mois de novembre. Heureusement pour nous, amateurs de koyo, un calendrier des prévisions de coloration des feuilles est disponible en ligne. Il permet de planifier ses voyages dans l’archipel tout au long de l’automne pour éviter toute déception. A l’instar des cerisiers, il est préférable de se fier aux prévisions pour planifier un voyage à travers le pays, même si, malheureusement, ce n’est pas une science exacte. On peut vite l’apprendre à ses dépens.
Printemps versus automne japonais
Loin de moi l’idée de vouloir comparer l’incomparable. Le printemps et l’automne japonais sont deux saisons magiques, chacune dotée d’un charme unique. Mais après avoir vécu de nombreuses saisons au Japon, je dois avouer que l’automne m’a envoûté bien plus que je ne l’aurais imaginé. À tel point que, à titre purement personnel, il pourrait parfois faire de l’ombre au printemps. Après les étés chauds et humides, ressentir l’arrivée des douces chaleurs automnales, tout en contemplant le feuillage changeant des arbres, est un véritable régal. Le ciel, d’un bleu profond et pur, accompagne la métamorphose des feuilles dans une atmosphère presque impressionniste. Les érables se parent d’un rouge vif et les ginkgos d’un jaune éclatant. La nature revêt ses plus belles couleurs pour le plaisir des yeux. Japon oblige, admirer ce spectacle dans le cadre d’un temple ou d’un sanctuaire isolé laisse une empreinte durable.

Et c’est précisément ce qui me séduit le plus. L’architecture, les trésors historiques ou encore les traditions se mêlent avec une harmonie parfaite aux couleurs de l’automne au Japon. Se détendre dans un temple intimiste, assis sur du tatami et contempler une nature rouge, jaune et orange, constitue un instant de poésie absolue, unique à cette saison. Partir sur les routes et gravir les montagnes flamboyantes de Nara ou de Wakayama offrent un spectacle impressionnant, à vivre en toute liberté.

Mais il n’est pas nécessaire de voyager loin pour succomber au charme du koyo. Tokyo abrite elle aussi des lieux exceptionnels, comme ses nombreux parcs. Et parfois, tomber nez à nez avec un ginkgo, paré de ses plus belles couleurs, au coin d’une petite rue calme et oubliée, suffit à suspendre le temps. Il ne faut parfois qu’un arbre pour que la magie opère.
Apprécier l’automne au Japon
Que l’on déambule en ville, que l’on trace sa route ou que l’on chausse ses plus belles chaussures de randonnée, il y a mille et une façons d’apprécier cette belle saison. Le mot d’ordre ? Suivre ses envies.
Se balader ou randonner, tout simplement
Il ne faut pas aller bien loin pour croiser, en automne, des arbres aux couleurs chatoyantes. On pourrait croire que le koyo n’a pas sa place au cœur de la tentaculaire Tokyo ; ce serait oublier que le charme du Japon réside aussi dans sa faculté à surprendre. La capitale regorge de lieux magnifiques où contempler les couleurs automnales : le parc de Yoyogi, les jardins Rikugi-en et Korakuen, ou encore l’avenue Icho Namiki à Meiji Jingu Gaien, pour ne citer que quelques exemples incontournables. Et là encore, il suffit de s’écarter des itinéraires les plus fréquentés pour tomber sur un parc plus discret, où se dressent fièrement des érables rougeoyants.


Kyoto constitue également un terrain de jeu idéal pour celles et ceux qui souhaitent profiter des feuillages d’automne sans s’éloigner des chemins populaires. L’ancienne capitale abonde de sites qui s’embrasent en fin d’année, pour notre plus grand bonheur. Aux abords d’Arashiyama, le spectacle est garanti. Il ne faut donc pas se sentir frustré de ne pas partir explorer des paysages lointains : même les plus grands centres urbains du pays abritent des endroits où admirer le koyo, des plus grandioses aux plus intimistes. Il suffit simplement de se laisser porter par l’appel de la promenade.

Les randonnées, très prisées au Japon, offrent aussi un excellent moyen d’admirer de près les feuillages d’automne les plus spectaculaires. Là encore, nul besoin de s’aventurer bien loin : les alentours de Tokyo, du mont Takao jusqu’aux vallées d’Okutama, invitent à de belles balades parfaitement balisées. Une expérience vivifiante.
Mount Takao
natural feature- Mount Takao, Takaomachi, Hachioji, Tokyo 193-0844, Japan
- ★★★★☆
Les temples et sanctuaires du pays
Mais s’il y a bien un cadre qui se marie à merveille avec les couleurs de l’automne au Japon, ce sont les temples et les sanctuaires. Le charme séculaire de ces lieux, imprégnés de traditions et d’une aura presque mystique, apporte un décor unique à cette saison flamboyante. C’est, à mes yeux, l’endroit idéal pour vivre un moment véritablement suspendu. Qu’il s’agisse d’un vaste complexe comme Enryaku-ji, d’un temple remarquable tel qu’Eihei-ji, ou d’un sanctuaire de quartier niché entre deux immeubles, l’atmosphère qui s’en dégage pendant le koyo reste inoubliable. Je pourrais passer des heures à contempler un simple ginkgo dominant un temizuya, le bassin d’ablution, tant ces instants semblent figés hors du temps. Un véritable tableau impressionniste.
Enryaku-ji Temple
tourist attraction- 4220 Sakamotohonmachi, Otsu, Shiga 520-0116, Japan
- ★★★★☆


Daihonzan Eiheiji
place of worship- 5-15 Shihi, Eiheiji, Yoshida District, Fukui 910-1228, Japan
- ★★★★☆
Certains de ces sites religieux sont d’ailleurs très réputés pendant la période du koyo. Par exemple, au temple Tofuku-ji à Kyoto, la passerelle Tsuten-kyo reliant le cœur du temple au pavillon principal surplombe une petite vallée densément peuplée d’érables. On a l’impression de flotter au-dessus d’un nuage rouge ; un spectacle que l’on peut admirer depuis la passerelle ou en franchissant le pont lui-même moyennant un droit d’entrée. Mais, revers de la médaille, la foule compacte vient quelque peu rompre la sérénité des lieux. Heureusement, le Japon offre autant de sites populaires que de sites secrets nichés dans des endroits intimistes. Un choix personnel à faire.

Tōfuku-ji Temple
tourist attraction- 15 Chome-778 Honmachi, Higashiyama Ward, Kyoto, 605-0981, Japan
- ★★★★☆
Sur les routes nippones
Ce n’est sans doute pas l’option la plus simple, mais sillonner les routes japonaises en automne offre des escapades dépaysantes, au cœur de forêts en pleine flamboyance. Dans les splendides régions du Tohoku, du Kansai, du Kanto ou encore du Chubu, les routes de montagne ondulent entre des reliefs recouverts d’un somptueux tapis de couleurs. On s’arrête volontiers au sommet d’un col pour admirer ces chaînes à perte de vue, baignées de tons rouges, or et orange. Autour de Nikko, les itinéraires sont tout simplement spectaculaires, tandis qu’à Fukushima, la Bandai Azuma Skyline fait le bonheur des amateurs d’asphalte et de koyo. Les exemples ne manquent pas, et il suffit parfois d’un virage pour tomber sur un panorama à la beauté automnale saisissante.
Bandai-Azuma Skyline
route- Bandai-Azuma Skyline, Fukushima, Japan
- ☆☆☆☆☆

En conclusion, il existe mille et une façons de savourer l’automne au Japon, cette saison envoûtante qui précède en douceur les rigueurs de l’hiver. Quand les températures restent encore clémentes et que les feuillages s’embrasent, chaque promenade devient une parenthèse précieuse : qu’on randonne en montagne, qu’on flâne en ville ou qu’on s’offre une pause dans l’enceinte silencieuse d’un temple, les érables rougeoyants composent toujours un moment suspendu. Une beauté éphémère, mais inoubliable.