La préfecture de Shimane est assez mal connue des visiteurs étrangers. Pourtant, ayant eu l’occasion de m’y rendre à plusieurs reprises, je peux témoigner qu’elle ne manque pas de sites dignes d’intérêt : les mines d’Iwami Ginzan dont je vais parler ici, mais aussi Izumo Taisha, l’un des sanctuaires shinto les plus importants du Japon, la ville historique de Tsuwano, le musée d’art Adachi et son célèbre jardin japonais, ou encore le château de Matsue, pour n’en citer que quelques-uns.
La région d’Iwami si situe à l’ouest de la préfecture et ce qui m’a marquée en la visitant, outre la beauté de ses paysages, c’est la vivacité de ses traditions. Il y a bien sûr le spectaculaire Kagura d’Iwami — un théâtre ancestral, intimement lié au culte shinto —, mais aussi toutes ces traditions plus discrètes, des savoir-faire artisanaux qui continuent à se transmettre de génération en génération, une gastronomie locale, tout un art de vivre qui a su traverser les siècles en évoluant pour s’adapter aux modes de vie contemporains.
Les anciennes mines d’argent d’Iwami Ginzan, au cœur du développement de la région d’Iwami
En découvrant la paisible région des mines d’Iwami Ginzan (石見銀山), il est difficile d’imaginer qu’entre le XVIe et le XVIIe siècles, alors que l’argent était l’étalon monétaire, environ un tiers de la production mondiale de ce précieux métal provenait du Japon, et notamment d’Iwami. L’exploitation s’est heureusement arrêtée au début du XXe siècle, permettant de préserver l’environnement naturel, quand d’autres écosystèmes ont été détruits par l’activité minière.
Pour découvrir l’histoire de ces mines et de leur environnement, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, il est recommandé de commencer la visite par le Centre du patrimoine mondial d’Iwami Ginzan (石見銀山世界遺産センター), où elle est documentée de manière pédagogique à l’aide de nombreux artefacts, maquettes et dioramas. Ensuite, je vous conseille de louer un vélo pour parcourir les quelques 2,5 kilomètres entre le quartier d’Omori et la galerie Ryugenji Mabu (龍源寺間歩), une des quelques 900 galeries creusées dans la montagne à la recherche des filons d’argent.
Nous avons eu la chance de parcourir le souterrain avec un guide, qui nous a montré des petits détails témoignant des conditions de travail difficiles des mineurs. On peut par exemple distinguer des marques dans la roche, servant à contrôler le travail du jour : habituellement 30 centimètres d’avancée pour 6 hommes.
Omori, un quartier historique préservé pour des modes de vie durables
Le quartier d’Omori (大森町) était un important centre urbain du temps de l’exploitation de la mine d’Iwami Ginzan. C’est aujourd’hui un quartier historique remarquable, merveilleusement préservé tout en étant habité par une véritable communauté locale. Les habitants y vivent avec tout le confort des temps modernes, mais des efforts impressionnants ont été faits pour masquer tout ce qui pourrait troubler l’harmonie de l’architecture traditionnelle — je parierais que Junichiro Tanizaki aurait su apprécier la démarche.
La préservation d’Omori fait la part belle à la créativité, et est résolument enracinée dans des questionnements contemporains de développement durable et de retour à des modes de vie plus lents et proches de la nature. Il s’agit de rénover et de recycler, dans un soucis d’harmonie avec son paysage urbain d’une autre époque mais sans se vouloir être une reproduction historique : plutôt que de de muséifier le village, cette approche permet de laisser vivre l’architecture et les traditions.
Un bâtiment rénové dans un esprit wabi-sabi Magasin de sucreries traditionnelles La beauté est présente à tous les coins de rue L’auberge Takyo Abeke, dans une demeure de samouraï
L’initiative est portée notamment par deux entreprises qui ont installé leur siège à Omori : le fabriquant de prothèses Nakamura Brace, et les boutiques mode et lifestyle Gungendo. Toutes deux ont mis en place des programmes de sauvegarde du patrimoine local, et œuvrent à la rénovation et à la réhabilitation des maisons du quartier.
Il est plaisant de parcourir les rues d’Omori, de flâner dans ses boutiques et ses cafés, mais aussi dans ses temples et sanctuaires. On peut également visiter des bâtiments historiques comme la demeure de la famille Kumagai (熊谷家住宅), pour découvrir à quoi ressemblait un intérieur à l’époque d’Edo (1603-1868).
Afin de goûter pleinement au charme de ses bâtiments anciens réhabilités, on peut passer la nuit à Omori. Mais nous nous sommes dirigés pour notre part vers la ville voisine de Yunotsu Onsen.
Yunotsu Onsen, station thermale millénaire et ancien port des mines d’Iwami Ginzan
Yunotsu Onsen (温泉津温泉) est une station thermale, mais aussi une ville portuaire qui s’est développée avec la mine d’Iwami Ginzan. Il ne faut pas manquer d’y visiter le sanctuaire Tatsu-no-Gozen (龍御前神社), avec son bâtiment perché sur un rocher d’où l’on peut voir la ville et le port, et où des représentations d’Iwami Kagura ont lieu tous les samedis à 20h. Yunotsu abrite également un village de potiers, où l’on peut voir un four grimpant noborigama.
Le sanctuaire Tastsu-no-Gozen L’onsen Yakushi-yu (à droite) | Photographie : Tomoko Matsuo
Le ryokan Kiunso (旅の宿輝雲荘), où nous avons passé la nuit, se trouve juste en face de l’onsen le plus réputé de Yunotsu, le Yakushi-yu (薬師湯), et approvisionne ses bains à la même source. Impossible de douter qu’il s’agisse d’eaux thermales 100 % naturelles : elles sont troubles et orangées, si chargées en minéraux que des concrétions se forment autour des bassins.
Après avoir pris un long bain brûlant dans l’onsen, nous avons dîné d’un véritable festin de cuisine kaiseki, la cuisine gastronomique japonaise traditionnellement servie dans les ryokan. Les plats se sont enchaînés, faisant la part belle aux produits de la mer : poissons nodoguro et sawara, daurade grillée, crevettes sakura ebi et même noix de Saint Jacques, jusqu’à ce que, repus, le sommeil nous gagne et nous incite à rejoindre les futons moelleux dépliés discrètement dans nos chambres pendant le repas… Avant de retrouver la table dressée le lendemain matin pour un petit déjeuner à la japonaise, tout aussi copieux et savoureux.
Sashimi de nodoguro Prêts pour le dîner kaiseki | Photographie : Tomoko Matsuo Nabe pescovégétarien
C’est l’appétit satisfait le le corps délassé par les bains de Yunotsu Onsen que nous avons repris la route en direction de Tsuwano, à l’autre bout de la région d’Iwami, en longeant les côtes de la mer du Japon. Mais avant, nous avons fait étape au musée du sable de Nima.
Le musée du sable de Nima
Si, comme moi, vous avez été un enfant qui passait ses journées à la plage à observer les grains de sables plutôt qu’à jouer au ballon, vous pourrez probablement passer des heures au musée du sable de Nima.
Toutes les salles du musée encouragent la curiosité : il y a là des sabliers divers et variés — dont le plus grand du monde ! —, des échantillons de sable provenant des quatre coins du Japon et du monde, dont certains que l’on peut observer au microscope, des œuvres d’art réalisées en sable, une salle d’exposition temporaire, un espace dédié à la verrerie d’art, et un dédié aux ateliers. De quoi plaire à toute la famille.
Observation de sable au microscope Collection de sables du monde Dessin de sable sur table lumineuse
Nous avons pour notre part été émerveillés par le nari suna (鳴り砂), que l’on pourrait traduire par « sable chantant » : un sable qui couine quand on le presse. On peut faire l’expérience de ce phénomène dans un petit mortier, ce qui nous a fait retrouver une âme d’enfant, et mis de bonne humeur pour commencer cette nouvelle journée de voyage.
Informations pratiques
Vous trouverez plus d’informations sur le site Internet de la région d’Iwami.
À Iwami Ginzan, Il est possible de faire appel à des guides anglophones bénévoles (réservation par email), ou de louer un audioguide à l’office du tourisme d’Oda (500 yens, disponible en anglais).
Comment se rendre à Iwami Ginzan ?
- En train puis en bus depuis Odashi : Un bus au départ de la gare d’Odashi (大田市駅) permet de se rentre à Omori (大森バス) en une trentaine de minutes. Comptez environ 5 heures de trajet en train depuis Kyoto ou Osaka et 7h40 depuis Tokyo jusqu’à la gare d’Odashi, en prenant le shinkansen avec des changements à Okayama puis à Tottori ou Yonago, ou Shin-Yamaguchi. (trajets couverts par le Japan Rail Pass)
- En bus depuis Hiroshima : Un bus direct fait la liaison de Hiroshima à Iwami Ginzan en 2h45. Un autre bus fait la liaison entre Hiroshima et Hamada (浜田駅), et est accessible aux personnes en possession d’un passeport non-japonais au tarif de 500 yens. Plus d’information sur ce PDF. Depuis Hamada, comptez ensuite environ 40 minutes pour rejoindre Odashi par la ligne de train JR.
- En voiture : pour explorer librement la région d’Iwami et profiter pleinement de ses sites naturels et historiques, louer une voiture peut être une option intéressante.
- Le quartier des onsen de Yunotsu est situé à 15 minutes de marche de la gare JR de Yunotsu (温泉津駅), comptez environ 30 minutes de train depuis la gare d’Odashi.
- Le Musée du sable de Nima est accessible en bus depuis Omori en environ 15 minutes.
Nous étions venus à Iwami Ginzan pour découvrir sa mine d’argent classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais au-delà ce cette visite passionnante et instructive sur le Japon d’Edo, c’est la vitalité des communautés locales et leur manière de préserver les traditions et modes de vie anciens de manière durable qui nous auront marqué lors de ce voyage à Iwami.
Article réalisé en partenariat avec Iwami Tourism Promotion Committee
Photographies : Roméo Arnault (sauf mention contraire)