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Le Maple Park d’Utano, un nouveau jardin dans une école centenaire

Automne En vedette FEATURED Feuillage d'automne Kansai

Avant d’être une attraction touristique ou une photo Instagram, l’érable au Japon est une philosophie. Depuis l’époque de Heian (794–1185), les Japonais marchent en forêt pour observer les feuilles rouges à l’automne. Le mot pour ça ? 紅葉狩り(momijigari), littéralement « la chasse aux érables » pour les contempler, en poésie, le temps d’une saison, comme, ici, à Utano. En effet, au Japon, le beau est précieux justement parce qu’il ne dure pas.

Maple park à Utano

Il existe plus de 100 espèces d’érables dans le monde, mais les plus célébrées au Japon sont les momiji (Acer palmatum). Leurs teintes vont du vert tendre au rouge flamboyant, en passant par l’orange corail. Leur silhouette est souvent au centre de l’esthétique des jardins zen ou des estampes traditionnelles. Dans le design japonais, dans l’ikebana, dans la poésie ou encore les motifs de kimono, l’érable évoque la transformation, la légèreté, et une forme d’élégance un peu mélancolique. Il n’est donc pas étonnant qu’on lui ait dédié des parcs entiers, comme celui niché à Utano, au cœur des montagnes de Nara.

Bienvenue au Maple Park d’Utano

À flanc de colline, dans le village d’Utano, se cache un endroit encore discret : le Maple Park. On y compte plus de 3000 érables, couvrant environ 1200 variétés ou cultivars issus du monde entier, une collection horticole remarquable, bien que le genre Acer ne compte qu’environ 130 espèces naturelles connues.

  • World Maple Park Hirara


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  • 135-2 Utanofuruichiba, Uda, Nara 633-2226, Japan
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Plantés il y a une quinzaine d’années à des fins pédagogiques, ces érables grandissent dans un lieu chargé d’histoire : une ancienne école primaire centenaire. Aujourd’hui reconvertie en espace culturel et communautaire, l’école revit sous une autre forme. On y vient pour flâner, apprendre, échanger, observer.

Meilleure période pour les momiji dans les montagnes de Nara

Chaque automne, le parc s’embrase de couleurs. Mais le reste de l’année aussi, il mérite le détour :

  • Printemps : l’air s’emplit petit à petit de chants d’insectes, les érables déroulent leurs premières feuilles, d’un vert presque translucide, comme du papier washi.
  • Été : alors que la chaleur s’installe dans les vallées de Nara, les allées du parc offrent une fraîcheur inattendue. La lumière se faufile à travers les feuilles vert tendre, dessinant au sol un kaléidoscope mouvant d’ombres et de reflets.
  • Hiver : en hiver, la plupart des érables ont perdu leurs feuilles, laissant apparaître leurs branches nues, comme autant de traits d’encre sur le ciel gris. Mais certaines variétés persistantes, plus rares, gardent leur feuillage – et rappellent que la nature ne suit jamais qu’un seul rythme.
  • Automne : l’automne reste sans doute la saison la plus spectaculaire pour découvrir le Maple Park d’Utano. Les feuillages virent au rouge carmin, orange brûlé, jaune doré, créant une mosaïque végétale qui s’enflamme au soleil couchant.

En bref ? De la mi-novembre à fin novembre, parfois jusqu’à la première semaine de décembre selon l’année. Le pic des couleurs varie légèrement chaque saison, mais autour du 20 novembre, c’est généralement le moment idéal pour une visite. Et en altitude, les arbres commencent souvent à rougir plus tôt (début novembre), alors que dans la vallée d’Uda, le feuillage atteint son apogée autour de la 3ᵉ semaine de novembre. C’est aussi une période de lumière douce et rasante, idéale pour les photographes ou les rêveurs. En effet, pour les amateurs de photographie, les anciennes salles de classe et les allées bordées d’érables offrent des compositions historiques et naturelles sublimes, avec une lumière douce particulièrement belle en fin d’après-midi.

Une pause café ?

Au Hirara Café, vous avez la possibilité de faire une pause entre histoire et forêt. Dans un des bâtiments de l’ancienne école, un petit café a été aménagé. Il s’appelle Hirara. C’est un lieu suspendu dans le temps. On y trouve les tables de notre enfance (pour les plus âgés d’entre nous), un parquet qui craque, une boutique de quelques produits locaux, une playlist douce et une cuisine du coin. Parfois, un habitant du village s’arrête pour prendre un café. Parfois, ce sont des voyageurs, attirés par le bouche-à-oreille ou encore des groupes de motards en road trip.

Le menu “kyushoku lunch” (給食ランチ), inspiré des repas scolaires des années 70– 80, est proposé le 2ᵉ et le 4ᵉ dimanche de chaque mois uniquement, en quantité limitée (30 portions). Prix : environ 1200 ¥. On y trouve aussi un curry fait maison, le classique poulet frit (karaage) et parfois des desserts saisonniers. Rien d’extravagant. Juste ce qu’il faut pour savourer le moment et s’immerger pleinement dans le quotidien des âmes qui ont animé ce lieu durant plus d’un siècle.

  • Cafe カエデ


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  • 135-2 Utanofuruichiba, Uda, Nara 633-2226, Japan
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Utano, un lieu qui pousse encore

Ce qui frappe à Utano, c’est le temps long. Les arbres sont encore très jeunes, les infrastructures, elles, sont centenaires. Et pourtant, on sent qu’il y a là un projet vivant. Le parc a été développé dans une visée pédagogique et scientifique à l’origine, pour préserver, comparer et observer différentes espèces du monde entier.

Aujourd’hui, des bénévoles s’impliquent. Des familles viennent y passer une après-midi. Des artistes y exposent. Et des idées y naissent. Il y a un certain nombre d’événements au cours de l’année qui s’y déroulent, notamment en septembre, le « Kagayake Uta no ! » qui est un genre de festival de village avec des stands d’artisans locaux et des événements organisés en partenariat avec les écoles locales. Ce parc, c’est un embryon. Un lieu qui grandira en même temps que les érables. Et comme souvent au Japon, ce sont les lieux en devenir qui touchent le plus, parce qu’ils laissent de la place. À l’imaginaire, à l’humain et à ce qui pousse, doucement, chotto-zutsu. De nos jours, on ne dit plus « momijigari », mais souvent  « kōyō mi ni iku » (紅葉見に行く), « aller voir les feuilles d’automne ». Et si cette année, c’était justement à Uda que vous alliez les voir ?

Préparer sa visite à Utano

Pour découvrir le Maple Park et son café, il faut accepter de sortir des sentiers battus. Le lieu se trouve à Utano, un petit village niché dans les montagnes de Nara, sur le site de l’ancienne école primaire de la commune (宇陀市立菟田野小学校), aujourd’hui transformée en écrin pour les érables et la mémoire. Depuis Osaka-Namba, il faut environ 1h10 en train Kintetsu jusqu’à la station de Haibara, puis compter 20 minutes en bus local (en direction de 大宇陀) ou en taxi. Depuis Kyoto, le trajet prend un peu plus de temps, autour d’1h45, en combinant JR et Kintetsu jusqu’à Haibara, puis le même itinéraire jusqu’au parc.

Visite immanquable à Utano
  • Haibara Station


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  • Haibarahagihara, Uda, Nara 633-0253, Japan
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À noter : les bus sont peu fréquents. Il est donc recommandé de vérifier les horaires à l’avance, ou de partager un taxi si vous voyagez à plusieurs. Pour celles et ceux qui viennent en voiture, deux grands parkings sont disponibles gratuitement. La route qui serpente jusqu’à Utano est calme et bien entretenue, de plus, la vue sur les collines environnantes vaut à elle seule le détour.

À Utano, le temps semble suspendu, entre la mémoire d’une école et la promesse d’une forêt. Ici, l’automne ne se contemple pas seulement : il s’apprend, se respire et se vit, au rythme lent des érables qui grandissent.


Cet article a été publié dans Automne, En vedette, FEATURED, Feuillage d'automne, Kansai, Nara, Nature, Parcs à thème et étiqueté , par Coline Emilie Aguirre. Marquer le lien permanent.

Coline Emilie Aguirre

Coline Aguirre est photographe et consultante en immobilier, vivant dans la campagne japonaise, plus précisément dans la région de Nara. Passionnée par l’architecture, les kimonos et les trésors cachés de la vie rurale au Japon, elle explore et raconte, à travers ses images et ses mots, la beauté des lieux oubliés. Fondatrice de Maison Coco, elle accompagne également les étrangers dans leurs projets d’installation et/ou d’achat de maisons traditionnelles au Japon.

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