Article réalisé en partenariat avec l’Office du Tourisme de Shinshu-Iiyama
Ascension vers le sanctuaire de Kosuge
Les cèdres étaient incroyablement droits, comme des tuyaux de fer géants, plantés dans le sol par des mains invisibles et laissés là pendant des siècles, à amasser la poussière et la mousse. Me tenir au pied d’un de ces cèdres et regarder vers le haut m’a rappelé qu’à côté des ces géants silencieux, j’étais à peu près insignifiant, tant par la taille que par l’âge et la stature. Le silence résonnait là, dans le village de Kosuge où des sanctuaires qui existaient il y a plus d’un millénaire se dressent encore, dans l’ombre des arrière petits-enfants des arbres sous lesquels ils ont été érigés.
Mais l’atmosphère paisible du village de Kosuge est trompeuse car son histoire est imprégnée de la violence des combats qui l’ont ravagé à cause de son emplacement stratégique. Depuis la fin du 10e siècle jusqu’à la fin du 12e siècle, des batailles entre les dynasties Takanashi et Ichikawa ont marqué le village. Après quelques siècles de paix et les reconstructions consécutives, l’époque dite « des Provinces en Guerre » qu’ont été les 15e et 16e siècles a apporté son lot de nouvelles destructions. Aux alentours des années 1560, le samouraï et seigneur de guerre Uesugi Kenshin a prié pour la victoire contre son ennemi juré Takeda Shingen aux sanctuaires du Mont Kosuge. Dans ce qui semble être un acte de revanche, Takeda attaqua le village en 1567, incendiant tous les bâtiments importants à l’exception d’un seul. Quand la paix fut revenue dans la région au début des années 1600, les membres du clan Uesugi reconstruirent les bâtiments endommagés et détruits. Aujourd’hui, les bâtiments et les alentours ne sont plus entretenus pas les clans, ni par le clergé shinto ou bouddhiste, mais par les villageois qui continuent à habiter la région. Une dernière grande entreprise de reconstruction a eu lieu en 1923.
Le Niou-mon (la porte Niou) se dresse au milieu d’un petit carrefour en bas de la colline menant au village de Kosuge. C’était la porte principale qui menait au complexe de temples construit il y a plus de 300 ans. Elle ne donne pas la sensation d’être à sa place, ni dans l’espace, ni dans le temps, mais c’est en fait qu’elle est restée à son emplacement d’origine alors que le village s’est transformé autour d’elle.
En grimpant la route qui mène au village, nous sommes passés près du Koudou, qui a été la salle de lecture du temple Ganryuji avant que celui-ci ne soit réduit en cendres par Takeda. Il fut restauré en 1697 par le seigneur féodal Matsudaira, et abrite aujourd’hui trois importantes statues de Bouddha.
Derrière le Koudou, nous pénétrions dans la forêt et gravissions des marches de pierre, bordées de cèdres, jusqu’au Satosha Honden, l’un des sanctuaires d’origine. Ma guide, Takayanagi-san, m’expliqua comment se purifier avec l’eau et les louches à l’entrée du sanctuaire. Lavez vous les mains avec l’eau l’une après l’autre, puis rincez la louche (mais pas au-dessus du bassin) avant de la remettre à sa place. Certaines personnes se rincent également la bouche, mais ne le faites pas en prenant une gorgée d’eau directement dans la louche : versez d’abord de l’eau dans votre main.
En continuant vers le sommet de la colline (est-ce que vous commencez à voir où je veux en venir ?), nous sommes arrivés au temple Bodai-in et au Kannondou. On trouve dans le Bodai-in des objets bouddhistes datant du 12e siècle, ainsi que des œuvres d’art bouddhiste datant de l’ère Edo, reconnues comme Biens Culturels Tangibles de la ville. Je n’ai pas photographié ces objets car je dois vous laisser des choses à découvrir par vous-même en visitant le village de Kosuge, pas vrai ? À l’extérieur du Bodai-in, se trouve une collection de pierres sculptées représentant des figures bouddhistes, installées sous des érables multicolores, leurs visages s’étant effacés avec le temps.
Une centaine de mètres plus haut, nous arrivons au troisième torii du sanctuaire de Kosuge, marquant l’ascension finale vers l’ancien sanctuaire lui-même. Après avoir passé la plus grande partie de la journée à randonner sur le Shin-etsu Trail avant de venir au village de Kosuge, ni Takayanagi-san ni moi n’avions la force de marcher les 1,2 km, avec un dénivelé de 310 mètres, jusqu’au sanctuaire ; ce qui prend environ une heure depuis le troisième torii. Les premiers 800 m de l’ascension se font par d’anciennes marches de pierre bordées de suginamiki, des rangées de cèdres plantés il y a plus de 300 ans. Plutôt que de grimper encore, nous nous sommes consolés avec la vue sur le chemin d’Iiyama et, en arrière-plan,les montagnes de la préfecture de Nagano. Le mystère du sanctuaire de Kosuge devait rester un mystère, jusqu’à mon prochain séjour dans la région.
À la découverte de la « Petite Kyoto » d’Iiyama
Le matin suivant, me sentant revigoré après une bonne nuit de sommeil, je décidais de partir explorer la partie d’Iiyama située au nord-ouest de la gare avant de prendre le train du retour en début d’après-midi. Appelée « la petite Kyoto de la région de Shinshu« , les collines de l’ouest d’Iiyama comptent plus de 20 temples et ne sont pas sans rappeler celles de Kyoto à l’automne, avec de nombreux érables se parant de teintes rouges et orangées. Bien que ma visite soit en avance de quelques semaines sur la pleine saison, la beauté de l’automne approchant était déjà visible dans un certain nombre de temples.
Depuis la gare d’Iiyama, je me suis dirigé vers le nord jusqu’au Iiyama Cultural Hall, un chef d’œuvre d’architecture moderne signé Kengo Kuma, inauguré au même moment que la nouvelle ligne de Shinkansen Hokuriku, en 2015.
À gauche du bâtiment, en haut d’un escalier abrupte, se trouve le sanctuaire Inari de Katayama, sur une colline qui domine la ville et un petit cimetière. Les sanctuaires Inari sont des sanctuaires shinto très répandus, dédiés à la déesse du riz. L’on y trouve souvent des représentations de renards, qui sont considérés comme les messagers d’Inari. En continuant vers le nord, en bas de la colline et en traversant le cimetière, vous arriverez au Saikyoji, un des temples situés le long de la « Tera Meguri yuuhodou » d’Iiyama, un chemin piéton tracé pour relier les temples et rendre cela plus facile de tous les visiter. Une carte du chemin est visible près de chaque temple du circuit, il est donc très simple de savoir où l’on se trouve et où se situe le prochain temple.
Parmi ces superbes temples, le plus merveilleux est peut-être le Shonenji, et tout particulièrement à l’automne quand la cour intérieure, si densément planté d’érables japonais, se pare de couleurs vives (encore une fois, je suis venu quelques semaines trop tôt, et les couleurs n’étaient pas à leur apogée pour mes photos). Il n’est pas rare de voir des bus de touristes locaux en automne pendant les week-end, mais les foules ne sont jamais assez denses pour vous empêcher de profiter d’un moment de solitude au milieu des arbres.
Près de l’entrée du temple Shonenji, se trouve la Rue des Autels Bouddhistes, remarquable par l’architecture inhabituelle de ses bâtiments, avec notamment un trottoir couvert devant les facades des boutiques. À cause de la grande quantité de neige qui tombe à Iiyama pendant les mois d’hiver, cette architecture permet de garder les trottoirs propres et de protéger des boutiques et les maisons qui en font usage.
Je suis entré dans l’une des boutiques, dont le jeune propriétaire m’a dit qu’elle était tenue par sa famille depuis plus de 200 ans, pour lorgner sur les autels bouddhistes, fabriqués avec soin avec quelques-uns des bois les plus précieux que l’on trouve dans la région. Une question évidente pour moi était de savoir comment tant de boutiques vendant des autels pouvaient poursuivre leur activité dans une ville relativement petite comme Iiyama. La première partie de la réponse à cette question est que les maisons d’Iiyama sont bien plus vastes que celles des grandes villes comme Tokyo, et ont donc assez d’espace pour y installer de grands autels, alors que les maisons modernes deviennent trop étroites pour cela. Ici, presque toutes les familles auraient un autel, sans mentionner le grand nombre de temples des alentours, que je venais de visiter. La deuxième raison, moins évidente, est que les boutiques d’autels ne font pas qu’en vendre de nouveaux, mais s’occupent également de l’entretien de ceux que les personnes possèdent. Et les besoins d’entretien de tous les autels des alentours leur assure assez de travail pour tous.
J’aurai bien continué ma promenade le long de la Tera meguri yuuhodou pour aller visiter les autres temples, mais l’alarme de mon téléphone me rappelait qu’il fallait que je me dépêche de revenir à la gare pour acheter quelques souvenirs et attraper le Shinkansen qui devait me ramener à Tokyo. Et c’est ici que se niche le seul vrai problème avec Iiyama : il y a tellement à y faire que vous manquerez toujours de temps ou d’énergie pour tout faire.
Se rendre à Iiyama et au village de Kosuge
Venir à Iiyama depuis Tokyo ne saurait être plus simple. Prenez le Shinkansen Hokuriku depuis Tokyo ou Ueno jusqu’à la gare d’Iiyama et vous arriverez en environ une heure et demi. Depuis la gare de Shinkansen de Shin-Osaka, vous devrez changer à Kanazawa et cela prend environ trois heures et 45 minutes.
Il y a peu de transports publics pour aller au village de Kosuge depuis la gare, le meilleur moyen est donc de demander des informations pour une visite du village à l’aimable personnel de l’Office du Tourisme de la gare d’Iiyama, au rez-de-chaussée. L’arrêt de bus le plus proche est Sekizawa, qui se trouve à environ 1,5 km en contrebas du village de Kosuge. Rappelez-vous, vous aurez encore une petite marche devant vous si vous voulez grimper jusqu’au sanctuaire, donc n’essayez pas sauf si vous êtes à l’aise avec les longues marches en terrain vallonné !
Traduit par Clémentine.