Lors de notre dernière soirée dans la ville d’Arida, au sommet de la plateforme d’observation le long de la route montagneuse d’Arida Mikan, en contemplant les vergers de mandarines mikan et le littoral émeraude accidenté qui se perdait au loin, je ressentis toute la tranquillité de la terre et de la mer. Osaka et son animation se trouvent à moins de deux heures de train, et pourtant, à Arida, l’étalement urbain n’est plus qu’un souvenir lointain.

Cette modeste ville sur le littoral de Wakayama, étape pratique pour ceux qui explorent la route de pèlerinage historique du Kumano Kodo, incarne cette vie au ralenti dont nous avons tous tant besoin. Trois jours à Arida, c’est ce qu’il faut pour se recentrer, trois jours à absorber sa nature apaisante, sa cuisine vibrante et son hospitalité chaleureuse.
Premier jour : exploration des paysages d’Arida
Nous avons commencé la matinée en apprenant à connaître Arida de la meilleure façon possible : à pied. Nous avons suivi la route le long de la côte jusqu’à ce qu’elle se transforme en sentier de randonnée menant à un chemin forestier. C’est la route vers le cap Miyazaki-no-hana, un promontoire rocheux où la rivière Arida rencontre le canal de Kii. Impossible ici d’accéder à l’océan, mais la vue est impressionnante. Par temps clair, on peut même apercevoir au loin la préfecture de Tokushima sur l’île de Shikoku, la plus petite des principales îles du Japon. En cours de randonnée, nous nous sommes arrêtés à Arakoshi, une crique pittoresque cachée, pour nous rafraîchir et savourer la sensation de l’eau sur nos pieds.



Il faut un peu plus d’une heure à un rythme raisonnable pour randonner jusqu’au cap, si bien qu’une fois de retour au parking après la promenade, il n’est pas rare d’avoir un petit creux. Pour cela, Hama no Utase est une destination populaire auprès des résidents locaux qui viennent y acheter des fruits de mer et des produits frais, ou bien encore dîner dans son restaurant spacieux et moderne. Parmi la variété de plats de fruits de mer à déguster au restaurant, j’ai choisi un kaisen-don (bol de riz aux fruits de mer frais), incroyablement frais et débordant presque du bol, tandis qu’un de mes compagnons a opté pour un ebi tendon (bol de riz aux tempuras de crevettes), garni d’une variété de tempuras de fruits de mer et de légumes. Les portions énormes de Hama no Utase nous ont rassasiés, nous qui étions affamés après notre randonnée jusqu’au cap.


Après le déjeuner, nous avons décidé de profiter d’une autre des vues célèbres d’Arida, en nous rendant jusqu’à la baie voisine de Yabitsu. Ce quartier pittoresque prospéra en tant que zone de villégiature à l’âge d’or des circuits en bus, autrefois pilier du voyage domestique. Les habitudes de voyage changeant, de nombreux complexes hôteliers et installations touristiques ont fermé, mais la beauté de la région demeure comme une sorte de village méditerranéen figé dans le temps.

Une entreprise locale, Yabitsu Village, a tiré parti du paysage local époustouflant en établissant une installation permettant aux visiteurs de camper, faire des barbecues, pêcher, ou participer à divers sports nautiques comme le SUP (stand-up paddle). De plus, des visites guidées en kayak et de la plongée en apnée sont proposées afin de découvrir deux des trésors cachés de la région : la Grotte Bleue et la Grotte Verte, cachées dans les eaux cristallines le long du littoral. Nous manquions de temps dans notre programme pour participer aux activités plaisantes de Yabitsu Village ; néanmoins, flâner dans les rues étroites et sinueuses à flanc de colline, visiter de petits sanctuaires et découvrir des expositions d’art improvisées se révélaient autant d’activités charmantes en elles-mêmes.


Le soir, nous avons séjourné chez Matsubayashi, une modeste auberge japonaise tenue par Hiroji Matsubayashi, un véritable touche-à-tout. M. Matsubayashi partage volontiers des informations sur les divers types d’entreprises dans lesquelles il est impliqué, depuis la fourniture d’espaces d’hébergement à grande échelle pour les camps et groupes d’écoliers jusqu’à la congélation et l’exportation du poisson frais d’Arida, en passant par la production d’aliments pour animaux à partir de déchets de fruits de mer impropres à la consommation humaine.
Matsubayashi Accommodation
establishment, lodging, point_of_interest- Hama-1769-1 Hatsushimachō, Arida, Wakayama 649-0306, Japan
- ★★★★☆



Les chambres chez Matsubayashi sont de style japonais standard : un sol en tatami avec une table basse, une télévision minuscule et un lit futon utilitaire. Ce sont les repas de l’établissement qui valent particulièrement le détour, incluant un dîner comprenant plusieurs plats en portions et un copieux petit-déjeuner japonais. On nous a proposé plusieurs choix de menus pour le dîner, l’un mettant en vedette le hamo, l’anguille congre saisonnière disponible dans les eaux autour d’Arida, et un autre mettant en vedette le tendre bœuf wagyu de Wakayama. Même le dîner standard était spectaculaire, comprenant les sashimis les plus frais de la prise du matin même.
Deuxième jour : de la mer à la montagne
Nous nous sommes levés tôt de nos futons pour une excursion mémorable au port d’Oi afin d’assister à la vente aux enchères de poissons. Cette activité sur rendez-vous seulement est similaire à la célèbre visite du marché aux poissons de Tsukiji (maintenant Toyosu), mais à un niveau plus intimiste ; avec l’aide d’un guide, vous pouvez vous tenir côte à côte avec les pêcheurs locaux et les grossistes pour assister à la vente aux enchères en direct. Pendant les périodes plus calmes, il est possible d’engager la conversation avec les pêcheurs locaux avec l’aide du guide ; l’un d’eux était un grand fan de baseball et était ravi quand je lui ai donné une carte à collectionner MLB d’un joueur de baseball japonais bien connu.


La vente aux enchères est relativement petite, et les choses progressent rapidement. Néanmoins, on avait largement le temps de photographier l’action et d’avoir un aperçu des poissons qui seraient présentés dans les plats des restaurants locaux plus tard dans la journée.

Après la vente aux enchères, nous sommes retournés chez Matsubayashi pour apprendre à faire des sushis de manière professionnelle avec, surprise, M. Matsubayashi lui-même ! Non seulement c’est un homme d’affaires prolifique, mais c’est aussi un chef accompli, qui a enseigné l’art du sushi à l’étranger en Australie et aux États-Unis.


Enfilant des gants en plastique et des toques en papier, notre professeur nous a montré comment correctement former le riz (shari) et le recouvrir entièrement avec la garniture de fruits de mer (neta). C’est plus qu’une question d’esthétique ; la façon dont les nigiri sushis sont faits affecte aussi leur goût. Il s’est avéré que les membres de notre groupe étaient plutôt doués pour la fabrication de sushis (ou du moins, M. Matsubayashi nous a-t-il comblés d’éloges), et bientôt, nous avions chacun une assiette de sushis prête à s’ajouter à notre petit-déjeuner.

Après le petit-déjeuner, nous avons exploré un autre aspect majeur de la longue histoire d’Arida : sa position le long du Kumano Kodo, l’ancien ensemble de routes de pèlerinage parcourues depuis plus de 1000 ans. La route qui traverse Arida, autrefois fréquemment utilisée par les nobles japonais, car elle rejoint Kyoto à l’extrémité la plus éloignée, est connue sous le nom de route Kiiji. Une grande partie de cette route est désormais pavée et utilisée pour le transport moderne, mais passe encore par de petits lieux d’importance historique.


J’ai commencé par visiter le Musée folklorique du Kumano Kodo, un petit musée qui donne un aperçu de l’histoire de la route et de la position d’Arida le long de celle-ci. La ville était l’un des endroits où les pèlerins passaient la nuit en attendant un ferry pour traverser la rivière Arida le lendemain matin. Il faut, toutefois, bien maîtriser le japonais pour pouvoir véritablement apprécier le musée. L’utilisation de Google Traduction ou d’une autre application de traduction est recommandée.

À côté du musée se trouve le sanctuaire Itoga Inari. Sa courte ligne de torii en bois rouge indique qu’il s’agit d’un sanctuaire inari dédié à la divinité de l’agriculture, souvent représentée par un renard. L’un des sanctuaires inari les plus connus est Fushimi Inari Taisha à Kyoto, qui comporte des milliers de torii rouges. Vous serez surpris d’apprendre que cet humble sanctuaire inari précède en réalité Fushimi Inari Taisha de plusieurs décennies…
Itoga Inari Shrine
establishment, place_of_worship, point_of_interest- Nakaban-329 Itogachō, Arida, Wakayama 649-0421, Japan
- ★★★★☆


De là, vous pouvez suivre la section du col d’Itoga du Kumano Kodo à travers les vergers de mikan et grimper jusqu’en haut de la montagne. Une fois le marqueur en pierre indiquant le site du col historique atteint, il est possible de poursuivre sur un sentier de terre un peu plus loin le long de la crête afin d’aller voir le petit sanctuaire intérieur Itoga Inari au sommet de la montagne.
Après notre randonnée, il était temps pour une pause déjeuner dans un café servant la nourriture la plus acclamée de Wakayama : la fameuse orange mikan. Alors que la plupart des gens, y compris les Japonais, pensent que la préfecture d’Ehime est la capitale de la production de mikan, c’est en réalité Wakayama qui produit le plus de mikan dans le pays. Le café présente ce délicieux fruit dans un éventail de plats et de desserts, y compris le distinctif BLM, un burger bacon-laitue-mikan qui est un favori local. Si vous préférez plutôt un dessert, le café offre un Parfait Premium aux agrumes avec une variété produite localement et six types différents de jus d’agrumes, dont vous pouvez obtenir trois échantillons différents. Le café est tenu par l’une des nombreuses fermes de mikan fondées à Arida.





Gardez cependant de la place pour une autre gourmandise, car votre prochaine destination est la Galerie SIGMA. L’architecture élégante du bâtiment, mise en valeur par un énorme et gracieux pin bonsaï, pourrait parfaitement s’intégrer dans le quartier le plus branché de Tokyo ; il se trouve pourtant dans l’humble Arida.


Bien qu’elle semble être une galerie d’art convertie en pâtisserie chic, la boutique a en fait été conçue pour être une pâtisserie dès le départ. Le propriétaire souhaite que les desserts créés sur place soient considérés comme des objets d’art, et cela ne requiert que peu d’efforts de notre part. Les desserts de la galerie, faits à partir de fruits et d’autres ingrédients du Japon, sont aussi goûteux que beaux. J’ai choisi un dessert qui ressemblait à une pêche fraîche entière posée sur une tarte, et quand j’y ai goûté, j’ai découvert que le noyau avait été retiré et le centre rempli d’une crème légère et d’une garniture de crème pâtissière. D’autres desserts présentaient des mangues, des melons et des châtaignes cultivés localement. Il n’est pas possible de manger sur place, mais le personnel serviable a emballé nos achats avec soin pour que nous puissions les rapporter à notre hébergement pour la soirée.
Gallery Sigma
bakery, establishment, food- 24 Chida, Arida, Wakayama 649-0313, Japan
- ★★★★☆


Cette nuit-là, nous nous sommes détendus à l’Aridagawa Onsen Ayuchaya Hotel Sunshine, qui propose des chambres élégamment rénovées dans un bâtiment adjacent à des sources chaudes. Ne vous fiez pas à l’allure un peu vieillotte de l’extérieur ; les chambres ont été rénovées pour mélanger l’esthétique japonaise avec les conforts occidentaux, comme un épais lit futon sur une plateforme surélevée au-dessus des sols en tatamis traditionnels.

Le restaurant se trouve dans le bâtiment abritant les sources chaudes et présente des plats exquis faits à partir du plus gros poisson premium du Japon, le kue (aussi connu sous le nom de mérou longues dents). Bien qu’il soit possible de savourer un repas de pot-au-feu mettant en vedette ce délicieux poisson, j’étais déjà assez rassasié après le déjeuner et le dessert pris plus tôt dans la journée, alors j’ai opté pour un repas simple composé d’udon froids faits main et d’un mini unagi-don (anguille grillée sur riz) qui n’était en réalité pas si mini.


Les sources chaudes se sont avérées être particulièrement luxueuses, comportant des bains intérieurs et extérieurs pour hommes et pour femmes, ainsi que des saunas à vapeur qui utilisent l’eau des sources chaudes comme vapeur, censée faire des miracles sur la peau fatiguée.


有田川温泉 鮎茶屋・ホテルサンシャイン
establishment, lodging, point_of_interest- Japan, 〒649-0312 Wakayama, Arida, Hoshio, 37−37
- ★★★☆☆
Troisième jour : d’îles désertes en vergers perchés
Le lendemain matin, sous un ciel dégagé et sur des eaux calmes, nous avons embarqué sur un bateau privé à ciel ouvert depuis le port de pêche de Hatsushima vers Jinoshima, une petite île déserte à environ 10 minutes. Il n’y a pas d’eau courante ni d’électricité sur l’île, et le dernier habitant permanent est parti après la Seconde Guerre mondiale. Avant cela, personne ne se souvenait de qui vivait sur l’île.


Désormais, Jinoshima prospère en tant que destination de camping, barbecue et sports nautiques, grâce notamment à sa plage qui, s’étendant sur 400 mètres face au continent, est bordée par des eaux émeraude. Les entreprises d’activités de plein air apportent l’essentiel sur l’île afin que les groupes puissent camper pour la nuit ou le week-end (réservations requises).


Nous avons passé la matinée dans l’eau, pagayant de haut en bas de la plage et de la côte rocheuse en SUP, riant et nous taquinant tandis que les heures matinales s’écoulaient.

À l’heure du déjeuner, nous étions prêts à retourner sur le continent, pour nous laver et nous rendre sur le lieu réservé pour notre déjeuner, Tachibanaya, un ryokan original servant des marmites shabu shabu de tachiuo, le poisson-sabre argenté brillant commun dans les mers estivales du coin. Le tachiuo cru est délicatement remué dans la marmite jusqu’à ce qu’il soit légèrement cuit, faisant ressortir sa saveur délicate. La marmite est accompagnée d’un grand ensemble de plats qui incluent des tempuras, des sashimis, du chawanmushi (flan salé aux œufs cuit à la vapeur), et une variété d’autres petits plats. Pour les membres de notre groupe qui étaient lassés de manger des fruits de mer à presque tous les repas, un délicieux bol de riz au poulet frit était aussi disponible à un prix raisonnable.



Après avoir partagé quelques repas entre nous, nous nous sommes mis en route pour déguster un dessert frais fait avec des mikan d’Arida et de la glace crémeuse. Sowakajuen Terrace and Marche est une boutique directe du Verger Sowaka, un producteur majeur de mikan d’Arida. En été, les fruits mikan apparaissent sur les arbres, mais ils ne seront prêts à être cueillis qu’à la mi-automne et au début de l’hiver. Une fois ce moment arrivé, il devient possible de réserver une expérience de cueillette de mikan à la ferme Sugai voisine en bas de la route, qui offre l’opportunité de récolter et manger vos propres mikan d’octobre à décembre.
Sowakaju Orchards
establishment, point_of_interest- Shinmachi-275-1 Miyaharachō, Arida, Wakayama 649-0434, Japan
- ★★★★☆



Il n’est pas chose aisée de saisir l’étendue de l’industrie des mikan d’Arida sans passer par Arida Mikan Road, une autoroute sinueuse près du sommet des montagnes au sud de la rivière Arida. Sur le trajet, l’immensité des vergers à flanc de montagne se dévoile et l’on imagine alors le travail qu’il faut aux fermiers d’Arida pour récolter ces petits joyaux sucrés pour le reste du pays. Avec le soleil de l’après-midi parant le paysage d’un orange mikan brillant, nous avons grimpé jusqu’à la plateforme d’observation, pour observer la beauté des fermes et de la mer qui se perdait au loin.
Arida est une destination facile d’accès le long du littoral intact de la préfecture de Wakayama, entre la région de Kyoto/Osaka et les destinations populaires de la route de pèlerinage du Kumano Kodo. Ajoutez quelques jours au début ou à la fin de votre visite dans le Kansai pour explorer cette ville accueillante. Juste un conseil : une voiture de location est une nécessité pour couvrir la plupart des endroits de cet itinéraire, alors assurez-vous de faire traduire votre permis de conduire ou bien d’apporter un permis international selon votre pays d’origine.
Traduit de l’anglais par Salomée Darneau.