Le quartier tokyoïte d’Akihabara (秋葉原), communément surnommé « Akiba », est aujourd’hui l’épicentre de la culture otaku au Japon. Le mot otaku, anciennement péjoratif, définit toutes les personnes fanatiques de culture japonaise contemporaine, comme les manga, l’animation ou encore les jeux vidéo. Situé dans le nord-est de la capitale, Akihabara fourmille de références à la culture populaire qui font le bonheur des passionnés en tout genre qui viennent déambuler dans la zone la plus électronique de l’arrondissement, Akihabara Electric Town. Ce quartier, qui a su se créer au fil du temps une renommée internationale, n’était pourtant pas, à son origine, le temple de la pop culture nippone comme on le connaît aujourd’hui.
D’Akihabara à « Electric Town »
Bien que le visage actuel d’Akihabara nous soit familier, il n’est pas rare d’ignorer l’histoire fascinante qui se cache derrière ce quartier emblématique de Tokyo.
Une histoire d’après-guerre
« Electric Town » a vu véritablement le jour après la Seconde guerre mondiale, grâce notamment au marché noir qui s’est progressivement spécialisé dans les pièces de radio. La popularité de ce système de télécommunications, à cette époque, a d’ailleurs beaucoup joué dans l’expansion et la prospérité du quartier. Outre les quelques magasins d’électronique d’avant-guerre qui ont pu rouvrir leurs portes, ce sont surtout les vendeurs de rue et leurs étals qui ont permis au quartier de devenir la « ville électrique ». Le gouvernement métropolitain de Tokyo prendra même la décision de fournir un site dédié aux vendeurs de rue. S’ouvre alors le Tokyo Radio Department Store, sous la ligne de train surélevée, en 1950.
Et puis a suivi, quelques années plus tard, le boom des appareils électroménagers. La technologie des fabricants japonais devient très populaire dans le monde et le « Made in Japan » est alors une preuve indéniable de qualité. Dans les années 80, les boutiques hors taxes font leur apparition pour satisfaire la demande des touristes internationaux souhaitant acquérir de l’électronique japonaise, appareils photo en tête.
La transformation d’Akihabara
Après plusieurs plans de réaménagement, qui vont façonner le visage du quartier, à la fin des années 80 et au début des années 90, Akihabara va petit à petit devenir ce qu’il est aujourd’hui. Dans la décennie qui s’ensuit, les otaku d’informatique et les férus de pièces d’ordinateur vont peu à peu se passionner pour les jeux vidéo, les anime, les manga et les nombreux produits dérivés. Avec des ventes d’appareils électriques en baisse, de nombreux magasins spécialisés vont alors répondre à la demande de cette nouvelle clientèle. Des marqueurs iconiques de la culture populaire nippone ont également ponctué l’histoire de la métamorphose du quartier. Preuve en est avec AKB48 (abréviation de « Akihabara48 »), un des plus grands groupes féminins de musique pop du pays, qui a débuté son aventure en 2005 à Akihabara, aidé par la création de sa propre salle de spectacles.
L’offre gargantuesque de plaisirs geek et otaku d’Akiba se traduit aujourd’hui par une ribambelle de boutiques et de lieux insolites en tout genre. Les plus grandes chaînes de magasins électroniques, au catalogue inimaginable, côtoient les boutiques indépendantes spécialisées et les centres de jeux, dans un cadre qui ne cesse d’évoluer au gré des tendances et des affres de la vie. La pandémie de coronavirus et les bénéfices d’exploitation en berne ont donné un sacré coup au secteur ces dernières années. Même le géant Sega n’a eu d’autre choix que de se retirer du secteur en 2022, après plus de 50 ans de présence sur le marché de l’arcade. Mais comme toujours, Akihabara saura se relever.
Un quartier aux multiples plaisirs
Quartier tentaculaire par excellence, Akihabara offre sur un plateau moult divertissements, activités et terrains de chasse pour les plus collectionneurs.
La position dominante du jeu vidéo
Les salles d’arcade, qu’elles aient pignon sur rue ou qu’elles se la jouent intimiste, sont indéniablement des incontournables pour les amoureux du 10e art. On en compte de très modernes, comme d’autres beaucoup plus vintage, qui plairont assurément aux fans de la première heure. Et même si l’industrie des centres de jeux au Japon doit faire face aujourd’hui à de nombreux défis, obligée d’évoluer pour s’adapter aux nouvelles tendances et aux nouveaux comportements sociétaux, le quartier reste toujours une destination de choix pour s’essayer aux bornes d’arcade.
Avec le boom du retrogaming, Akihabara réussit son pari de proposer aux joueurs nostalgiques et curieux une offre gargantuesque sur le marché du jeu vidéo vintage, qui fait la part belle aux pixels et aux souvenirs d’enfance. Les passionnés se ruent dans les petites boutiques de retrogaming dans l’espoir de dénicher la perle rare. Revers de la médaille, cette forte demande a malheureusement entraîné une explosion des prix. Les bonnes affaires disparaissent petit à petit face à l’adoption par les magasins d’une politique de prix plus gourmande. Reste qu’avec un yen favorable, il y aura toujours la possibilité d’assouvir sa passion.
Une offre variée en constante évolution
Les librairies jouent également un rôle prépondérant dans la popularité du quartier, que l’on souhaite se procurer une nouveauté ou un manga épuisé. Les rayons, où s’amoncellent littéralement des tonnes de livres, sont de véritables cavernes d’Ali Baba, sollicitant la patience des passionnés qui devront faire preuve d’abnégation afin de trouver la perle rare. Les magasins de jouets, figurines, DVD d’anime et goodies, sont autant d’étapes qui viennent ponctuer nos pérégrinations à Akihabara. Nouveautés ou occasions, avec ou sans détaxe, l’abondance de tentations proposées par le quartier est assez unique en son genre.
Figurent également à Akihabara des cafés thématiques, où le personnel est habillé en adéquation avec l’esprit du lieu. Les fameux « maids cafés » sont les plus populaires. Les filles sont habillées avec des uniformes de soubrette et la nourriture joue la carte du kawaii. Chaque ouverture d’un nouveau magasin ou d’un point de vente insolite, souvent pour satisfaire un désir de niche, permet à Akihabara de s’amuser à créer de nouveaux précédents, repoussant toujours plus les limites. Les marques et les franchises le savent, ouvrir un café ou un pop-up store autour de la culture populaire à Akihabara est une démarche on ne peut plus bénéfique pour les affaires.
S’orienter dans le quartier d’Akihabara
Bien que déambuler à Akihabara au gré de ses envies et de son inspiration soit vivement recommandé, prendre conscience de la configuration du quartier permet aussi d’agrémenter son expérience sur place.
Une desserte des plus pratiques
Facilement accessible par le réseau JR (dont la célèbre ligne Yamanote), la ligne de métro Hibiya et la ligne privée Tsukuba Express, la gare d’Akihabara reste la porte d’entrée principale de toute visite dans le quartier. C’est d’ailleurs souvent une belle entrée en matière, les publicités et les pop up stores qui y éclosent évoquant immédiatement les thématiques chères au quartier.
La gare JR, la plus fréquentée, se compose de trois sorties dont deux principales : « Central » et « Electric Town » (cette dernière ne souffrant d’aucune ambiguïté). La sortie « Central », orientée est, est l’option recommandée pour se rendre dans l’un des plus célèbres grands magasins du quartier, Yodobashi Camera Multimedia Akiba. Ce temple de l’électronique et du shopping, au catalogue colossal, est une étape clé de toute visite à Akihabara, que l’on ait un achat en tête ou que l’on soit à l’affût d’emplettes atypiques.
L’avenue Chuo-dori, colonne vertébrale du quartier
Pour rejoindre directement le cœur électrique du quartier, il suffit donc d’emprunter la sortie éponyme, qui plonge le visiteur directement dans l’ambiance d’Akihabara, avec néons saturés, publicités géantes et décibels retentissants. De là partent plusieurs rues bordées de grands magasins spécialisés dans la culture otaku et de centres de jeux aux machines à pinces démesurées qui se rejoignent au niveau de l’avenue Chuo-dori (fermée à la circulation le dimanche après-midi).
Cette artère photogénique, qui découpe le quartier, est un axe clé pour s’orienter. Célèbre pour ses enseignes colorées et pour la ligne JR Sobu qui la survole, l’avenue est un repère indissociable de toutes balades dans Akihabara. Lorsqu’on la traverse, une autre facette du quartier se dévoile. Les petites boutiques et les magasins indépendants se mêlent aux mastodontes des lieux, comme les centres de jeux GIGO. Le dédale de rues qui rayonne à l’ouest de la Chuo-dori est une véritable invitation à une session effrénée de shopping dans l’une des zones les plus authentiques d’Akiba.
Vivre pleinement Akihabara en cinq adresses
Voici une sélection personnelle de cinq adresses incontournables dans le quartier d’Akihabara, idéales pour découvrir l’essence de ce haut lieu de la pop culture japonaise.
Mandarake Complex
Parmi les magasins de la chaîne nippone Mandarake, celui d’Akihabara est définitivement l’un des fleurons du genre. Le bâtiment noir de huit étages regorge de produits d’occasion à faire pâlir les amoureux de jeux, jouets, figurines, anime, manga et autres plaisirs otaku. On aime s’y perdre et partir à la découverte des rayons afin de dénicher la rareté qui viendra fièrement compléter une collection. D’une cartouche rare d’un jeu rétro à une figurine d’un personnage de son enfance en passant par une édition limitée d’un ouvrage, il y en a pour tous les goûts (et toutes les bourses…).
Super Potato Akihabara
Adresse culte des amateurs de retrogaming, Super Potato Akihabara promet à ceux qui en poussent la porte une véritable plongée nostalgique dans une époque révolue du jeu vidéo. Game Boy, Famicom, Mega Drive, pour ne citer qu’elles, font partie de la longue liste des merveilles qui trônent dans les rayons étroits de cette antre peuplée de passionnés. Alors que les deux premiers étages sont dédiés aux consoles et à la culture geek, le troisième abrite d’anciennes bornes d’arcade sur lesquelles les férus de Street Fighter, Pacman ou Tetris pourront passer du bon temps pour quelques yens (tout en dégustant des dagashi, les snacks et bonbons bon marché). Une ambiance de plus en plus rare.
Akihabara Radio Kaikan
Avec ses airs d’immeuble tout droit sorti d’un anime, Akihabara Radio Kaikan abrite plusieurs boutiques indépendantes qui font la part belle aux figurines, jouets et cartes de collection, entre autres produits otaku. La visite complète de ce bâtiment a de quoi faire tourner les têtes. Sur une dizaine d’étages, on prend plaisir à enchaîner les boutiques et à se laisser surprendre par le contenu des innombrables vitrines ou autres étals littéralement recouverts de petites figurines en sachets. Les grandes franchises nippones et occidentales y sont bien représentées, tout comme certaines œuvres plus obscures.
Retro Game Camp
Coincée entre plusieurs grands magasins au niveau de l’avenue Chuo-dori, cette petite boutique discrète sur deux étages, spécialisée dans le retrogaming, recèle un nombre considérable de jeux et consoles de toutes les générations. Dans une ambiance plus intimiste que les mastodontes du secteur, Retro Game Camp est la bonne adresse pour les férus de jeux vidéo souhaitant enfin mettre la main sur un graal qui leur échappe depuis trop longtemps. Les prix sont également légèrement plus abordables qu’ailleurs.
Tokyo Video Gamers
Ce bar concept, à quelques encablures de la gare, est idéal pour profiter d’une pause bien méritée dans une atmosphère de néons et de pixels. Comme son nom peut le laisser entendre, Tokyo Video Gamers est un bar dédié à l’univers du jeu vidéo d’arcade qui propose aux clients de savourer un verre bien frais ou une collation tout en jouant gratuitement à l’une des sept bornes d’arcade. Le bar propose également des goodies et des magazines à feuilleter.
Bien que le visage d’Akihabara change et mute année après année, une visite de ce quartier reste un incontournable de tout séjour à Tokyo. L’effervescence, l’architecture, les néons qui illuminent les nuits ou encore l’ambiance générale assez unique, font d’Akihabara un quartier dépaysant à visiter, qu’importe son attention ou ses désirs. Et si la culture otaku fait partie intégrante de votre vie quotidienne, Akiba devient alors un véritable lieu de pèlerinage.