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Le Japon a su s’imposer sur la scène culturelle internationale au travers d’œuvres populaires qui ont façonné l’imaginaire de toute une génération d’enfants. Mangas, animes, jeux vidéo Le Japon est définitivement une terre de fiction qui attise nombre de fantasmes et de passions. Mettre les pieds pour la première fois dans le pays est déroutant tant on a été abreuvé de cette culture plus ou moins consciemment, tout y est à la fois familier et radicalement différent de l’idée qu’on pouvait s’en faire.

Une sélection de livres pour comprendre la société japonaise

Mon intérêt pour le pays, je le dois en premier lieu au cinéma japonais, c’est donc bien la fiction qui m’a ouvert les portes du Japon. Mais voyager au Japon et y vivre a fait naître en moi une nouvelle fascination, celle de ce Japon bien réel. Une fascination pour sa culture, son histoire, ses traditions, ses travers aussi. Quand on m’a proposé d’écrire cet article pour faire suite aux conseils de lecture de Clémentine, je me suis aperçu que, contrairement à mes habitudes de lecture, je lisais peu de romans sur le Japon, et que les livres les plus passionnants que j’avais pu lire parlaient d’une manière ou d’une autre de la société japonaise. Je vous propose donc aujourd’hui cette sélection de livres très subjective qui permet à mon sens de découvrir les différentes facette de ce pays qui peut parfois sembler insaisissable.

Un récit de voyage : Chronique japonaise de Nicolas Bouvier

Chronique japonaise me semble être une excellente porte d’entrée pour découvrir la société japonaise, son histoire, ses traditions et ses contradictions. Nicolas Bouvier, grand voyageur qui écrivit sur bien d’autre pays que le Japon, semble avoir un lien particulier avec ce pays puisqu’il y vécut et y travailla à plusieurs moments de sa vie. Son livre est à mi-chemin entre un carnet de voyage entrecoupé de poèmes, un journal intime offrant ses réflexions personnelles sur la société et son époque, et un ouvrage historique sur le Japon allant des mythes fondateurs du pays à l’après Seconde Guerre mondiale.

Chronique japonaise, les séjours au Japon de Nicolas Bouvier
Chronique japonaise de Nicolas Bouvier, un passionnant récit de voyage pour découvrir l’histoire et la culture japonaise.

La façon dont un peuple s’explique son existence en apprend parfois aussi long que celle dont il la vit.

Nicolas Bouvier, Chronique japonaise

La première partie du livre, essentiellement consacrée à l’histoire du Japon, ne se contente pas d’énoncer les évènements marquants du pays et d’emprunter à des historiens de toutes les époques leurs différentes analyses. Nicolas Bouvier y porte son propre regard, fort de son expérience, sans jamais oublier d’où il parle — un occidental extérieur à la société japonaise dont il ne fera jamais pleinement partie.

Le reste du livre nous délivre le récit de ses propres voyages. Nicolas Bouvier ne voyage pas en touriste, il ne passe pas son temps à s’émerveiller devant le Pavillon d’Or de Kyoto, il plonge dans la société japonaise, y travaille, tente d’y vivre, d’y survivre, et explore des recoins reculés de l’archipel. Il nous décrit un Japon que l’on peine parfois à reconnaître tant le pays s’est transformé depuis les années 60. Un Japon encore très traditionnel en proie à de nombreuses difficultés, un Japon bien plus proche de celui des films d’Ozu que des villes tentaculaires à la pointe de la technologie qu’on connaît aujourd’hui.

Un homme en train de lire un livre sur le Japon

Pourtant, en découvrant ce Japon-là, on se rend vite compte que bien des aspects de la société japonaise sont demeurés intacts sous le verni de la modernité. Au détour de certains paragraphes, un lecteur ayant déjà séjourné au Japon ou y ayant vécu reconnaîtra sans peine des réflexions qu’il a pu se faire ou des expérience qu’il aura vécues.

Lire Chronique japonaise avant de se rendre au Japon permet de poser un regard différent et éclairé sur le pays lors de son voyage. Le lire en rentrant du Japon permet de mieux comprendre ce qu’on a vécu et nous donne envie d’y retourner.

Un reportage : Tokyo Vice de Jake Adelstein

Il est temps de se plonger dans un Japon plus contemporain. Le Japon est-il vraiment cet endroit sûr, à l’abri des crimes, et à la morale implacable que l’on nous décrit ? Certes, statistiquement le pays connaît l’un taux de criminalité les plus bas du monde. Mais ces chiffres ont tendance à occulter une autre réalité : il existe bien des zones d’ombre au pays du soleil levant. C’est précisément ce qui intéresse Jake Adelstein, journaliste prolifique qui écrit de manière régulière dans le magazine Tempura.

Le livre Tokyo Vice de Jake Adelstein
Tokyo Vice de Jake Adelstein, la vie d’un journaliste au Japon enquêtant sur les yakuzas.

Écrit à la manière d’un roman haletant, Tokyo Vice est un livre autobiographique qui retrace le parcours journalistique de Jake Adelstein au sein de la rédaction d’un journal japonais, le Yomiuri Shinbun — journal prestigieux dont il fut le premier étranger à intégrer la rédaction. On y découvre d’abord la difficulté du monde du travail japonais, qui pousse ce jeune journaliste enthousiaste à devoir faire une croix sur sa vie personnelle afin de s’intégrer au sein d’une rédaction qui ne semble vivre que pour travailler, puis les épreuves auxquelles doit faire face un gaijin qui tente de se faire accepter au sein de la société japonaise.

Peu à peu, au travers du récit des affaires qu’il est chargé de couvrir, il lève un voile sur l’ensemble de la société japonaise des années 90, nous permettant de mieux appréhender les spécificités du Japon et mettant souvent en lumière ses facettes sombres ou sulfureuses, souvent méconnues en Occident. Des effets dévastateurs du Manuel du parfait suicide caracolant dans le top 5 des livres les plus vendus au Japon, aux prostituées étrangères privées de leur passeports et contraintes de travailler sans salaire, on en arrive peu à peu aux organisations criminelles qui pullulent au Japon : les yakuzas.

Véritable reporter d’investigation, Jake Adelstein n’hésite pas à se mettre en danger dans sa quête de vérité. L’ultime affaire décrite dans ce livre nous fait plonger au cœur de la plus grande organisation de yakuzas du Japon, à laquelle il s’est frotté à ses dépens. Une sombre histoire de corruption politique et internationale qui connaîtra un certain retentissement mais qui forcera Jake Adelstein à quitter son travail et même, pour un temps, le Japon.

Une adaptation de Tokyo Vice en série télévisée est en cours de production, ce qui n’a rien de surprenant ; j’ai eu du mal à reposer le livre une fois que je l’avais ouvert. Si les réalités qui y sont décrites sont souvent sombres, sa lecture n’est jamais pesante. Jake Adelstein sait faire preuve d’humour et de légèreté en rapportant des anecdotes à première vue anodines mais qui en disent tant sur la société nippone.

Les trois livres de Jake Adelstein publiés aux éditions Marchialy

Malgré ses déboires avec les yakuzas, il n’a jamais cessé son travail de journaliste d’investigation qu’il poursuit notamment auprès du Japan Subculture Research Center (dont il est le rédacteur en chef), du Daily Beast ou du Japan Times, et en publiant d’autres livres tout aussi passionnants : Le dernier des Yakuzas et J’ai vendu mon âme en bitcoins, qui tous deux dévoilent d’autres aspects de la société japonaise. Je tiens au passage à souligner que ses livres sont publiés en France par les éditions Marchialy qui accomplissent un travail remarquable pour faire de leurs livres de magnifiques objets qu’on ne se lasse pas de contempler.

Un livre photo : Nippon no Haikyo de Jordy Meow

Encore un livre qui s’éloigne quelque peu de l’image lisse et propre que l’on peut avoir du Japon. Dans Nippon no Haikyo : vestiges d’un Japon oublié, Jordy Meow nous fait découvrir un Japon hors des sentiers battus, mais pas n’importe lequel. Si vous n’êtes sensibles qu’à l’éclat d’un torii rouge vermillon planté dans une montagne verdoyante ou au chatoiement du mont Fuji dans la lumière du soleil couchant, vous aurez peut-être du mal à discerner la beauté des clichés présentés dans ce livre photo. Ici, vous partirez à la découverte de bâtiments industriels en ruine, de parcs d’attraction délaissés, rouillés et envahis par la végétation, ou d’hôpitaux délabrés qui pourraient sans mal servir de décors pour des films d’horreur.

nippon no haikyo de Jordan Meow, photos d'urbex au Japon
Nippon no Haikyo de Jordy Meow, un magnifique livre photo sur les traces des ruines urbaines du Japon

Dans son livre, Jordy Meow partage avec nous sa passion pour l’urbex, l’exploration urbaine, que l’on nomme haikyo (廃墟) en japonais. Des photos que l’on n’a pas l’habitude de voir et qui nous font voyager dans le temps : les ruines du Japon portent encore les traces des jours anciens où elles étaient animées et pleines de vie. Il s’y cache une vraie beauté, empreinte d’une certaine nostalgie pour qui est sensible aux traces que laisse le passage du temps sur le monde.

Détail du livre photo de ruines urbaines japonaises de Jordan Meow

Si ce livre fait la part belles aux photos, imprimées en pleine page sur un agréable papier mat, elles sont accompagnées d’explications passionnantes sur l’histoire de ces lieux abandonnés et parfois du récit de leur exploration.

C’est notamment le cas de son aventure sur Hashima, une île aussi appelée Gunkanjima (« l’île navire de guerre »). Cette petite île entièrement urbanisée était autrefois une mine de charbon sur laquelle vivait ses ouvriers. Cela en fit, dans les années 50, le lieu le plus densément peuplé du monde, avant d’être complètement déserté. S’il est aujourd’hui possible de poser un pied sur l’île grâce à des visites guidées, ça n’était pas le cas à l’époque où Jordy Meow prit les photos que l’on retrouve dans son livre. L’île étant alors totalement interdite d’accès, il réussira à s’y faire amener par un pêcheur pour y passer la nuit. Ses photos sont aussi impressionnantes que le récit de sa nuit passée sur cette île fantôme.

Si vous aimez le travail de Jordy Meow n’hésitez pas à consulter son site internet ou à découvrir ses deux autres livres photos : Corée du Nord : Escale photographique et Japon Secret : les villages du Japon. Japon Secret est par ailleurs le nom de son blog qui regorge d’informations sur le Japon.

Un magazine : Tempura

Il me sera difficile de parler en détail d’un magazine autant que je l’ai fait des livres précédents, car par nature les thématiques traitées dans ce périodique changent à chaque publication. Mais Tempura me semble avoir toute sa place dans ces conseils de lecture tant les articles qu’on y trouve explorent en profondeurs la société japonaise contemporaine.

Tempura, un magazine passionnant sur le Japon
Le magazine Tempura explore sans tabous tous les aspects de la société japonaise.

Ce magazine, encore nouveau dans la constellation des périodiques puisqu’il est apparu en 2020, paraît à un rythme trimestriel. Avec des exemplaires de plus de 150 pages, Tempura se donne la place de développer ses dossiers, et c’est tant mieux car on y retrouve des sujets rarement traités. La place du corps dans la société japonaise, la place des femmes, l’anarchisme au Japon… Les problèmes de société sont explorés sans tabous et si Tempura est fait par et pour des amoureux du Japon, il n’est jamais question d’éluder les questions embarrassantes et les aspects moins glorieux du pays. Un ton qui donne toute sa place à Jake Adelstein, l’auteur de Tokyo Vice, pour contribuer régulièrement aux publications du magazine.

Tempura est aussi un beau magazine à la mise en page soignée, qui nous fait découvrir des artistes japonais contemporains, et en particulier des photographes au travail impressionnant.

On m’a fait cadeau l’année dernière d’un abonnement à Tempura et tous les trois mois, lorsque je découvre mon exemplaire dans la boîte aux lettres, je remercie cette personne pour son cadeau si bien trouvé !

Bonus : un guide pour découvrir Tokyo différemment

Pour terminer cet article, je voulais parler d’un livre un peu différent, un autre cadeau que j’ai reçu avant mon départ pour le Japon. Ma sœur avait eu la bonne idée de me donner ce petit guide appelé CitiX60 : Tokyo. J’ai tout de suite aimé sa conception avec sa couverture astucieusement recouverte d’une carte illustrée de la ville qu’on peut déplier. Mais bien trop pris par les préparatifs de mon départ, j’avais glissé le livre dans ma valise sans prendre plus le temps de le découvrir. Je n’y ai véritablement prêté attention que bien plus tard, en retombant dessus par hasard alors que j’étais en manque d’inspiration pour profiter d’un week-end pluvieux à Tokyo. Vu la taille réduite du guide je ne m’attendais pas à y trouver autre chose que les destinations les plus connues de la capitale, mais je n’avais pas encore compris le parti pris original qui lui donne toute sa valeur.

Un guide pour découvrir Tokyo grâce aux conseils d'artistes
Mon petit guide citiX60 Tokyo dont les marques d’usure prouvent l’usage que j’en ai eu.

CitiX60 : Tokyo donne la parole à 60 artistes vivant à Tokyo, leur permettant à chacun de présenter leur lieu préféré de la capitale. Bien sûr, on y retrouve quelques musées et restaurants bien connus comme le musée d’Edo-Tokyo ou le Robot Restaurant de Shinjuku, mais une grande partie des recommandations de ce guide sont difficilement trouvables et passent généralement sous les radars des voyageurs et même des habitants de Tokyo.

C’est comme ça que je me suis retrouvé ce samedi après-midi, alors que la pluie tombait sans discontinuer, dans une petite galerie de Shibuya, située au-dessus d’un célèbre magasin de vêtements, si mal indiquée que j’avais l’impression de passer par des portes de service pour y accéder. Sérigraphies underground, artisanat moderne en tout genre, petits livres graphiques auto-publiés… Cette galerie/boutique était minuscule mais fascinante ! J’ai donc commencé à sortir un peu plus souvent ce petit guide, qui m’a aidé à explorer quelques recoins de la capitale dans lesquels je n’aurais jamais songé à me rendre.

Des livres sur le Japon

Cette sélection de livres est loin d’être exhaustive, j’espère néanmoins qu’elle peut constituer un début pour qui voudrait découvrir la société japonaise et que ces lectures puissent vous donner l’envie d’en apprendre plus sur ce pays fascinant par bien des aspects !

Joachim Ducos

Joachim Ducos

Passionné par le cinéma japonais, j'ai voulu découvrir la vie quotidienne de ce pays que je ne connaissais qu'à travers la fiction. En 2017 je quittais ma France natale pour poser mes valises à Tokyo sans savoir que j'y resterai si longtemps. Après presque deux années à poursuivre mes activités de photographe et de vidéaste en parcourant l'archipel japonais, le Japon exerce toujours sur moi une mystérieuse fascination qui me pousse à vouloir en explorer chaque recoin.

tokidokiyuki.fr/

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