Si le Japon est mondialement connu pour la qualité de son transport ferroviaire, l’archipel possède également une véritable culture cyclable. Les aficionados de la pédale s’accordent d’ailleurs à dire que les Japonais disposent du troisième pays le plus cyclable au monde derrière nos voisins Néerlandais et Danois. Au-delà du vélo de tous les jours, emprunté par jeunes et moins jeunes pour se rendre à l’école ou au travail, on trouve au Japon de véritables paradis bituminés pour amateurs de la petite Reine. Partons à la découverte de l’un d’entre eux: la Shimanami Kaido !
Six îles pour sept ponts
Probablement le plus illustre, la Shimanami Kaido propose un trajet de minimum soixante-et-onze délicieux kilomètres entre les municipalités d’Imabari sur l’île de Shikoku et Onomochi sur l’île de Honshu. Séparées par six îles principales et reliées par sept ponts suspendus, les deux destinations peuvent être intégralement parcourues à vélo grâce à des centres de location situés au départ et à l’arrivée du parcours. Une demi-douzaine d’autres centres sont à retrouver au cours du trajet, offrant la possibilité de n’en parcourir qu’une partie et vélo et de terminer en bus ou en taxi. Petit récit de treize heures inoubliables entre Matsuyama et Hiroshima.
Un réveil ferroviaire en douceur
La journée peut débuter dans le calme du petit matin durant une petite heure de train, essentiellement rempli d’écoliers encore assoupis et silencieux, s’égrenant au fil des différentes stations en direction d’Imabari.
La cabine du conducteur étant entièrement vitrée, vous pouvez commencer le trajet en profitant pleinement du paysage ferroviaire bucolique que propose la ligne Yosan durant ces quinze arrêts.
Débarquer à la petite gare de Hashihama, la plus proche de la plupart des premiers centres de location, est une véritable téléportation depuis Matsuyama vers la campagne presque uniquement animée par les oiseaux et les grillons. Les quelques habitants du coin sauront quant à eux vous réserver des regards quelque peu curieux et de grands sourires à chaque fois.
La ligne bleue, fil rouge de la Shimanami Kaido
La Shimanami Kaido est très bien balisée puisque le chemin le plus court est indiqué par cette bande bleue doublant la bande blanche réglementaire. Le décompte de kilomètres est enclenché !
Les sept ponts à traverser sont accessibles par de petites rampes dédiées aux cyclistes ; une petite montée sportive à faire à chaque fois, toujours plus amusante au moment de redescendre avec un horizon à 360 degrés.
La sécurité est de mise tout au long de Shimanami-Kaido puisque les vélos sont protégés par une voie dédiée et séparée de la circulation automobile par un double rail de sécurité. En dehors des ponts où la circulation est rapide et dense, cette dernière devient véritablement douce et non-invasive une fois la terre ferme regagnée, puisque l’itinéraire cyclable indiqué ne suit majoritairement que des voies de tourisme.
Vous pourrez trouver tout au long du parcours suffisamment de distributeurs de boissons fraîches pour éviter une déshydratation pouvant rapidement survenir sous le soleil de mai et ses trente degrés. J’ai opté pour le Calpis, boisson énergisante toute aussi étrange que séduisante, avec un goût légèrement médicamenteux que l’on apprivoise étonnamment vite.
Les 14 rampes d’accès seront un véritable spectacle à chaque reprise ; une petite suée à la montée pour profiter d’un panorama complet à chaque descente, tout en prenant un peu de vitesse pour s’accorder une petite brise fraîche dans la pénombre des arbres touffus.
Le spectacle sur les différentes îles continuera essentiellement sur des petites routes de tourisme en bord de mer.
Etant en plein cœur de la Mer Intérieure, vous pourrez admirer les fameux tourbillons de Naruto (鳴門の渦潮, Naruto no uzushio), phénomène causé par l’interaction des marées dans le détroit de Naruto entre la préfecture de Tokushima sur l’île de Shikoku et l’île d’Awaji. Parmi les plus puissants au monde avec ceux de Norvège, ils sont un véritable spectacle naturel hypnotisant et quasi-permanent, à seulement quelques dizaines de mètres du rivage. Les Japonais étant friands de jeux de mots, le Narutomaki est le nom d’un ingrédient en forme de tourbillon que l’on trouve dans les ramen.
Parmi les autres découvertes qui s’offrent à vous, différentes infrastructures comme les tétrapodes conçus pour casser et endiguer la lame de fond d’un tsunami sont disséminés sur le parcours. Rassurez-vous en cas d’alerte, les hauteurs ne sont qu’à quelques secondes de marche de la route.
Le musée d’architecture Toyo Ito
J’ai décidé de faire un grand détour de près de vingt-cinq kilomètres sur l’île d’Oshima pour me rendre au musée d’architecture consacré à Toyo Ito, grande figure de l’architecture japonaise contemporaine, d’ailleurs lauréat du prix Pritzker en 2013, équivalent du prix Nobel pour les architectes. Le détour commencera par un très long tunnel de plus d’un kilomètre, ambiance étrange pour un souvenir cycliste inoubliable.
La route deviendra elle-même le clou du spectacle. Ondulations, circonvolutions, tout ce que l’on attend de la route bituminée parfaite, prête à être avalée toute crue !
Après plusieurs kilomètres d’une sacrée montée, le musée vous tend les bras en pointe Ouest de l’île, où vous pourrez admirer toute la sensibilité du travail de l’artisan architecte dans un petit écrin digne de ce nom, le tout entouré d’une végétation toujours aussi luxuriante.
Un majordome particulièrement aimable, Mr. Cycle stand, sera là pour prendre soin de votre monture le temps de votre visite et d’une pause bien méritée avant le nouveau départ pour les quarante derniers kilomètres qui vous attendent pour ainsi frôler les cent bornes parcourues !
Ce magnifique itinéraire cyclable s’est ensuite terminé pour ma part par un Shinkansen avec pour destination Hiroshima, accessible depuis la gare de Shin-Onomichi depuis laquelle vous pourrez être impressionnés par certains trains à grande vitesse qui ne s’arrêtent pas et fusent à leur vitesse quasi-maximale en gare. La ville d’Onomichi représente néanmoins une vraie ville-étape qui mérite plus qu’un arrêt mais une véritable visite avec notamment un grand quartier dédié à différents types d’artisanat local. La Shimanami Kaido représente toujours l’un des souvenirs les plus grandioses qu’il m’ait été donné de vivre au Japon à ce jour.
Informations pratiques
- Accès : depuis les villes d’Imabari ou Onomichi
- Tarif : piste cyclable entièrement gratuite, location du vélo entre 2500 et 7000 yens selon la catégorie
- Horaires : les centres de location ouvrent à 10:00, il vous sera impératif de rendre votre vélo dans l’un des centres avant 19:00