« Battre le fer tant qu’il est chaud. » J’ai toujours su ce que ce cela voulait dire, bien que je n’en ai jamais été témoin au sens littéral. Jusqu’à ce que, par un jour d’orage à Arao, M. Matsunaga ne m’entraine dans l’univers fascinant de la fabrication des katanas, où le grondement de la fournaise sert de décors aux coups de marteaux.
Le katana : une tradition qui remonte à l’époque des samouraïs
On n’a pas tous les jours l’occasion de voir un forgeron japonais en train de confectionner un katana. Pour tout dire, je n’aurais jamais imaginé en rencontrer un dans ma vie et encore moins être invitée dans son atelier et être témoin de cette tradition ancestrale : la fabrication de sabres japonais. Dans le monde moderne dans lequel on vit, personne n’a oublié à quel point ces épées sont inextricablement liées aux samouraïs qui les utilisaient il y a plus de 150 ans.
L’ère Edo, entre 1603 et 1868, vit la classe des samouraïs prendre le pouvoir. Une loi n’autorisant que les samouraïs à porter une épée fit du katana l’un des signes distinctifs les plus évidents du statut de samouraï. Bien que l’ère Meiji, qui commença en 1868, vint mettre un terme à l’époque féodale et à la classe des samouraïs, la fabrication des katanas demeure une tradition qui s’est transmise jusqu’à aujourd’hui.
Le forgeron
Matsunaga Genroku vit à Arao, dans la préfecture de Kumamoto, et forge des épées japonaises depuis plus de 40 ans. Dès l’enfance, passionné par les arts-martiaux et le maniement du sabre, il voulut apprendre à forger les sabres par lui-même. Après un apprentissage qui lui prit 5 ans, et de nombreux tests pour s’assurer de ses capacités, M. Matsunaga se lança seul dans la fabrication de katana.
Nous rencontrons M. Matsunaga chez lui. Vêtu de son bleu de travail, il nous fait suivre de le suivre dans son atelier. D’innombrables outils sont suspendus aux murs, et des lames, laissées à divers stades de la conception, s’entassent près de la forge. Prenant une pleine pelle de charbon pour alimenter le feu, M. Matsunaga se prépare à nous montrer une étape appelée « pliage », où le métal est martelé, étiré et plié afin de ne former qu’une seule pièce.
La fabrication d’un katana
Il faut environ deux semaines à M. Matsunaga pour forger une épée. Une fois forgée, l’épée passera dans les mains d’un autre artisan qui en poursuivra la conception. Un katana est le fruit d’un travail d’équipe, dont la conception totale s’étend sur une période de trois mois.
M. Matsunaga va chercher ses matières premières sur le littoral proche d’Arao, d’où il ramène du sable riche en fer. A l’aide d’un grand aimant cylindrique qu’il fait rouler sur le sable, il sépare les fragments de fer du sable.
Dans son atelier, il fait ensuite fondre ces fragments de fer à l’aide de charbon (ce qui permet d’y introduire du carbone), selon un procédé appelé tatara (si comme moi vous êtes un fan de Princesse Mononoke ce terme devrait vous être familier). Il obtient alors un morceau de fer étincelant appelé tamahagane.
Tamahagane
Le tamahagane est coupé, empilé et enveloppé dans du papier japonais washi, avant d’être chauffé à une température de 1 700°C. Il faut environ 9 kg de tamahagane pour fabriquer un katana, qui seront alors martelés, étirés et pliés de nombreuses fois, dans ce procédé rigoureux qu’est le pliage. Ce processus répétitif permet d’éliminer les impuretés du fer et il en résultera une seule pièce d’un poids variant entre 800 g et 1 kg.
Pendant que nous discutions, le fer que M. Matsunaga avait placé dans la forge devint rouge fluorescent. Ses années d’expériences lui permirent de savoir à quel moment le fer était prêt à être martelé et il me suggéra de préparer mon appareil photo pendant qu’il allumait son marteleur mécanique. Un instant plus tard il sortit le fer rougeoyant de la forge et le plaça sans attendre sous les coups incessants du marteleur. Alors que je faisais de mon mieux pour obtenir de beaux clichés de ce feu d’artifice, ce dicton « battre le fer tant qu’il est chaud » me revint à l’esprit. Et ce dicton prenait vie devant moi, sous ces étincelles qui jaillissaient et rebondissaient dans toutes les directions.
Finalement, M. Matsunaga passa à l’étape suivante appelée sunobe, au cours de laquelle on donne au fer la forme du katana. Il utilisera pour cela un autre morceau de fer. Le processus est si long qu’il serait en effet impossible à M. Matsunaga de me montrer plus d’une étape sur une même lame en formation. Heureusement pour nous, il avait plusieurs lames restées à différents stades de fabrication et pu donc nous montrer la suite du procédé.
Durant notre visite, et, je l’espère, durant la votre, il nous fut possible de nous essayer à la forge. Mon partenaire prit gentiment ma place afin que je puisse continuer à prendre des photos.
Un aperçu de l’esprit samouraï
En visitant l’atelier de M. Matsunaga, vous pourrez aussi découvrir son impressionnante collection d’épées, de lances, et d’armures antiques, ainsi que quelques-unes des pièces qui lui ont été commandées.
Pour ceux qui voudraient un katana fait sur mesure, il vous faudra vous rendre à Kyushu pour rencontrer M. Matsunaga en personne ; il ne prend pas les commandes de n’importe qui. Pour accepter une commande il se base entre autres sur les motivations de son client potentiel ou sa manière d’interagir avec les autres.
Se rendre à Kumamoto
Il est facile de se rendre à Kumamoto depuis la gare de Hakata. Il vous faudra environ 50 minutes en train express pour arriver à destination. En préparant un peu votre voyage, vous serez en mesure de vous rendre à l’atelier de M. Matsunaga en transport en commun ; mais ça sera bien plus facile si vous êtes véhiculé.
Se rendre au Matsunaga Sword Tanrenjo
Depuis la gare de Kumamoto, il vous faudra prendre la ligne de Kagoshima en direction de Tosu et sortir à la gare d’Arao. Vous pourrez alors demander à l’un des employés de la gare quel bus prendre. Plusieurs lignes de bus pourront vous mener à proximité du Matsunaga Sword Tanrenjo. L’atelier de M. Matsugane se trouve dans un quartier résidentiel. Guettez le panneau indiquant » 松永日本刀剣鍛錬所 » et continuez à marcher jusqu’à voir un temple bouddhiste peint en bleu au somment de la colline. L’atelier de Mr Matsugane se trouvera sur votre droite.
Adresse : 1907-80 Kawanobori, Arao city, Kumamoto Prefecture
Prix : 2 000 yens par personne (uniquement payable en liquide)
Contact : 0968-68-2250
Site internet : https://kumamoto.guide/spots/detail/2249
Réservation nécessaire, uniquement par téléphone
Article original écrit par Mika Senda
Traduction par Joachim Ducos
Article réalisé en partenariat avec le siège administratif de la région Nord de Kumamoto.