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En août 1945, les villes de Hiroshima et Nagasaki subirent deux des attaques les plus meurtrières de l’Histoire. Ces deux villes abritant plusieurs centaines de milliers d’habitants se sont transformées en un véritable enfer sur terre suite aux lancement de bombes atomiques par les États-Unis (ce sont d’ailleurs les deux seuls moments de l’Histoire où la bombe atomique fut utilisée à des fins meurtrières). Quelques jours plus tard, la capitulation du Japon est officiellement annoncée.

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Suite à cette acte innommable, les langues ont commencé à se délier et de nombreux témoignages ont vu le jour. Pourtant, dès la capitulation japonaise, la censure américaine sévit au sein de l’archipel jusqu’à la fin de l’occupation alliée. Suivant un modèle extrêmement strict établi par les autorités américaines, le simple fait de mentionner la censure était lui-même interdit, que ce soit dans le domaine de la presse comme de la littérature, du cinéma ou de la radio.

Malgré la censure, les témoignages des hibakusha (les irradiés de la bombe atomique) ont commencé à affluer après l’occupation alliée, et ce sous différentes formes : presse, documentaire, littérature, manga, théâtre, musique, drama, etc. Il serait impossible de tous les mentionner. Bien qu’il soit très difficile de faire une sélection, je souhaiterais partager avec vous 3 films et 3 livres particulièrement émouvants, rendant hommage aux victimes de cet acte innommable.

Le cinéma de la bombe atomique : l’horreur de Nagasaki et d’Hiroshima à travers des films

L’arme nucléaire est mise en scène dans de nombreux films. Que ce soit à travers le cinéma en prise de vue réelle où à travers le cinéma d’animation, il existe bien des manières d’aborder le même sujet. Bien que la bombe atomique soit un sujet tragique, certaines cinéastes ont choisi de mettre l’accent sur l’espoir plutôt que sur l’horreur. Voici 3 films qui m’ont particulièrement inspirée et que j’aimerais partager avec vous.

Rhapsodie en août : un film poignant sur le traumatisme de la guerre

L’histoire de Rhaspodie en août (Hachi-gatsu no kyoshikyoku, 八月の狂詩曲, réalisé en 1991 par Akira Kurosawa) nous plonge dans un petit village de campagne proche de Nagasaki dans les années 1990. Lors d’une chaude journée d’été, on découvre une grand-mère du nom de Kane, veillant sur ses 4 petits-enfants durant l’absence de leurs parents partis à l’étranger. Un jour, Kane reçoit une lettre d’un de ses frères éloignés, expatrié à Hawaï. Alité, celui-ci lui demande de venir à son chevet, mais Kane est réticente. Elle ne s’imagine pas aller aux États-Unis. Durant le film, ses petit-enfants vont essayer de la convaincre de se rendre à Hawaï, ce qu’elle accepte à condition que ce soit après le 9 août, jour de l’anniversaire de la mort de son mari, disparu 40 ans plus tôt lors du bombardement atomique de Nagasaki. Son neveu éloigné (un américano-japonais joué par Richard Gere) rend finalement visite à Kane lorsqu’il apprend que le mari de celle-ci est mort lors du bombardement américain.

Ce film est d’une grande poésie et aborde plusieurs aspects de la guerre et de l’après-guerre avec une grande justesse. Au-delà des blessures physiques, il traite notamment des blessures psychologiques et du traumatisme de la guerre que la bombe a causé auprès des hibakusha et de ses répercussions sur les générations suivantes. À travers la candeur des enfants qui vont en apprendre plus sur la bombe tout au long du film, c’est le travail de transmission de la Mémoire qui est en jeu ainsi que l’évolution du rapport entre les générations vis-à-vis de la guerre. Enfin, la présence de Richard Gere traite d’un sujet encore délicat à ce jour : le rapport entre les États-Unis et le Japon vis-à-vis de la bombe atomique. Ce film traite ainsi de la notion de pardon : Kane n’en veut pas aux États-Unis d’avoir largué la bombe. C’est la guerre qui est fautive et qu’elle blâme par-dessus tout. Un film poignant à l’approche pacifiste.

Rapsodie en août - Kane et ses petits-enfants admirant la lune
Kane et ses petits-enfants en pleine contemplation nocturne. Prendre le temps, c’est aussi ça, vivre. | Images tirées de Rapsodie en août, Akira Kurosawa, 1991

Lumières d’été : entre fiction et documentaire, un témoignage de l’horreur de la bombe d’Hiroshima

Lumières d’été (Natsu no Hikari, 夏の光, réalisé par Jean-Gabriel Périot en 2016) est un film naviguant entre documentaire et fiction. Il nous emmène au Parc de la Paix à Hiroshima, de nos jours, où Akihiro, un cinéaste japonais expatrié depuis plusieurs années en France, est venu recueillir le témoignage d’une hibakusha afin de réaliser un documentaire pour le 70e anniversaire de la bombe atomique. Dès le début du film, on est plongé dans le récit de Madame Takeda, une petite grand-mère qui décrit le drame qu’elle a vécu 70 ans plus tôt. À travers un témoignage très noir, elle y raconte l’horreur : « des corps calcinés », « la ville rougie par le sang »… Son récit est si violent qu’Akihiro en sera bouleversé, et errera ensuite dans le Parc de la Paix sans but précis.

Le témoignage poignant de Madame Takeda - Lumières d'été
Madame Takeda raconte l’horreur du bombardement de Hiroshima. | Image tirée de Lumières d’été de Jean-Gabriel Périot, 2016

Il y rencontrera Michiko, une jeune femme au caractère jovial qui le guidera dans la « nouvelle ville » de Hiroshima à travers un voyage enjoué. Ils se rendront en bord de mer et rencontreront un jeune garçon et son grand-père. Ensemble, ils passeront une agréable soirée pour célébrer l’obon (la fête des anciens) : une fête où pêche, barbecue, feux d’artifices et bonne humeur seront au rendez-vous.

Bien que ce film soit très noir aux premiers abords, notamment avec le témoignage horrifiant de Madame Takeda, il va finalement mettre l’accent sur l’après-Hiroshima, et traiter de l’attitude des Japonais face à la Mémoire de la guerre. En tant qu’expatrié à Paris depuis plus de 20 ans, Akihiro semble redécouvrir l’histoire de son propre pays. « Ces histoires nous dépassent tous. Ce n’est qu’avec le temps qu’on peut commencer à percevoir ce qui jusque là nous était resté invisible » sont les mots de Michiko pour décrire la relation des Japonais avec la bombe atomique de nos jours. Certains se battent pour que l’on se souvienne, d’autres tentent simplement d’oublier. Le sujet de la bombe atomique demeure un sujet délicat à aborder pour les nouvelles générations, beaucoup souhaitant avant tout oublier l’horreur à laquelle leurs ancêtres ont dû faire face. Mais pour que l’Histoire ne soit pas répétée, la transmission de la Mémoire est essentielle et un tel événement ne doit jamais tomber dans l’oubli.

Aujourd’hui, bien que Hiroshima soit principalement connue pour son effroyable passé, la ville regorge de vie. Aux côtés de leurs nouveaux amis, l’ambiance est joviale, typique d’une chaude journée d’été au Japon. On pêche, on danse, on rit, on mange de délicieux mets locaux, on allume des feux d’artifice, et on se réjouit du plus important : la vie continue, malgré l’horreur. Un film poignant, profond, et lumineux.  

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L’oiseau bonheur : l’histoire d’Hiroshima expliquée aux enfants

L’oiseau bonheur (Tsuru ni notte, Tomoko no boken, つるにのって「とも子の冒険」, réalisé par Arihara Seiji et Miho Cibot Shimma en 1994) est un court-métrage d’animation qui retrace l’histoire de Sadaki Sadako et de la légende des 1000 grues. Le récit nous entraîne dans la visite du musée du Mémorial de la paix à Hiroshima dans les années 1990. Dans le cadre d’un devoir de classe, Tomoko, une jeune fille de douze ans, se rend seule au musée. Au départ très motivée par cette aventure, la violence de l’exposition et des archives finit par la terrifier. Elle se rend finalement au Monument de la Paix des Enfants et découvre de nombreuses grues en papier disposées autour de la statue, lui redonnant le sourire. 

Elle décide alors de plier à son tour une grue en papier. Une fois achevée, la grue s’envole dans les airs et va faire apparaître Sasaki Sadako par enchantement, qui va lui conter son histoire. Sadako, alors âgée de deux ans, se trouvait à son domicile aux côtés de sa famille lorsque la bombe atomique fut lâchée sur Hiroshima. La ville est en flammes, les hibakusha brûlés sous l’effet de la bombe errent à la recherche d’une source d’eau, et une pluie noire tombe du ciel. 

Tomoko finit par revenir dans le monde réel près du Monument de la Paix des Enfants, où Sadako lui explique l’impact et le rôle qu’elle incarne à travers le monde par le biais de sa statue. Tomoko et Sadako entreprennent alors un périple à dos de grue afin d’enseigner la paix aux humains et de faire comprendre aux adultes que la guerre ne sera jamais une solution. 

Lorsque l’on souhaite enseigner l’Histoire de Hiroshima aux enfants, on se demande toujours quel support serait le plus adapté. L’horreur de la bombe fut telle qu’elle est presque impossible à montrer aux plus jeunes. C’est dans ce but qu’Arihara Seiji et Miho Cibot Shimma ont réalisé ce court-métrage : afin d’enseigner l’histoire de Hiroshima et le rôle primordial de la paix aux enfants. Sa portée éducative et pacifiste implique qu’il y a très peu de scènes violentes. C’est donc un support adapté aux plus jeunes générations, afin de leur expliquer sans trop d’horreur ce qui s’est passé le 6 août 1945 à Hiroshima. Un moment léger, touchant et enrichissant à partager en famille.

La littérature de la bombe atomique : des livres pour mieux comprendre l’Histoire

La littérature de la bombe atomique (Genbaku bungaku, 原爆文学) est un genre littéraire désignant les écrits sur les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki. Plus tard, elle désignera plus largement les écrits sur les questions du nucléaire. Les supports sont divers : témoignages, presse, romans, poésie, théâtre, etc. On les classe généralement en trois catégories différentes : la première génération (le témoignage des survivants), la deuxième génération (l’analyse critique) et la troisième génération (le questionnement du post-nucléaire).

Bien qu’il soit très difficile de faire une sélection, j’ai choisi 3 différents livres que je souhaiterais partager ici avec vous.

Hiroshima no Pika : un livre à destination des enfants qui ne cache rien

Hiroshima no Pika (La bombe d’Hiroshima, 広島のピカ, de Maruki Toshi, 1980) est un livre « pour enfant » illustré, à la narration très simple. Il raconte l’histoire de Mii-chan, une petite fille de 7 ans vivant à Hiroshima avec ses parents. Le 6 août, alors qu’ils prenaient leur petit déjeuner en famille et dégustaient de délicieuses patates douces, un flash surgit et un bruit assourdissant retentit soudain. La bombe atomique est là. La terre tremble, Mii-chan vole à travers la pièce, et perd connaissance. Hiroshima, jusque là épargnée par les bombardements, venait de recevoir la première bombe atomique lancée par les États-Unis.
À son réveil, tout est noir. La ville entière est en flammes, et il n’y a aucune issue. Elle et sa famille cherchent à rejoindre la rivière. En chemin, ce qu’ils croisent est indescriptible. Ils trouvent finalement refuge sur la plage. Quelques jours plus tard, ils reviennent en « ville », mais celle-ci a disparu. Les bâtiments ont tous été détruits. Partis à la recherche de leur maison, ils retrouvent le bol de Mii-chan avec les patates douces qu’elle s’apprêtait à manger avant la catastrophe. Ce jour-là, Hiroshima a été rayée de la carte.

Hiroshima no Pika, Maruki Toshi
Dès la couverture de Hiroshima no Pika, Maruki Toshi, on comprend que l’on va faire face à l’horreur.

Bien que sa narration très simple puisse faire penser à un livre pour enfant, la violence de ses illustrations fait réfléchir : doit-on montrer la violence de la guerre aux enfants, ou doit-on la leur dissimuler autant que possible ? Ce livre montre l’horreur de la bombe sans artifices, mais s’intéresse également aux effets secondaires de la bombe atomique, notamment la pluie noire ou encore les maladies contractées suite aux radiations atomiques. Son approche hors norme lui a valu plusieurs prix dont le Ehon Nippon Price (le meilleur livre illustré du Japon). Son aspect volontairement choquant est porteur d’un message très fort : la bombe atomique n’apporte que désastre et épouvante, et jamais plus cela ne doit se reproduire.

Les cloches de Nagasaki : témoigner de l’horreur pour faire l’éloge de la paix

Les cloches de Nagasaki (Nagasaki no Kane, 長崎の鐘 de Takashi Nagai, 1949) est un roman autobiographique qui prend place à Nagasaki, ville où le christianisme s’est profondément ancré suite à l’arrivée de Saint François-Xavier en 1549. Une multitude d’établissements catholiques et d’églises sont érigés dans la ville, notamment la cathédrale d’Urakami, dont s’est inspiré Nagai pour le titre de son œuvre.

L’histoire raconte le témoignage de Takashi Nagai, médecin japonais résidant à Nagasaki, et converti au catholicisme. Par la suite, il prendra le nom de Paul Nagai. Le 9 août 1945, à 11h02, la ville connaît alors un destin funeste avec le lancement de la deuxième bombe atomique par les États-Unis, 3 jours après celle de Hiroshima. Les cloches de Nagasaki raconte le bombardement et l’après-bombe au travers de l’expérience du docteur Nagai, grâce à d’émouvantes anecdotes ou sa foi est mise à rude épreuve à de multiples reprises. Pourtant, après avoir décrit l’horreur, la colère et le choc auxquels il a dû faire face, il finit par accepter son sort avec une force indescriptible. C’est cette même foi qui finit par le sauver de la souffrance et du traumatisme de la guerre.

Le titre fait référence aux cloches de la cathédrale d’Urakami détruite lors de l’attaque et reconstruite en 1959. Il écrit :

Ce sont des cloches qui n’ont pas sonné pendant des semaines ou des mois après la catastrophe. Qu’il n’y ait jamais un moment où elles ne sonnent pas ! Puissent-elles sonner ce message de paix jusqu’au matin du jour de la fin du monde.

La publication de ce roman fut dans un premier temps proscrite par la censure américaine. Toutefois, il connut un véritable succès une fois l’occupation alliée terminée, à tel point qu’il fut adapté en film par le réalisateur Oda Hideo.

Que l’on soit croyant ou non, on est profondément touché par cette œuvre, qui nous fait vivre l’expérience de la bombe à travers les yeux de Nagai. On passe par la surprise, l’incompréhension, la colère, la douleur, et finalement, on finit par pardonner et à s’accrocher à ce qui demeure le plus important : la paix.

Gen d’Hiroshima : un survivant d’Hiroshima raconte son histoire en manga

Gen d’Hiroshima (Hadashi no Gen, はだしのゲン, de Keiji Nakazawa, 1973-1987) est une série publiée au sein de plusieurs périodiques japonais entre 1973 et 1985 sous forme de manga. Comme son titre l’indique, le récit raconte l’histoire de Gen, un jeune garçon vivant à Hiroshima. La narration commence au printemps 1945 et nous emmène jusqu’en 1952. L’histoire est basée sur la propre expérience de l’auteur, hibakusha survivant du bombardement de Hiroshima. On suit donc le quotidien du personnage principal, Gen, lors de la fin de la guerre, de l’explosion de la bombe atomique, et enfin de l’après-guerre. À travers ses yeux d’enfants, il montre au lecteur la violence de la guerre et son incompréhension vis-à-vis de plusieurs sujets tabous pour l’époque : la stigmatisation des hibakusha, la présence des marchés noirs, la discriminations envers les Coréens ou encore la responsabilité du système impérial pendant et après la guerre.

L’œuvre sera adaptée sous de nombreuses formes : cinéma en prise de vue réelle, drama, cinéma d’animation… Bien que sa reconnaissance soit aujourd’hui internationale, la parution du manga fut suspendue au bout d’un an, notamment en raison d’une vision du Japon d’après-guerre jugée trop négative. Il est toutefois régulièrement utilisé aujourd’hui au sein des écoles élémentaires japonaises en tant que support éducatif afin d’aborder auprès des plus jeunes le sujet délicat de la bombe atomique. Au-delà de son aspect particulièrement violent, la candeur de Gen lui fait vivre des moments remplis de joie malgré la guerre en arrière plan. Une histoire poignante et très instructive.

Pour aller plus loin

Si le sujet vous intéresse, il existe bien d’autres œuvres sur le sujet de la bombe atomique, tels que Hiroshima fleurs d’été, Pluie Noire, Les enfants de Hiroshima, ou encore plus subtilement Godzilla. De nos jours, le sujet est souvent mis en relation avec la triple catastrophe de Fukushima, donnant du poids au discours des nombreux hibakusha continuant de témoigner et de sensibiliser les nouvelles générations sur les dangers du nucléaire. Pour ne pas reproduire l’Histoire, la transmission de la Mémoire est primordiale, et peut prendre des formes très variées. Pourtant, comme l’explique Albert Camus, le combat et le message suivent au fond la même direction :

Devant les perspectives terrifiantes qui s’ouvrent à l’humanité, nous apercevons encore mieux que la Paix est le seul combat qui vaille d’être mené.

Albert Camus, éditorial du journal Combat, 8 août 1945.
Manon Chauvris

Manon Chauvris

Née et élevée en France (Rouen), j'ai notamment travaillé en agence de voyage à Paris et Kyoto. J'ai emménagé au Japon en 2018. Après avoir vécu 2 ans à Kyoto, j'ai décidé d'emménager à Tokyo avec mon époux pour vivre de nouvelles aventures. Même si la France me manque parfois (surtout le fromage), j'adore vivre à Tokyo et visiter le Japon avec mon appareil photo. Je suis particulièrement intéressée par la langue et la culture japonaises, le cinéma et la photographie. Je suis aussi folle de pandas, je devais en être un dans une vie antérieure. Je suis passionnée par le Japon et j'ai hâte de partager cette passion avec des voyageurs du monde entier !

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