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Avez-vous déjà fait voler un cerf-volant ? Si en Occident, les cerfs-volants sont considérés comme des jeux pour enfants, au Japon ils font la joie des personnes de tous âges. En plus d’être un passe-temps qui permet de profiter du grand air, les cerfs-volants font partie intégrante de l’art traditionnel japonais.

Il existe des centaines de styles et types de cerfs-volants, et chaque région possède sa propre forme. Ornés des plus belles couleurs, les formes et les dessins les plus originaux représentent le plus souvent des personnages historiques japonais et issus du théâtre kabuki ; ils ont une signification religieuse et symbolique.

Les cerfs-volants japonais sont ainsi parmi les plus spectaculaires au monde, tant pour leur valeur esthétique que pour la tradition qu’ils perpétuent, sans oublier le plaisir qu’ils procurent.

Lors de mon séjour à Yuzawa, dans la préfecture d’Akita, j’ai eu la chance de découvrir les secrets de création de ces chefs-d’œuvre, à Shunpu-Kan (春風館), l’atelier de M. Ono — le président de l’association des cerfs-volants de Yuzawa. Plus qu’une initiation, ce fut une rencontre avec un véritable artiste qui perpétue un art ancestral, malheureusement aujourd’hui en déclin au Japon.

L’histoire du cerf-volant japonais

Les cerfs-volants, ou “tako”, auraient d’abord été introduits au Japon pendant la période Nara (710-794 après J.-C.), par des missionnaires bouddhistes chinois. À l’origine utilisés dans des cérémonies religieuses et lors de célébrations, les Japonais se sont en grande partie approprié la culture chinoise, mais ont aussi développé leurs propres conceptions des cerfs-volants et de leur usage.

C’est durant l’époque d’Edo (1603 – 1868), lorsque le Japon ferma ses échanges avec l’étranger, que la plupart des cerfs-volants japonais que nous connaissons aujourd’hui ont connu un réel essor. La forme rectangulaire du cerf-volant chinois a laissé place à de nombreuses nouvelles formes : grues, dragons, poissons, etc. Ces nouvelles représentations symbolisaient la longévité, la prospérité ou la force. On utilisait alors les cerfs-volants comme talismans pour détourner les mauvais esprits.

Interdit en 1655 par le shogunat de Tokugawa, suite à de nombreux accidents et chutes de personnes depuis les toits, le cerf-volant ne fut un temps autorisé qu’au Nouvel An, devenant alors une tradition pour célébrer la nouvelle année. De nos jours, il est toujours courant d’offrir un cerf-volant pour de nombreuses occasions, comme lors de la fête des enfants du 5 mai : vous verrez de nombreux de cerfs-volants voler et des festivals se tiennent dans tout le pays.

Les cerfs-volants de Yuzawa, une tradition de plus de 300 ans

Si la tradition des cerfs-volants japonais tend à se perdre de nos jours, les cerfs-volants de Yuzawa perpétuent une tradition qui remonte à l’ère Genroku (1688 – 1704).

L’atelier Shunpu-Kan expose une multitude de cerfs-volants, dont ceux de type « Managu », que l’on fabrique à Yuzawa et qui sa caractérisent par les grands yeux des personnages représentés — « Managu » signifie « yeux » en dialecte local. D’un noir profond ou aux couleurs vives, les cerfs-volants sont couverts d’illustrations représentant des samouraïs et des personnages de kabuki. De véritables chef-d’œuvre, entièrement réalisés par M. Ono et d’autres amateurs de cerf-volants des générations passées.

M. Ono propose des ateliers d’initiation, pour créer soi-même son cerf-volant et l’emporter chez soi en souvenir. Plus qu’un atelier, c’est l’occasion d’entrer dans un univers artistique singulier. Au pas de la porte, M. Ono, cigarette à la bouche, le regard profond et bienveillant, vous reçoit et vous guide dans son atelier. Dès l’entrée, au rez-de-chaussée, on est accueilli par les visages des personnages historiques japonais.

L’atelier est perché en haut d’un escalier étroit qui donne sur une grande pièce dont même les plafonds sont recouverts de cerfs-volants.

L’art de créer un cerf-volant japonais

Un cerf-volant traditionnel se compose d’un cadre léger fait de bambou, sur lequel est accroché du papier artisanal peint de couleurs vives à l’aide de pigments naturels, et dont les contours sont peints au sumi (encre noire). Les illustrations sont audacieuses ; certains cerf-volants sont de très grande taille, et bon nombre nécessitent des compétences considérables à la fois en dessin, mais aussi en manutention, pour leur permettre de voler.

Lors de l’atelier, nous avons pu participer à chacune des étapes de la création d’un cerf-volant, sous la supervision de M. Ono. D’abord, on dessine les contours à l’encre, en suivant le modèle qui apparaît par transparence. Pour cela, on utilise trois pinceaux distincts, en fonction de l’épaisseur des traits et de l’effet souhaité. Le maintien du pinceau et la façon de le déplacer est un art en soit, et M. Ono a eu la gentillesse de le faire avec moi pour débuter.

On crée ensuite le cadre en bambou, et l’on joint l’image à l’armature.

On termine par insérer les ficelles qui permettront de le lancer et de le guider lorsqu’il volera.

Chaque étape requiert minutie et concentration, mais M. Ono est de bon conseil et saura vous guider !

Lorsque l’atelier fut terminé, j’étais ravie de pouvoir emporter chez soi ma création. Pour ceux qui n’auraient pas la place dans leur bagage pour voyager avec votre cerf-volant, il est possible de l’envoyer à l’adresse que vous souhaitez depuis les konbinis (Family Mart, 7-Eleven, etc.).

Une merveilleuse découverte de la culture de Yuzawa

Participer à un atelier avec M. Ono est à mon sens une opportunité à ne pas manquer pour découvrir de façon ludique et conviviale cet art ancestral, et ce quel que soit votre âge. Une étape culturelle qui complètera parfaitement votre séjour à Yuzawa.

 J’ai été tout particulièrement touchée par la générosité, et le sens du détail de M. Ono, qui propose ces atelier aux visiteurs avant tout par passion et par goût de la transmission : l’atelier dure 3 heures et coûte seulement 700 yens par personne !

Accès et informations pratiques

Il est nécessaire de réserver à l’avance en contactant le Groupe de promotion de géoparc, Division du tourisme et du géoparc, mairie de Yuzawa par email : geopark@city.yuzawa.lg.jp (site web: http://www.yuzawageopark.com/en). L’atelier coûte 700 yens par personne, règlement uniquement en espèces.

La maison de M. Ono se trouve à 15 minutes à pied de la gare JR de Yuzawa, accessible en environ 4 heures depuis Tokyo et 1h40 depuis Akita.

Vous pourrez trouver plus d’informations sur la région de Yuzawa sur le site Internet de l’Office du tourisme de Yuzawa ainsi que sur celui de l’Office du tourisme de la préfecture d’Akita (en anglais).

J’ai pour ma part pu découvrir la région en admirant les feuilles d’automne dans les gorges d’Oyasukyo, et séjournant dans un ryokan luxueux, au cœur de paysages époustouflants.

Cyrielle Ugnon-Coussioz

Cyrielle Ugnon-Coussioz

Settled in Tokyo since October 2017, during the week I help foreigners to move to Japan; and I dedicated weekends to my passion: exploring the world in all its nuances and sharing my discoveries!

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