Dans la mer intérieure de Seto, entre Honshu et Shikoku, cap sur l’île de Shodoshima (小豆島). Son nom signifie littéralement « l’île des haricots rouges », mais cette île de la préfecture de Kagawa, la deuxième plus grande de la mer intérieure, est aujourd’hui connue comme « l’île des olives ». Sur les collines de Shodoshima, entre mer et montagnes, poussent de nombreux oliviers, un paysage rare et presque incongru au Japon. Ces olives sont réputées à travers tout le pays. Outre l’oléiculture, Shodoshima l’épicurienne produit aussi des agrumes, de la sauce de soja ou encore des nouilles somen. Débarquons sur ce petit bout de « Méditerranée japonaise », où l’on prend le temps d’apprécier la clémence des cieux, et les offrandes de la nature.
Olives et oléiculture sur l’île de Shodoshima
Sur Shodoshima, les oliveraies font partie du paysage, et les collines ont de faux airs de Provence ou de Grèce. L’île de Shodoshima abrite la quasi-totalité des oliveraies de l’Archipel. Elles prospèrent sous un climat méditerranéen unique au Japon.
L’histoire de l’oléiculture à Shodoshima a commencé en 1908. Le Japon venait alors de remporter la guerre russo-japonaise (1904-1905), et avait conquis de nouveaux territoires maritimes. Aussi, le gouvernement japonais décida-t-il de produire sa propre huile d’olive pour la conservation naturelle des poissons pêchés dans les nouvelles eaux territoriales. Shodoshima fut choisie pour la douceur de son climat. L’île était en effet l’endroit de l’Archipel qui réunissait les conditions climatiques les plus propices à la culture de l’olive.
Aujourd’hui, les olives sont toujours pressées pour être transformées en huile d’olive. La fleur d’olivier est même un des symboles de la préfecture de Kagawa.
Découvrir les oliviers de Shodoshima lors d’une visite de l’île
Sur l’île de Shodoshima, olives, oliviers et oliveraies sont omniprésents, mais certains sites sont incontournables pour tous les visiteurs intéressés par la culture oléicole locale.
Shodoshima Olive Park, un coin de Grèce au cœur de la mer intérieure du Japon
Au sud de l’île, le Shodoshima Olive Park (小豆島オリーブ公園, Shōdoshima Olive Kōen) est une oliveraie encore en activité. Des sentiers sillonnent la colline, où s’élèvent quelques bâtiments qui imitent le style grec, dont la réplique d’un moulin à vent.
Ce dernier connaît depuis quelques années un succès surprenant : de nombreuses personnes viennent s’y prendre en photo à cheval sur un balai, en référence à Kiki la petite sorcière. Une version en prise de vues réelles du roman d’Eiko Kadono — notamment célèbre grâce au film d’animation du studio Ghibli, réalisé par Hayao Miyazaki — a en effet été tournée à Shodoshima. Des balais sont mis à disposition des visiteurs gratuitement.
Le parc présente aussi un petit musée, un magasin spécialisé, deux restaurants et une auberge.
L’olivier millénaire de Shodoshima
L’île de Shodoshima abrite également un olivier millénaire, qui fait face à la mer intérieure de Seto. Il impressionne par son tronc large et noueux et son allure de vieux sage. Mais comme l’histoire des olives à Shodoshima n’a qu’un peu plus d’un siècle, cette arbre vénérable ne saurait en être le témoin. Il a vécu ce millénaire à 10 000 kilomètres du Japon, en Andalousie, et n’a été transplanté à Shodoshima qu’en 2011, où il a été accueilli par une cérémonie shinto.
Le bœuf Wagyu de Sanuki, nourri aux olives de Kagawa
Les olives de Kagawa sont préparées de diverses manières. Elles sont pressées pour donner de l’huile d’olive, mais elles parfument aussi le bœuf Wagyu de Sanuki, nourri aux olives.
L’élevage bovin est pratiqué ici depuis la période antique. Les fermiers de Kagawa furent les premiers, dans les années 1880, à engraisser les bœufs. Dans les années 2000, Masaki Ishii, un éleveur désireux de limiter les déchets agricoles et d’affiner les goûts de la viande, décida d’engraisser les bovins avec des résidus d’olives récupérés après la pression. Les bœufs sont nourris à la pulpe d’olive pressée, donnée en complément nutritionnel. C’est ainsi que Shodoshima est passée à une agriculture plus verte, basée sur le recyclage des déchets industriels.
Ensuite, le fumier des bovins engraissés à la pulpe d’olive bénéficie aux oliviers. Entre l’élevage et l’oléiculture, c’est donc tout un cycle agricole qui se met en place, vertueux, respectueux de l’environnement et de l’écosystème local.
Cette technique d’engraissement donne à la viande des saveurs particulières, dues à la forte teneur en acide oléique de la pulpe d’olive. Cette viande persillée est riche en acides gras monoinsaturés et en oméga-3 (acides gras polyinsaturés). Le bœuf Wagyu de Sanuki est considéré comme plus sain que le bœuf Wagyu classique. Produit exclusivement dans la préfecture de Kagawa, le bœuf Wagyu de Sanuki est servi dans les restaurants gastronomiques de Kobe, Kyoto et Osaka.
La production locale de Shodoshima, au-delà des olives
Les agrumes
Shōdoshima profite aussi du climat tempéré pour produire des agrumes (citrons, oranges amères daidai, citron sudachi, mandarines mikan, entre autres), récoltés à l’automne et en hiver. S’ils sont délicieux tels quels, ils sont aussi cuisinés avec des légumes marinés, agrémentent les currys, se servent en jus ou aromatisent les eaux gazeuses.
La sauce de soja
Voilà près de quatre siècles que Shodoshima produit du shōyu (醤油), ou sauce de soja, un assaisonnement qui occupe une place essentielle dans la gastronomie japonaise.
L’activité des fabriques de sauce de soja a coloré les villages, noirci le bois des maisons, les toitures et les troncs d’arbres. Certains établissements de l’île continuent de fermenter le soja dans des fûts de cèdre fabriqués à la main, selon des techniques vieilles quatre siècles. Mais seule une vingtaine de fabriques de sauce soja perdure, concentrée au sud-est de l’île, entre les ports de Kusakabe et de Sakate. Le quartier de Hishio no Sato rassemble plusieurs usines de sauce soja. Une des usines de Marukin (マルキン) est devenue un musée. On y explique le processus de fabrication de la sauce soja, des cuves et divers outils y sont exposés.
Les tsukudani
L’île de Shodoshima est aussi devenue une grande productrice de tsukudani. Méthode de cuisson et plat, le tsukudani consiste à mijoter et conserver de petits morceaux de fruits de mer ou d’algues dans un mélange de sauce soja et de sucre. Le quartier de Hishio no Sato rassemble des producteurs de tsukudani, aux côtés des usines de sauce soja.
Les nouilles somen
Une autre spécialité réputée de Shodoshima sont les somen, des nouilles de blé fines et soyeuses. Le berceau de ces nouilles se trouve dans la préfecture de Nara, mais on raconte que des habitants de Shodoshima auraient découvert les somen et rapporté leur technique de production au retour d’un pèlerinage au sanctuaire d’Ise, à la fin du 16e siècle. La production de somen s’est depuis lors développée sur l’île, qui reste aujourd’hui réputée pour la qualité de ses nouilles.
Comment se rendre sur l’île de Shōdoshima ?
- Le Jumbo Ferry relie Kobe à l’île de Shodoshima en 3h, et Shodoshima à Takamatsu, sur l’île de Shikoku, en une petite heure. C’est le moyen de transport le plus économique depuis le Kansai, en chemin vers Shikoku. Au départ de Kobe, la traversée offre un panorama sur le pont du détroit d’Akashi (明石海峡大橋, Akashi kaikyō ōhashi). Elle laisse à admirer la myriade d’île et d’îlots disséminés dans la mer intérieure de Seto.
- Depuis Okayama (sur Honshu), Uno (sur Honshu, près d’Okayama), ou Takamatsu (sur Shikoku), des ferries rejoignent le port de Tonosho (sur Shodoshima).
Pour toute information concernant les mesures nationales et régionales mises en place au Japon pour lutter contre la propagation du COVID-19, ainsi que les mesures de sécurité spécifiques pour les voyageurs, vous pouvez consulter la page d’information dédiée sur le site de la JNTO : www.japan.travel/en/coronavirus.
C’est dans la préfecture de Kagawa, et notamment sur l’île de Shodoshima, que sont cultivées la quasi-totalité des olives du Japon. On y procède à une agriculture verte et éthique, basée sur le recyclage de la pulpe d’olive dans l’alimentation du bœuf Wagyu. Îlot méditerranéen en mer intérieure du Japon, Shodoshima est un petit paradis du slow tourisme.
Article écrit en partenariat avec l’association touristique de la préfecture de Kagawa, le bureau des transports et du tourisme de Shikoku, la ville de Shodoshima, la ville de Tonosho et Jumbo Ferry
Photographies (sauf mention contraire) Clémentine Cintré