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Les shukubo, ou comment passer une nuit dans un temple au Japon

Culture En vedette FEATURED Hébergement Première fois au Japon

Qui dit voyage au Japon dit aussi nuitées inoubliables. Si les hôtels classiques ne manquent pas, l’archipel offre aux voyageurs un éventail d’autres types d’hébergements, uniques en leur genre. Les ryokan, avec leurs tatamis, futons et dîners raffinés, incarnent à merveille ce Japon traditionnel dont on rêve souvent. Mais il existe une expérience plus confidentielle encore, capable de décupler le sentiment de dépaysement : passer la nuit au sein d’un temple bouddhiste. Ces retraites auprès des moines, appelées shukubo, sont plus qu’un simple hébergement. C’est une immersion mémorable dans l’âme du pays. C’est aussi, sans doute, l’un des souvenirs les plus marquants d’un périple au pays du Soleil levant. Une expérience tout simplement incontournable !

La shojin ryori au Japon

L’histoire des shukubo

Etymologiquement, le mot shukubo évoque un logement pour les visiteurs ou les pèlerins dans un temple, dans le quartier des prêtres. Le premier caractère 宿 (shuku) signifie « logis, lieu où l’on passe la nuit », tandis que 坊 (bo) désigne une dépendance ou un bâtiment de temple. Les shukubo sont donc, littéralement, des auberges installées dans l’enceinte des temples bouddhistes. À l’origine, elles étaient destinées aux moines voyageurs et aux pèlerins parcourant le Japon sacré. Les premières mentions écrites apparaissent entre le VIIIᵉ et le XIIᵉ siècle, alors que nobles, samouraïs et croyants se rendaient sur des sites emblématiques comme le mont Koya, dans la préfecture de Wakayama, ou le sanctuaire d’Ise, à Mie.

Koyasan au Japon

Ces haltes permettaient aux voyageurs de se reposer tout en restant plongés dans une atmosphère spirituelle. L’essor fut considérable à l’époque d’Edo (XVIIᵉ – XIXᵉ siècles), lorsque les grands pèlerinages devinrent très populaires. Autour du mont Haguro, l’un des trois sommets sacrés de Dewa Sanzan à Yamagata, on comptait alors plus de 300 shukubo à l’apogée de leur fréquentation. Bien entendu, le confort était des plus spartiates. Les pèlerins venaient y passer la nuit, se restaurer et se ressourcer spirituellement, avant de repartir vers leur destination. De nos jours, certains temples ont intégré un confort moderne, mais l’esprit demeure toujours : offrir au voyageur un temps de retraite, d’apaisement et de rencontre avec la culture bouddhique.

Une expérience complète

Dormir dans un shukubo, c’est profiter d’une véritable expérience de l’univers monastique. Les chambres sont sobres, recouvertes de tatamis, meublées d’un simple futon et décorées avec une élégante sobriété. Et bien que des temples puissent jouer la carte du luxe, avec un confort digne d’un palace, poser sa valise dans un shukubo promet, à coup sûr, un dépaysement total. A l’instar des ryokan, l’atmosphère qui règne dans ces auberges plonge le voyageur dans un Japon ancestral. On se laisse agréablement guider par le son feutré des pas des moines et on lâche prise le temps d’une nuit, loin de l’agitation frénétique des grandes villes. L’architecture des lieux invite à la contemplation et certaines chambres s’ouvrent même sur des jardins parfaitement entretenus, une aubaine pour se relaxer.

Dîner végétarien dans un shukubo

Tous les sens sont en éveil. Pension complète oblige, l’expérience culinaire constitue aussi un autre temps fort d’une nuit dans un shukubo. On appelle shojin ryori la cuisine végétarienne bouddhiste, qui bannit viande, poisson, œufs et produits laitiers. Préparée avec des légumes de saison, du tofu et des algues, elle allie la simplicité au raffinement et au symbolisme. La multitude de petits plats préparés avec soin est un plaisir pour les yeux. Chaque bouchée est une véritable découverte culinaire, pour tous les palais, même les plus sceptiques. On sort de table ravi et, surtout, rassasié !

Rituels du feu sacré au Japon

L’expérience se conclut avec une approche intime de la vie des moines. La dimension spirituelle peut ainsi se vivre pleinement à travers la participation aux prières matinales (gongyo), à la méditation zazen, à la copie de sutras (shakyo) ou encore aux impressionnants rituels du feu sacré (goma). Plus qu’un hébergement, le shukubo propose une véritable immersion dans la vie religieuse du pays.

Où vivre l’expérience des shukubo

Si l’on trouve des shukubo dans presque tout l’archipel, certains lieux en sont les emblèmes. Le plus célèbre reste le mont Koya (Koyasan), berceau du bouddhisme Shingon et classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. On y compte plus d’une centaine de temples, dont près de cinquante ouverts aux visiteurs. Ce site incontournable de la préfecture de Wakayama est l’un des lieux les plus recommandés pour les voyageurs en quête d’une expérience de nuitée dans un shukubo. L’offre y est particulièrement complète et il est assez rare de faire face à une pénurie de chambres.

À Nagano, autour du Zenko-ji, plusieurs shukubo accueillent les voyageurs et leur proposent des rituels singuliers, comme l’« O-juzu chodai », une bénédiction au chapelet transmise par les moines. Dans la région du Tohoku, il faut se rendre dans les montagnes sacrées de Dewa Sanzan, qui perpétuent également cette tradition, héritage des pèlerinages anciens. Aux quatre coins de l’archipel, si l’on s’écarte bien entendu des grandes villes, il n’est donc pas rare de trouver des temples prêts à ouvrir leurs portes. Chacun propose une atmosphère différente, mais tous invitent à prendre son temps et à renouer avec une spiritualité bienvenue, au cœur d’un Japon intime.

Comment profiter de cette nuitée unique

À première vue, réserver un shukubo peut sembler être une étape compliquée, presque réservée aux locaux. Pourtant, aujourd’hui, quelques clics suffisent ! En effet, de nombreux temples disposent de sites en anglais et figurent sur les plateformes spécialisées les plus populaires. Il existe même des sites créés à cet égard, comme c’est le cas avec la page web bilingue de Koyasan, qui aide les voyageurs à trouver leur bonheur. Les tarifs varient entre 8 000 et 15 000 yens par nuit, par personne, généralement avec dîner et petit-déjeuner inclus. Attention tout de même, le prix de certains établissements de renom, notamment à Koyasan, peut atteindre des sommes bien plus élevées.

Une nuit dans un shukubo

Un séjour en shukubo implique aussi quelques règles de conduite : se déchausser à l’entrée, respecter les horaires et le silence, éviter les photos intrusives et adopter une tenue correcte lors des cérémonies. Ces gestes simples permettent de s’intégrer avec respect dans la vie du temple. Mais voyagez l’esprit léger : dans les shukubo les plus populaires, l’accueil en anglais facilite grandement l’expérience.

Petit-déjeuner chez les moines

Séjourner dans un shukubo dépasse la simple nuitée : c’est une immersion dans l’univers bouddhique japonais, une parenthèse suspendue qui apaise et ressource. Pour tout voyageur au Japon, c’est une expérience incontournable, à la fois spirituelle et profondément humaine, qui laisse une empreinte durable. Ma première nuit dans un shukubo, au temple Chogosonshi-ji, sur le mont Shigi à Nara, illustre parfaitement cette magie. Une expérience toujours vivace dans ma mémoire, qui m’a profondément marqué et que je n’oublierai jamais.