Article réalisé en partenariat avec l’Office du Tourisme de Shinshu-Iiyama
Cela me semblait une question toute simple : où pourrais-je bien attraper un saumon de Shinshu ? Comme je suis quelqu’un qui aime bien de temps en temps pêcher à la ligne dans une rivière tranquille, cela m’intéressait de savoir où l’on pouvait en attraper, et j’avais la certitude que des pêcheurs passionnés du monde entier afflueraient à Nagano pour avoir la chance d’en attraper un par eux-mêmes. J’ai pu retrouver cette denrée précieuse de la cuisine de Nagano, une des rares préfectures japonaises enclavées, dans plusieurs des plats que j’ai mangé pendant mon séjour à Iiyama, sous des formes diverses. Le saumon de Shinshu, le nom sous lequel est connu et commercialisé le saumon de Nagano, est ce que la plupart de saumons doivent rêver de devenir : agréable à l’œil, floconneux au toucher et savoureux au goût. Mais aussi, semble-t-il, impossible pour moi à attraper.
Je suis venu à Iiyama, dans la préfecture de Nagano, pour randonner sur le Shin-etsu Trail, un chemin de grande randonnée qui longe les crêtes des montagnes qui séparent les préfectures de Nagano et de Niigata. Alors que les plus aventureux choisissent de camper au bord du chemin, un citadin comme moi préfère avoir un futon moelleux pour dormir, un onsen brûlant où se plonger et des toilettes qui ne nécessitent pas de manier la pelle (pour être honnête, il y a de vraies toilettes le long du Shin-etsu Trail, mais c’est une autre histoire). Après une première journée de marche, mon hôte m’accompagnait jusqu’à mon hôtel : le Shikisai no Yado Kanoe, au pied des montagnes sur le côté ouest de la vallée. La ville d’Iiyama, au pied des montagnes, est un endroit idéal pour admirer les couleurs changeantes de la saison qui, à ce moment, se teintaient de l’or, du rouge et de l’orange de l’automne.
Le Shikisai no Yado Kanoe est ryokan familial traditionnel, avec un onsen alimenté par la source chaude de Togari Onsen. Les chambres, toutes simples, ont un sol de tatami et sont pourvues d’une petite table et d’un espace où déplier son futon pour la nuit, ainsi que d’une petite télévision — bien qu’il soit plus plaisant de prendre un bon bain dans l’onsen et de se coucher tôt. Il y a un lavabo et des toilettes privatives dans chaque chambre, mais l’onsen est commun (un pour les hommes et un pour les femmes). Hors saison, il est sans doute très facile d’avoir tout l’onsen pour soi, si cela vous convient mieux.
Le point fort du Shikisai no Yado Kanoe n’est cependant ni ses chambres ni son onsen, mais les repas fait maison par Mme Kanoe et sa famille. La quasi-totalité des ingrédients sont locaux et, pour certains, locaux signifie « à quelques pas dans le jardin en sortant par la porte de derrière ». Mme Kanoe a eu la gentillesse de me montrer ses deux jardins : celui d’été, déjà arrivé en fin de saison et retourné par ses soins, et le grand jardin d’hiver, de l’autre côté de la rizière, qui regorgeait déjà des légumes qu’elle utilisait maintenant pour préparer les repas.
Le dîner est servi dans une salle à manger commune, bien que les hôtes soient installés à des tables séparées. Je partageais la salle à manger avec un grand groupe d’amis qui voyageaient ensemble et dégustaient les nombreux plats arrosés d’une belle quantité d’alcool. Parmi les plats servis pour le dîner, on trouvait de nombreux légumes du jardin des Kanoe, de délicieux sashimi de saumon de Shinshu (essayez donc de répéter ça trois fois de suite très vite…), des tranches de porc d’Iiyama bien tendres en salade, du buri grillé (une sorte de sériole) recouvert de sauce tare. Les saveurs de ces plats étaient très variées : sucré, salé, aigre et umami s’alliant sans que les unes ne prennent trop de dessus sur les autres. La kabocha (potiron japonais) était particulièrement savoureuse, le goût sucré du potiron évoquant les souvenirs des automnes passés.
Enfin, une grande marmite de riz aux marrons de saisons fut apportée dans la salle à manger afin que ceux qui en voulaient plus puissent se resservir une… ou deux fois.
Arrêtons nous un instant pour apprécier à sa juste valeur le riz aux marrons de Mme Kanoe, en commençant par le riz de qualité supérieure de koshihikari, cultivé dans les rizières d’Iiyama, moelleux et parfumé. Elle y ajoute des marrons locaux cuits à la vapeur, juste assez fermes pour apporter une autre texture en bouche quand le goût sucré du marron chaud régale vos papilles. Disons tout simplement qu’il y aura eu beaucoup d’allers-retours vers l’énorme marmite de riz aux marrons laissée dans la salle à manger ce soir-là.
Après avoir pris un bain et m’être remis de ce repas gargantuesque, je dormais d’un sommeil réparateur et me réveillais pour déguster un petit-déjeuner japonais plus simple, mais tout aussi délicieux. Les légumes du jardin de Mme Kanoe étaient les joyaux du repas, mais le saumon de Shinshu était lui aussi encore présent, grillé selon la tradition, me mettant une nouvelle fois l’eau à la bouche avec ses saveurs fines et sa texture incomparable. J’aurais voulu demander plus de renseignements à Mme Kanoe à propos du saumon, mais je devais partir tôt pour ma randonnée sur le Shin-etsu Trail et j’aurais fait attendre mon guide. Après avoir appris mes projets pour la journée, Mme Kanoe m’offrait gracieusement un merveilleux bento à emporter pour ma randonnée
Notre deuxième journée de marche s’est avérée plus difficile que la première, et bien qu’ayant mangé un bento copieux pour le déjeuner, j’avais un creux à l’estomac arrivé en fin d’après-midi. Mon hôte m’accompagnait vers mon prochain hébergement : le Nabekura Kogen Mori no Ie, qui est aussi l’un des Centres Touristiques du Shin-etsu Trail. Bien que les logements du Mori no Ie soient des cottages indépendants, avec cuisines équipées pour ceux qui souhaitent cuisiner par eux-mêmes, il est aussi possible de réserver un forfait incluant le dîner dans un établissement proche, l’Iiyama Yutaki-onsen, ce que j’ai fait.
Le forfait inclut l’accès complet au Yutaki-onsen, avec des bains intérieurs et extérieurs pour les hommes et les femmes. L’onsen donne sur la rivière Chikuma, que l’on peut admirer en se prélassant. Après avoir régénéré mes muscles fatigués dans l’onsen, je rejoignais mon hôte Takayanagi-san dans la salle à manger pour le dîner.
Comme lors de mon repas précédent à Iiyama, des ingrédients locaux et de saison étaient mis à l’honneur dans les spécialités servies à Yutaki-onsen. Trois sortes de pommes de terre, chacune assaisonnée d’une manière particulière. Quatre sortes de champignons servis en tempura et toute une variété d’autres cuisinés de différentes manières. Des sashimi de konnyaku (konjac) à tremper dans diverses sauces. Du poulet jodori grillé, des hire-katsu (escalopes de porc frites), et un poisson appelé iwana, servi à la fois en carpaccio et grillé entier avec du citron. La célèbre spécialité d’Iiyama, le sasazushi, du riz assaisonné au vinaigre et servi sur une feuille de bambou, recouvert de légumes des montagnes. Et, bien caché dans cette quantité de mets délicieux, le joyau : le saumon de Shinshu, cuisiné avec du fromage et de l’oignon, tellement fondant en bouche.
Soyons honnêtes, on nous a servi plus de nourriture que deux personnes autres qu’Hakuho et Kisenosato puissent être capables de manger. En faisant de notre mieux, en une heure et demi, nous avons à peine réussi à tout goûter, sans même parler de finir les plats. Mais pendant le dîner, j’ai pu demander à Takayanagi-san où il était possible de trouver du saumon de Shinshu. Elle m’a regardé d’un air un peu confus ; après tout, il y en avait juste là, sur mon assiette. Mais, où est-ce que les gens l’attrapent, ai-je demandé. « Il vient d’un lac » m’a-t-elle répondu.
Après le dîner, la navette pour le Mori-no-Ie est venue me chercher et m’a ramené, somnolent d’avoir tant mangé, jusqu’à mon cottage. Pour ceux qui s’imaginent les logements japonais comme des petits espaces conçus pour des petites personnes, le Mori-no-Ie est une belle surprise. Les cottages sont spacieux et espacés, avec vue sur les forêts d’Iiyama de tous les côtés. Si vous voulez faire des économies en préparant vos repas, où si vous avez des restrictions alimentaires, il y a une cuisine équipée dans chaque gîte. Le top au Mori-no-Ie? Une bonne connexion Internet, mais pas de télévision. La nuit tombée, vous pourrez donc écouter le bois qui craque dans le poêle ou le vent qui bruisse dans les feuillages, tout en naviguant sur Google pour vous renseigner sur les endroits que vous souhaitez visiter le lendemain. Il y a une mezzanine à l’étage qui, dans mon cas, était pourvue d’un futon pour dormir, mais d’autres cottages sont équipés de lits de style occidental.
Le matin, j’ai eu l’occasion de faire un tour du terrain du Mori-no-Ie. Isolée dans la forêt, près d’un petit torrent, on trouve la Forêt de Hamacs, un bosquet où une douzaine de hamacs sont suspendus aux arbres. L’endroit idéal pour s’imprégner du calme et de la paix de la forêt, tout en vous reposant. Des tables de pique-nique et des aires de repos sont éparpillées dans la propriété. Des VTT et de l’équipement de randonnée sont disponibles à la location sur place. Tout l’intérêt de cet hébergement est de vous permettre d’apprécier la nature environnante.
Je prenais un petit-déjeuner occidental tout simple : pain, bagel et fromage au refuge du Mori-no-Ie, accompagnés d’une tasse de café et d’un verre de jus de pomme de Nagano. Le refuge offre un espace idéal pour se détendre et rencontrer les autres voyageurs qui logent au Mori-no-Ie pendant leur séjour dans la région d’Iiyama. Le patron parle parfaitement anglais (bien qu’il dise que ce n’est pas le cas) et il connaît très bien la région. Cela faisait donc de lui la cible idéale de ma dernière tentative de résolution du mystère du saumon de Shinshu.
« Où est-ce que je peux aller pour attraper du saumon de Shinshu ? », lui ai-je demandé. Il a souri poliment, en secouant la main. « Le saumon de Shinshu est un saumon d’élevage », m’a-t-il répondu. « C’est une spécialité locale que vous pouvez acheter, mais pas attraper vous-même. » J’étais abasourdi, l’espace d’un instant, avant de me rappeler que j’avais eu le privilège d’en déguster non pas une, mais trois fois pendant mon séjour de deux jours à Iiyama. Tout simplement l’histoire d’un poisson insaisissable.
Se rendre à Iiyama
La ligne récente de Hokuriku Shinkansen vous transporte confortablement de la gare de Tokyo à la gare d’Iiyama en seulement une heure et demi. Depuis Shin-Osaka, vous devrez prendre le train JR Hokuriku Limited Express en direction de Kanazawa et changer pour prendre le Hokuriku Shinkansen, et cela vous prendra un peu moins de quatre heures.
Traduit par Clémentine.