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Retirez votre montre et éteignez votre smartphone. Car le temps ne s’écoule pas de la même manière à Oumi no Sato (翁美の里), et vous ne voudriez pas être celui qui viendrait dissiper la magie qui règne dans ce royaume. Ici vit une femme qui semble tout droit sortie d’un compte de fée et qui n’a qu’une mission : apporter le bonheur à tous ses visiteurs. Comme le dit le vieil adage, on atteint le cœur d’un homme par son estomac, elle sait donc aussi comment nous conquérir avec les délicieux fruits de saison de sa ferme.

Oumi no Sato, une retraite loin de l’agitation mondaine

Connue pour être la région la plus ensoleillée du Japon, Okayama (岡山) bénéficie d’un climat privilégié par rapport au reste du pays, ce qui lui donne un avantage certain en matière d’agriculture. Parmi les produits les plus célèbres de la région, on retrouve le raisin et la pêche blanche, ce n’est donc pas un hasard s’il s’agit également du lieu de naissance de Momotaro (桃太郎), un héros du folklore japonais, né dans une pêche géante, qui est au cœur des légendes qui planent sur l’ancienne région de Kibiji.

Jardin japonais d'une maison traditionnelle japonaise
Nature et tradition : le magnifique jardin japonais à l’extérieur de la maison se fond parfaitement avec la végétation des alentours.

Le soleil s’est déjà couché lorsque j’arrive à Oumi no Sato, après une longue journée de marche et de photographie. Le lieu n’est pas si éloigné de la ville, à seulement 13 kilomètres de la gare d’Okayama, mais je me retrouve déjà dans un environnement rural radicalement différent, où règne un silence paisible, tout juste interrompu par le doux murmure des arbres qui frémissent sous une fraîche brise d’automne. Sadayo Satomi m’accueille d’un sourire éclatant, et après m’avoir laissé déposer mes affaires dans ma chambre et m’être un peu reposée, elle commence à me parler de cet endroit singulier autour du dîner.

Née dans une famille d’agriculteurs cultivant des pêches depuis trois générations, elle a décidé d’élargir l’activité de la ferme familiale lorsqu’elle a repris le flambeau. Elle désire y proposer plus que de simples séjours à la ferme permettant de découvrir les travaux agricoles ; pour elle il s’agit aussi d’un lieu de retraite, où se couper du stress de la vie quotidienne. « De nos jours, la vie de nombreuses personnes se résume à des études interminables puis un travail tout aussi prenant qui ne leur laisse aucun temps pour elles-mêmes », me dit-elle. Elle m’explique que certains de ses clients viennent ici pour travailler à distance tout en vivant, pour une courte période, dans un environnement rural au rythme plus apaisant. Voir ses clients se détendre et lâcher prise fait partie de ce qui la pousse à faire ce métier. Son enthousiasme est contagieux lorsqu’elle me raconte ses souvenirs d’une enfance idyllique, courant et chantant librement dans les champs et les montagnes voisines. Oumi no Sato, c’est partager avec les autres ce sentiment de liberté émotionnelle.

Agriculture biologique dans les champs d’Oumi no Sato

En plus de produire les délicieuses pêches blanches qui font la renommée de la région, mon hôte a également commencé à cultiver d’autres fruits, parmi lesquels on retrouve des poires « la France », des myrtilles, des agrumes, et des prunes. Bien que le temps doux de la région lui facilite la tâche, gérer une telle ferme ne se fait pas tout seul. Satomi-san veille constamment sur ses champs et surveille les fruits pour savoir à quel moment précis il conviendra de les récoler, ce qui la conduit parfois à devoir faire le tour de ses champs chaque matin au lever du soleil lorsque la saison des récoltes approche. Cette année, le temps avait été quelque peu inhabituel, et elle ne pouvait prendre aucun risque avec ses chères pêches.

La saison des récoltes était passée lors de ma visite, je ne pouvais donc qu’imaginer le travail, mais aussi le plaisir, que représente l’entretien de ses 40 hectares de verger (30 hectares de pêchers, 10 hectares pour les autres arbres fruitiers). Au petit matin, nous sommes allées faire une ballade dans les champs, et Satomi-san m’expliqua quels arbres étaient plantés dans chacune des sections de son verger. Lorsqu’on vient durant la saison des récoltes, on peut également ramasser des fruits en se promenant entre les arbres, et acheter les fruits qu’on a soi-même cueillis. On y trouve aussi un espace dédié à la culture de champignons shiitaké, que l’on peut également ramasser. Pour une âme définitivement citadine comme moi, l’idée de manger des aliments que j’ai moi-même récoltés me procure un immense sentiment de satisfaction qui, j’en suis sûre, doit être partagé par d’autres clients d’Oumi no Sato.

champignons shiitaké dans la ferme Oumi no Sato à Okayama
Un petit trésor inattendu. Nous ne pensions pas pouvoir ramasser autant de champignons shiitaké.

Un même sentiment de satisfaction m’attendait en nourrissant d’autres êtres vivants que ma petite personne. Oumi no Sato possède une petite ferme d’animaux où l’on trouve des lapins nains Holland Lop, une tortue épineuse africaine, et plusieurs chèvres. Ces dernières étaient particulièrement contentes de notre visite, puisque nous continuions à les nourrir avec de mauvaises herbes que nous arrachions à proximité. Je ressentais une joie pure et enfantine à simplement regarder ces adorables lapins duveteux, et à entendre les chèvres bêler gaiement pour nous prier de bien vouloir leur donner d’autres touffes d’herbes appétissantes. Rien d’étonnant à ce que cela soit l’un recoins de la ferme qui emplissent Satomi-san de bonheur.

Rich Fruits, un café sans horaires fixes ni menu

En travaillant dans son exploitation, Satomi-san fut confrontée à un petit problème. Certains fruits n’étaient pas produits en quantité suffisante pour pouvoir être vendus sur les marchés, mais restaient trop nombreux pour sa propre consommation. Elle décida donc d’ouvrir Rich Fruits. Fidèle à la philosophie de sa ferme, il ne s’agit pas d’un café ordinaire. Au menu : tout ce que la propriétaire aura envie de préparer ce jour-là — mais vous pouvez être certains que ça sera délicieux. En arrivant, vous pourriez bien découvrir un mot indiquant qu’elle est partie travailler dans les champs, mais un coup de fil suffira pour qu’elle vienne vous servir ses meilleures préparations. Dans tous les cas, il est préférable d’appeler avant de venir pour s’assurer que le café sera ouvert le jour de votre visite.

La cerise sur la gâteau : être assis face à une grande fenêtre qui nous permet d’admirer la campagne. Le bouche à oreille fut efficace pour faire connaître l’ambiance chaleureuse du café. La gestion de ses différentes activités et l’accueil des clients dans son café amena son lot de défis, que Satomi-san surmonta en tâtonnant et en apprenant se ses erreurs. C’est pourquoi elle offre également la possibilité de louer des espaces pour y organiser des ateliers, ou tenir le café le temps d’une journée. Le café peut être loué pour 600 yens de l’heure ou 3000 yens par jour, de 11h à 16h. La cuisine est accessible pour 1000 yens par jour et une pièce traditionnelle japonaise est mise à disposition pour 2000 yens par jour.

Découverte de la culture traditionnelle japonaise à Oumi no Sato

À l’heure du déjeuner, nous avons eu l’occasion de compléter notre découverte du quotidien d’une ferme par l’apprentissage d’une recette locale et traditionnelle. Nous avons appris à préparer des barazushi, l’un des plats emblématiques d’Okayama. Préparé à partir du même riz vinaigré qui sert à la préparation des sushis, le barazushi d’Okayama est surmonté de légumes, de divers pickles, et d’omelette tranchée, en plus du poisson. Ce jour-là nous avons préparé notre repas avec des shirasu (alevins de sardines), des haricots verts, des champignons, des racines de lotus, et quelques pickles japonais.

un plat traditionnel japonais, le barazushi, spécialité d'Okayama
Le barazushi est l’une des spécialités culinaire d’Okayama

Ce repas succulent fut suivi par une cérémonie du thé légèrement revisitée. À la place de la confiserie traditionnelle à base de pâte de riz gluant fourré à la pâte de haricots sucrée, on nous a servi des biscuits aux bleuets et aux pêches blanches de la ferme. La cérémonie du thé prend ici tout son sens. L’esthétique wabi-sabi du lieu s’allie à la nature contemplative du rituel, dont le but est de nous purifier et de nous rendre attentif à ce qui se passe ici et maintenant, ce qui est précisément au cœur d’un séjour à Oumi no Sato. Je ne pouvais pas rêver de meilleure manière de terminer mon passage dans cet endroit merveilleux.

Comment se rendre à Oumi no Sato

Oumi no Sato se trouve à seulement 30 minutes de voiture de la gare d’Okayama, ou 10 minutes depuis l’aéroport d’Okayama. Si vous vous déplacez en transports en commun, le plus simple est de prendre un bus à l’arrêt numéro 6 qui fait face à la gare d’Okayama, en direction de Tenmaya-Sayama Danchi-Rehabilitation C (天満屋~佐山団地~リハビリC線). La ferme se trouve à 15 minutes à pieds de l’arrêt Tomiyoshi Honmuranishi (富吉本村西). Le café est ouvert de 11h à 16h mais ses jours d’ouverture sont variables, il est donc préférable de vérifier qu’il est ouvert en téléphonant avant de s’y rendre.

Oumi no Sato est la destination idéale pour les voyageurs en quête d’un authentique séjour à la ferme. Ici, le temps s’arrête, nous donnant l’occasion de mettre nos pensées en ordre et de nous reconnecter avec nous-mêmes, au milieu de la nature, de délicieux fruits frais, et d’adorables animaux. L’agricultrice Sadayo Satomi ressent une certaine fierté en repensant à tous ceux qui sont venus dans sa ferme pour y trouver du réconfort et échapper au stress de leur quotidien. Mais je suis sûre qu’une partie de ce qui pousse les gens à revenir, c’est sa joie contagieuse et son énergie débordante.

Article écrit en partenariat avec la ville d’Okayama.
Traduit de l’anglais par Joachim Ducos

Toshiko Sakurai

Toshiko Sakurai

Je divague dans les rues japonaises (accompagnée de mon appareil photo !), puis je capture chaque moment. Je joue avec la lumière afin de prendre les meilleurs photos et j'assemble des lettres du mieux que je le peux pour vous écrire mes articles. Je suis arrivé à Tokyo en provenance de Barcelone à l'automne 2017 et depuis, j'essaye de partager les meilleurs coins de la ville grâce à mes balades en vélo. Lorsque je n'ai pas mon appareil photo avec moi, j'ai l'habitude de défier l'orthodoxie culinaire en mélangeant les styles de nourriture de tous les endroits où j'ai vécu.

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