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Forte d’une culture locale qui s’est développée dans la douceur du climat des abords de la mer intérieure de Seto, la préfecture d’Okayama (岡山県) possède un riche patrimoine, né de ses terres agricoles fertiles et des routes commerciales qui en firent l’une des plus importantes régions du Japon durant l’époque d’Edo et jusqu’à l’ère Meiji. Et ses monuments historiques ne se limitent pas au château et au jardin Korakuen d’Okayama. Passionnée d’histoire et d’architecture, j’étais ravie de partir à la découverte des trésors historiques qui m’attendaient.

Ashimori, un vestige de l’ère Edo figé dans le temps

Ashimori (足守) est un quartier extraordinaire situé au nord-ouest de la ville d’Okayama (岡山市). On y trouve la seule résidence de samouraï d’époque de toute la préfecture, mais il ne s’agit là que d’une partie du tableau : l’ensemble du quartier regroupe un nombre impressionnant d’anciens bâtiments historiques ! En 1990, son importance historique a conduit la préfecture d’Okayama à en faire un quartier classé pour en préserver le patrimoine. En me promenant à Ashimori, je pu me faire une idée du mode de vie d’autrefois, tout en découvrant l’histoire du quartier.

La beauté intemporelle de la nature à Omizuen

Omizuen (近水園) est l’un des plus beaux endroits d’Ashimori. Ce jardin fut conçu par l’artiste et aristocrate Enshu Kobori, éminent paysagiste de la période Azuchi-Momoyama et du début de l’époque d’Edo. C’est le lieu idéal pour admirer les couleurs de l’automne, qui valent au jardin d’être désigné « lieu de beauté pittoresque » par la préfecture depuis 1959. Il s’agissait autrefois du jardin du clan Kinoshita, anciens seigneurs du domaine d’Ashimori, étroitement liés à Toyotomi Hideyoshi. Au centre, trône un étang alimenté par l’eau de la rivière Ashimori qui passe à proximité, raison pour laquelle le nom du jardin signifie « jardin près de l’eau ». Au milieu de l’étang, deux petites îles, Tsurushima (鶴島, île aux grues) et Kameshima (亀島, île au tortues), symbolisent la longévité du seigneur de l’époque. En face, une maison appelée Ginfukaku (吟風閣, palais aux vents chantants) se fond dans le décor, se reflétant à la surface de l’étang en compagnie des feuilles rouges des érables.

L’ancienne résidence de samouraïs du clan Ashimori

Contrairement à la majorité des maisons de samouraïs qui ne survécurent pas à l’ère Meiji, l’ancienne résidence de samouraïs du clan Ashimori (旧足守藩侍屋敷遺構) a été si bien conservée que, en 1959, la préfecture l’a désignée « bien culturel important ». Il s’agissait autrefois de la résidence de la famille de samouraïs Sugihara, au service du clan Ashimori, et sa construction est estimée aux alentours du milieu de l’époque d’Edo (1651-1745). Mais sa valeur historique et culturelle ne se limite pas à ce que la demeure donne à voir du mode de vie des samouraïs. Son architecture est très représentative du style Buke-zukuri, largement considéré comme le modèle qui servit ensuite à la construction des maisons d’habitation traditionnelles japonaises.

Résidence d'une famille de samouraïs à Okayama

L’ancienne maison de marchand de Fujita Senneji

Cette maison et musée est un petit trésor pour les passionnés de gastronomie. L’ancienne maison de marchand de Fujita Senneji (旧足守商家藤田千年治邸) abrite d’anciens barils de sauce soja et d’anciens ustensiles datant de l’ère Meiji. Il s’agit de l’héritage laissé par Senneji Fujita, un producteur de sauce soja dont l’entreprise familiale, Senneji Shoten, fut en activité de l’ère Edo jusqu’à la dernière guerre. Ce magnifique manoir était à la fois l’ancienne résidence de la famille et le lieu de production de l’entreprise. Datant de la fin de l’époque d’Edo, il fut fidèlement restauré tel qu’il était durant l’ère Meiji. Il permet aujourd’hui de découvrir les anciennes techniques de production de sauce soja et l’architecture typique des maisons de marchands de l’époque.

Maison traditionnelle japonaise avec une toiture irimoya à Okayama
Le style architectural du toit, appelé style irimoya, est typique de l’architecture japonaise.

Les anciennes provinces de Bicchu et de Bizen, qui forment aujourd’hui la préfecture d’Okayama, faisaient autrefois partie d’une région appelée Jushu Enden (十州塩田), ce qui signifie « champs de sel des dix provinces ». Le sel, ingrédient essentiel à la fermentation lors de la production de sauce soja, a probablement joué un rôle important dans le développement de l’activité autour de ce produit dans cette région, une activité qui a laissé des traces encore visibles de nos jours.

La maison de marchand de Bichu Ashimori Machinamikan

On trouve, dans le quartier, une autre maison de marchand datant de l’époque d’Edo. Bichu Ashimori Machinamikan (備中足守まちなみ館) connut une évolution intéressante, puisqu’elle fut utilisée, à certaines périodes, comme bureau de poste et comme koban (petit commissariat de quartier typique du Japon). Mais le bâtiment ayant finit par montrer des signes de délabrement, et le quartier ayant été classé, il fut entièrement rénové et reprit son apparence d’origine. Il sert à présent d’office de tourisme, animé par des bénévoles, et on y trouve un petit musée sur l’histoire locale.

Location d’espaces culturels et repas kaiseki à Ashimori Plaza et Kouan Chaya

Ashimori Plaza (足守プラザ) n’est pas un bâtiment historique, mais son architecture a été conçue pour se fondre parmi les bâtiments d’époque du centre du quartier. C’est un lieu qui occupe une place intéressante dans la vie du quartier. Il dispose d’espaces qui peuvent être loués à des fins culturelles, comme pour des expositions ou des concerts. On y trouve également une boutique et des infrastructures permettant la tenue d’ateliers de poterie ou de travail du bois, ainsi qu’un office du tourisme.

Ashimori est un centre culturel important dans le quartier.

À l’intérieur d’Ashimori Plaza, un restaurant, Kouyan Chaya (洪庵茶屋), propose d’excellentes spécialités d’Okayama cuisinées à partir d’ingrédients locaux. Pour le déjeuner, le restaurant propose un menu kaiseki composé de plats de saison servis dans un grand panier en bambou, accompagnés en dessert par une généreuse tranche de melon cantaloup d’Ashimori. Et comme vous voudrez probablement profiter un peu plus des saveurs exceptionnelles de ce melon, je vous recommande de commander un jus de melon, un délice 100% fruits.

Pâtisseries traditionnelles japonaises et cérémonie du thé à Urashima Honpo

Revenons dans le centre-ville d’Okayama. On y trouve une pâtisserie traditionnelle japonaise appelée Urashima Honpo (浦志満本舗). Entreprise familiale fondée il y a plus de 80 ans, elle possède plusieurs enseignes implantées dans la ville. Dans la magasin principal, près de la gare de Kitanagase, on peut goûter à leur gamme de pâtisseries, mais aussi apprendre à confectionner ses propres namagashi (生菓子), l’une des pâtisseries traditionnelles que l’on retrouve généralement en accompagnent d’un bol de thé matcha lors de la cérémonie du thé. Les namagashi ont la caractéristique d’arborer de charmantes formes et motifs, dont la complexité démontre la dextérité des pâtissiers.

Kosuko Miyake m’apprit à confectionner des namagashi en forme de fleurs : un en forme de chrysanthème et un en forme d’œillet. Un choix très délicat de la part de Miyake-san, puisqu’elle savait que je venais d’Espagne et qu’elle a donc décidé de mêler les fleurs nationales de nos deux pays respectifs. Les gestes rapides de Miyake-san donnent l’impression que ce travail est plus simple qu’il ne l’est en réalité, et c’est un vrai plaisir de voir ces si belles formes apparaître sous ses mains. Après avoir confectionné les pâtisseries, l’atelier s’est poursuivi par une initiation à la cérémonie du thé, terminant le tout dans un moment de contemplation, tout en savourant de la complémentarité des saveurs sucrées des namagashi de l’amertume du matcha.

Japonaise pratiquand la cérémonie du thé en kimono

Comment se rendre à Ashimori et à Urashima Honpo

Le quartier classé d’Ashimori se trouve à environ 30 minutes de voiture de la gare d’Okayama. La gare la plus proche est celle d’Ashimori, desservie par la Kibi Line, mais depuis la gare il vous faudra marcher entre 50 minutes et 1 heure, il est donc préférable de demander à un taxi de venir vous chercher à la sortie de la gare. Il est possible de se promener librement autour des bâtiments, mais la plupart des lieux y sont ouverts du mardi au dimanche et de 9h30 à 16h30, à l’exception des jours suivant un jour férié.

Urashima Honpo se trouve à seulement 15 minutes de voiture de la gare d’Okayama. En train, comptez 5 minutes de trajet jusqu’à la gare de Kitanagase, sur la San-yo Line, puis 6 minutes de marche. La boutique est ouverte tous les jours, de 9h à 19h.

La préfecture d’Okayama est connue pour son beau temps, pour les contes mettant en scène Momotaro, pour son impressionnant château, et pour ses délicieuses pêches, mais il existe bien des lieux, en dehors des sentiers battus, pour profiter de la richesse culturelle d’Okayama. Un héritage historique grandiose et surprenant vous attend lorsque vous pousserez votre voyage en dehors des principales destinations touristiques.

Article écrit en partenariat avec la ville d’Okayama
Traduit de l’anglais par Joachim Ducos

Toshiko Sakurai

Toshiko Sakurai

Je divague dans les rues japonaises (accompagnée de mon appareil photo !), puis je capture chaque moment. Je joue avec la lumière afin de prendre les meilleurs photos et j'assemble des lettres du mieux que je le peux pour vous écrire mes articles. Je suis arrivé à Tokyo en provenance de Barcelone à l'automne 2017 et depuis, j'essaye de partager les meilleurs coins de la ville grâce à mes balades en vélo. Lorsque je n'ai pas mon appareil photo avec moi, j'ai l'habitude de défier l'orthodoxie culinaire en mélangeant les styles de nourriture de tous les endroits où j'ai vécu.

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