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Kure, ville d’acier : une plongée au cœur de l’histoire navale du Japon

Article partenaire Hiroshima Musées et galeries

À seulement 40 minutes de Hiroshima, la ville de Kure se dresse fièrement, les pieds dans la mer intérieure de Seto, l’esprit ancré dans son passé militaire et les yeux tournés vers son avenir industriel.

Si elle est loin d’être une destination touristique majeure, elle offre pourtant un concentré unique d’Histoire, de mécanique et de patrimoine naval. Et au cœur de cette ville de bord de mer encore très active, on trouve le musée Yamato. Ce dernier fut fondé en 2005, dans le but de transformer le souvenir du monstre d’acier initialement nommé Plan A-140, en monument de mémoire.

Un peu d’histoire

1937, sud-ouest du Japon, préfecture de Hiroshima, ville de Kure… Dans le secret le plus total, dans des conditions parfois inhumaines et sous une pression immense, des milliers d’ingénieurs et d’ouvriers s’activent. Objectif : bâtir le plus grand cuirassé jamais conçu par l’humanité : le Yamato.

Bien que la planification de ce dernier ait commencé en 1934, les plans ne sont finalisés qu’en mars 1937, et ce n’est que le 4 novembre de la même année que la quille est posée dans un dock transformé pour l’occasion : élargi d’un mètre, équipé de grues de 350 tonnes… et entièrement camouflé sous un toit pour préserver le secret et éviter toute fuite d’informations aux services de renseignement étrangers.

Le port en 1945
Kure, 1945 © Domaine public

Les chantiers navals achèvent sa construction le 8 décembre 1941, au lendemain de l’attaque sur Pearl Harbor, avant de le mettre en service le 16 décembre.

Le Yamato était censé incarner la suprématie navale japonaise. Pourtant, malgré ses dimensions colossales et sa puissance de feu inégalée, il ne connaîtra jamais les grandes batailles décisives pour lesquelles il avait été conçu. Le plus grand cuirassé du monde connaîtra une fin aussi spectaculaire que tragique.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Pourquoi le plus grand navire de guerre du Japon n’a-t-il jamais livré bataille ? Pourquoi a-t-il été sacrifié dans une mission sans retour ? A ce jour, il ne reste rien de la coque d’origine, car il fut coulé dans des conditions absurdes en 1945, avec plus de 3000 hommes à son bord. Et c’est justement pour cela que le musée Yamato est une visite incontournable.

Situé près des anciens chantiers navals de Kure, ce musée ne se contente pas de montrer une maquette à l’échelle 1/10 et quelques photos d’archives. Il relate l’histoire d’une nation dans sa quête de supériorité militaire et il reflète l’âme d’un navire devenu mythique.

Le musée Yamato

En tant que passionné d’aéronavale ou simple curieux, on entre dans le musée Yamato comme dans un sanctuaire. On y découvre les détails techniques, les conditions de vie à bord, les choix stratégiques de l’époque, mais aussi les limites technologiques… Ce n’est pas une visite. C’est une plongée dans la vie des Japonais qui ont participé à toutes les étapes de la conception ainsi que de la maintenance de ce bâtiment. Comme dans tout musée d’histoire de guerre, on y découvre une mémoire lourde, mais préservée tant bien que mal par des associations, des passionnés et des défenseurs d’un pan de l’histoire presque oubliée du Japon.

Musée de Kure

Mais le musée Yamato ne se résume pas à l’histoire d’un seul navire. Il s’inscrit dans un ensemble plus vaste, à la croisée du devoir de mémoire, de la pédagogie, et d’une passion forte pour l’ingénierie navale. En bord de mer, à quelques minutes à pied de la gare de Kure, ce musée est le cœur d’un quartier entier dédié à l’histoire maritime, un écosystème où cuirassés, sous-marins et maquettes cohabitent en silence, sous le regard des visiteurs venus de tous les horizons.

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Ce qu’on découvre sur place (musée + extérieur)

Construit face au port, à l’endroit même où les chantiers navals faisaient résonner le son des rivets et des marteaux, le musée Yamato présente bien plus qu’une simple maquette. Sur deux étages, il retrace l’évolution de Kure, son rôle central dans la modernisation de la flotte impériale, la vie des ouvriers, les avancées technologiques et les conséquences humaines de la guerre. On y découvre des objets du quotidien, des uniformes, des modèles réduits et des reconstitutions qui permettent de mieux comprendre l’ambition des puissances navales de l’époque. La visite dure entre 2 et 4 heures, selon votre intérêt pour les expositions temporaires, les films documentaires proposés (parfois uniquement en japonais) et les zones interactives.

Intérieur du musée

À la sortie, le regard est naturellement attiré par l’immense sous-marin Akishio, exposé en extérieur et appartenant au JMSDF (Japan Maritime Self-Defense Force Museum of Kure) : un ancien navire de la force maritime d’autodéfense, entièrement visitable. On y entre par la trappe supérieure et l’on découvre le poste de commandement, les couchettes exiguës, les torpilles stockées à l’avant… Une expérience unique pour ressentir, physiquement, ce que vivre à bord de ce genre d’engin signifie réellement.

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Non loin, une avancée sur la mer trace les contours du pont du Yamato à l’échelle 1, une esplanade symbolique où l’on réalise pour de bon la taille impressionnante du bâtiment. À l’extérieur du musée, les visiteurs peuvent contempler les hélices, le gouvernail et même un canon de 410 mm du Mutsu, exposés en plein air.

Panorama du port

Le quartier est calme, agréable, ponctué de cafés et de bancs, idéal pour une pause avant de reprendre la route ou de visiter le JMSDF, juste en face. Moins connu mais tout aussi riche, il complète la visite avec des informations sur les sous-marins modernes, la navigation civile et l’évolution de la technologie japonaise après-guerre.

Kure, une ville entre mer et montagnes

Kure est nichée dans une baie naturelle entourée de reliefs. En observant sa topographie, on comprend aisément pourquoi cela fait d’elle un excellent port militaire. Quand on arrive par le sud de la ville et ses hauteurs, on surplombe les chantiers navals en contrebas, on aperçoit aussi bon nombre de ponts et d’îles à l’horizon.

Kure depuis les hauteurs

Les points de vue sont nombreux dès qu’on prend un peu de hauteur, notamment du côté du mont Yasumi-yama, accessible à pied. D’autres spots dans les hauteurs (comme Irifuneyama) offrent de belles perspectives sur les docks et le port.

  • Yasumiyama


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  • Yasumiyama, Agamachi, Kure, Hiroshima 737-0005, Japan
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Si l’histoire du Yamato constitue le cœur battant de Kure, la ville mérite qu’on y consacre un peu plus qu’une simple demi-journée. Ancienne place forte de la marine impériale, elle a su se transformer sans perdre son identité : aujourd’hui encore, on y croise des ouvriers, des navires militaires à quai, et des grues géantes qui découpent l’horizon. Le port reste actif, à la fois industriel et militaire, et c’est cette ambiance unique, entre modernité et mémoire, qui fait tout l’intérêt d’un séjour à Kure. Et cela aussi bien pour les passionnés d’histoire et de technologie navale que pour les simples curieux.

Kure, une ville agréable non loin de Hiroshima

Moins touristique que Hiroshima, Kure reste une ville à taille humaine, accueillante et facile d’accès. De petits hôtels sont facilement accessibles depuis la gare, à quelques minutes des musées et le centre se parcourt aisément à pied ou en bus. Le marché local ravira les amateurs de produits de la mer, et les croisières commentées dans le port offrent une perspective rare sur les destroyers et navires d’escorte de la JMSDF. Et pour ceux qui viendraient en été, le festival de Kure est l’occasion parfaite de voir la ville vibrer : parades, concerts, feux d’artifice… et parfois, la chance unique de monter à bord de navires militaires ouverts au public !

Vue depuis le port de Kure le soir

Pour s’y rendre, rien de plus simple. Depuis la gare de Hiroshima, le train express de la ligne Kure (Akiji Liner) vous emmène à Kure en 35 minutes environ. Si vous êtes en voiture de location, comptez environ 40 minutes de trajet entre le centre de Hiroshima et le port de Kure.

  • Kure Station


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  • 1 Takaramachi, Kure, Hiroshima 737-0029, Japan
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Envie d’un Japon hors des sentiers battus ? De ceux qui résonnent d’Histoires avec un grand H, d’ombre et de lumière ? Alors cap sur Kure, là où les vagues murmurent encore le nom du géant d’acier que fut le Yamato, plus grand cuirassé jamais construit.

Le musée Yamato est actuellement en cours de rénovation jusqu’en mars 2026.


Cet article a été publié dans Article partenaire, Hiroshima, Musées et galeries et étiqueté par Coline Emilie Aguirre. Marquer le lien permanent.

Coline Emilie Aguirre

Coline Aguirre est photographe et consultante en immobilier, vivant dans la campagne japonaise, plus précisément dans la région de Nara. Passionnée par l’architecture, les kimonos et les trésors cachés de la vie rurale au Japon, elle explore et raconte, à travers ses images et ses mots, la beauté des lieux oubliés. Fondatrice de Maison Coco, elle accompagne également les étrangers dans leurs projets d’installation et/ou d’achat de maisons traditionnelles au Japon.

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