Article réalisé en partenariat avec Nakaumi Shinjiko Daisen DMO
Le Japon est une terre riche de mythes et l’on raconte que 8 millions de kami (divinités shinto) y vivent. En voyageant dans la région de San’in Chuo (autrement dit les préfectures de Tottori et de Shimane), j’ai pu y sentir l’omniprésence de ces divinités, aux côtés de créatures légendaires comme les yokai, qui semblent avoir leur place à part entière dans la vie de tous les jours. C’est encore plus vrai dans la région d’Izumo, qui compte de nombreux sanctuaires, dont l’un des deux plus importants du Japon (avec celui d’Ise) : l’Izumo-taisha (出雲大社). C’est là qu’une fois par an tous les kami du Japon se réunissent.
Le grand sanctuaire d’Izumo
L’Izumo-taisha est l’un des sanctuaires shinto les plus importants et les plus anciens de l’archipel, désigné comme Trésor National. On ne sait pas quand il fut érigé, et ses origines remontent aux temps légendaires. On dit qu’il aurait été bâti par les divinités elles-mêmes pour abriter l’une d’entre elles : Okuninushinomikoto, « créateur de tout ce qui existe », fondateur du Japon et divinité en-musubi — ayant pouvoir sur le destin des relations, de celles des amoureux à la société entière.
Ses bâtiments ont pris diverses formes à travers les âges, et celle que l’on connaît aujourd’hui date de 1744. Mais la notion de « vieilles pierres » est totalement étrangère à la culture shinto : le sanctuaire est un lieu spirituel avant d’être matériel, ce qui se traduit à travers la reconstruction rituelle du sanctuaire tous les 60 ans (même s’il ne s’agit plus actuellement d’une reconstruction totale du toit mais partielle).
Le sanctuaire est vaste, composé de nombreux bâtiments. Il faut emprunter une allée bordée de pins pour accéder au cœur du complexe. Le centre en est interdit aux visiteurs, car il s’agit du chemin emprunté par les kami.
Comme il est de coutume, le honden, le bâtiment principal qui abrite la divinité, est entouré d’une palissade et n’est pas accessible ; les cérémonies se tiennent dans d’autres bâtiments. Le honden du sanctuaire d’Izumo est le plus haut du Japon, son toit en écorce d’hinoki culminant à 24 mètres. Mais la légende, attestée par une découverte archéologique récente, raconte qu’il a été par le passé deux fois plus haut, perché sur de grands piliers et relié au sol par une longue passerelle.
Abritant une divinité en-musubi, l’Izumo-taisha est un endroit idéal pour la célébration des mariages. La corde sacrée shimenawa qui orne le bâtiment où ont lieu ces cérémonies, le kaguraden, est l’une des plus grandes du Japon : longue de 13,5 mètres et pesant 4,5 tonnes.
Le rituel Karasade-sai : l’au-revoir aux kami
Ce qui rend le sanctuaire d’Izumo si sacré c’est que chaque année, pendant le 10e mois du calendrier lunaire, tous les kami du Japon s’y réunissent. Ce mois est appelé Kannazuki (le mois sans dieux) dans tout le Japon, sauf à Izumo, où on parle au contraire du Kamiaritsuki (le mois où les dieux sont présents).
Parmi les nombreux matsuri célébrés à Izumo, ceux qui fêtent l’arrivée et le départ des kami sont donc de première importance. Les divinités sont accueillies lors du Kamimukae-shinji, puis s’en suivent sept jours lors desquels les habitants se retiennent de faire trop de bruit pour ne pas les déranger. Les divinités logent dans les jukusha, des bâtiments aux nombreuses portes, qui ne sont ouvertes que lorsqu’elles sont présentes.
J’ai eu le privilège de pouvoir assister au rituel Karasade-sai, célébré le jour où les kami quittent le sanctuaire. Ces rituels sont perpétrés par la même famille depuis 84 générations, et on dit que le supérieur descend en ligne directe du fils d’Amaterasu, déesse du soleil et supposée ancêtre de la famille impériale.
Tout d’abord, un officiant est venu ramasser les nombreuses pièces de monnaie laissées devant la jukusha.
Juste avant que les prêtres ne s’avancent, le ciel était couvert de nuages épais et le tonnerre commençait à gronder. Mais, comme si les divinités étaient intervenues, le calme est revenu, et les officiants ont pu venir chercher les kami et les transporter, cachés derrière un linge blanc, jusqu’au bâtiment où avait lieu la suite du rituel.
La foule était dense, et je n’ai malheureusement pas vu grand chose de la cérémonie qui a suivi. L’ambiance était assez étonnante, la foule mêlant badauds, personnes plongées dans la prière et la dévotion, profondément émues, et personnes ayant une attitude plus flottante : semblant respecter la tradition et s’y prêter sans trop y croire. C’est sans doute celle de la majorité des Japonais face à ces croyances ancestrales, profondément ancrées dans la culture et présentes dans la vie quotidienne, mais plus comme des coutumes que comme une religion en laquelle ils ont une foi profonde. Ils étaient cependant nombreux à patienter dans de longues files d’attente pour faire une offrande et prier dans les multiples sanctuaires de l’Izumo-taisha.
La date du rituel étant basée sur le calendrier lunaire, elle varie chaque année, mais se trouve généralement en novembre.
Quelques autres choses à ne pas manquer à Izumo
En suivant la même route que les kami, pendant une dizaine de minutes à pied depuis le sanctuaire, on arrive à la plage d’Inasanohama (稲佐の浜). C’est par ici que les divinités arrivent à Izumo et en repartent. L’imposant rocher qui se dresse sur la plage abrite le petit sanctuaire Benten-jima.
Il faut aussi se balader aux alentours du grand sanctuaire, où l’on trouve de nombreux lieux sacrés, bien moins fréquentés et pourtant loin d’être dénués d’intérêt, comme un arbre millénaire et une fontaine.
Ceux qui s’intéressent au kabuki connaissent sans doute Izumo no Okuni, considérée comme la fondatrice de ce théâtre. On ne sait presque rien d’elle, mais certaines sources disent qu’elle fût miko (servante) au sanctuaire d’Izumo avant de partir pour Kyoto, où elle est devenue célèbre. On trouve à Izumo sa tombe supposée (une autre existant à Kyoto…), ainsi qu’une statue, identique à celle que l’on peut voir près du théâtre Minamiza dans l’ancienne capitale.
Côté culinaire, une des spécialité d’Izumo est le sanshoku warigosoba. Ces nouilles soba froides sont servies avec trois accompagnements : du tororo (igname japonais râpé), un onsen tamago (œuf cuit à température modérée) et du radis daikon râpé. Sobadokoro Tanakaya (そば処 田中屋), le restaurant recommandé par les locaux, se trouve juste devant l’entrée du sanctuaire.
Plus d’informations
Pour plus d’informations et préparer votre voyage dans la région du cœur de San’in Chuo, consultez ce site Internet (en Anglais). Vous y trouverez des informations sur les lieux à visiter, des idées d’itinéraire, et des informations concernant les transports.
Vous pouvez également télécharger l’application enmusubi-smart navi (縁ナビ) sur l’App Store et Google play (disponible en Anglais).
Vous pourrez aussi trouver des informations pratiques concernant les transports sur le site Internet de l’office du tourisme de San’in Chuo (en Anglais).
Pour venir à Matsue depuis Hiroshima, des tickets de bus express à prix réduit sont proposés aux visiteurs étrangers. Sur présentation de votre passeport, le ticket ne vous coûtera que 500¥, alors il serait dommage de se priver d’un détour par la région de San’in Chuo lors d’un séjour à Hiroshima / Miyajima ! Ils sont vendus sur place, le jour du trajet ou la veille. Vous trouverez les informations pratiques sur ce document.