Quand on parle de « l’ancienne capitale » du Japon, c’est bien sûr généralement à Kyoto que l’on pense. Certains savent aussi qu’avant Kyoto, Nara a été la capitale de l’archipel de 710 à 784. Mais encore avant, il y a plus de 1300 ans, la première capitale nippone a été établie à une trentaine de kilomètres au sud de Nara : à Asuka (飛鳥) — qui était déjà le cœur politique et spirituel du Japon depuis plusieurs siècles.
Il s’agit aujourd’hui d’un village paisible et pittoresque, mais en le parcourant on découvre d’innombrables témoins de la période d’Asuka. Sites archéologiques, tumulus, temples et mégalithes mystérieux nous permettent de voyager dans le temps et d’imaginer à quoi pouvait ressembler Asuka à cette époque lointaine.
Des sites archéologiques, témoins de la période d’Asuka
Étant loin d’être une spécialiste de l’histoire du Japon, je vais éviter de rentrer dans les détails complexes de cette période. Mais s’il y a quelques points clef à retenir ce sont sans doute ceux-ci : la période d’Asuka s’étend de 593 à 710 ; des capitales successives ont alors été établies à Asuka et dans sa région. Il est admis que cette époque est le moment charnière où la nation japonaise prend forme à travers de nombreuses réformes influencées par le continent (Chine et Corée). C’est aussi à cette période que le bouddhisme prend son essor jusqu’à devenir la religion officielle de la cour.
Des palais et autres lieux de pouvoir, il ne reste aujourd’hui à Asuka que des sites archéologiques. Leurs emplacements sont restaurés ou marqués symboliquement, permettant d’en visualiser le plan. On peut notamment visiter le site du palais d’Asuka (Asuka no Kiyomihara), datant du milieu du 7e siècle.
Le site archéologique de Mizuochi-iseki date de la même époque. Il s’agit de l’emplacement d’une horloge à eau monumentale, équipée d’une cloche pour sonner certaines heures et symboliser le pouvoir de l’empereur Saimei sur le temps. Ce site fut — comme beaucoup d’autres à Asuka — découvert récemment, en 1982.
Les nombreux kofun d’Asuka
La période d’Asuka succède à celle dite des kofun (250-590). Ce mot désigne les tertres funéraires érigés au Japon lors de cette époque pré-bouddhiste — dont un ensemble, celui de Mozu-Furuichi à Osaka, a récemment été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. On en trouve de nombreux à Asuka. Je n’en avais jamais visité auparavant et j’ai été très surprise de découvrir à quel point ces tumulus ressemblent aux cairns bretons. Là aussi, des mégalithes sont érigées verticalement pour former une chambre, recouverte d’une large table de pierre, puis l’ensemble est recouvert de pierres et de terre. Je vous présente rapidement les principaux kofun d’Asuka.
La chambre du kofun de Takamatsuzuka est recouverte de peintures colorées reproduites dans le musée attenant.
Les peintures murales de kofun de Kitora figurent la plus vieille carte astronomique du monde, la représentation de quatre divinités sous forme d’animaux et des signes du zodiac chinois. Elles sont reproduites dans le musée attenant, où les peintures originales ont également été déplacées pour être préservées — elle sont visibles seulement occasionnellement.
Le plus fréquenté des tumulus d’Asuka est probablement celui d’Ishibutai. Contrairement aux autres, la chambre du kofun d’Ishibutai n’est plus recouverte, on peut donc en observer les mégalithes, et même pénétrer dans la chambre.
Des temples bouddhistes parmi les plus anciens du Japon
Le bouddhisme s’est développé au Japon pendant la période d’Asuka. C’est pourquoi les plus anciens temples de l’archipel ont été érigés dans cette région. Contrairement aux palais, les lieux de culte n’ont pas perdu leur fonction avec le déménagement de la capitale, et certains ont traversé le temps. Cependant, les aléas de l’histoire et le fragilité de l’architecture traditionnelle en bois font que les bâtiments que l’on peut voir aujourd’hui ne datent pas de la période d’Asuka, mais souvent de l’époque d’Edo.
Certains artefacts ont cependant traversé les époques et résisté aux incendies. C’est notamment le cas du grand Bouddha sculpté en bronze par Kuratsukuri no Tori au tout début du 7e siècle. Considéré comme le plus ancien du Japon, il est conservé dans le premier temple établi au Japon : Asuka-dera. Le temple actuel, situé au milieu de rizières, est charmant. Mais les bâtiments de l’époque, disposés autour d’une pagode, occupaient un terrain plus vaste, sur lequel de nombreux trésors ont été excavés.
Les bâtiments actuels du temple Tachibana-dera datent de l’ère Edo et surplombent des rizières en terrace. La légende dit qu’il fut bâti au début du 7e siècle, à l’emplacement de la résidence où est né le prince Shotoku, suite à une apparition miraculeuse alors que le prince lisait des textes bouddhistes devant l’impératrice Suiko.
Ce temple renferme notamment une superbe statue de Kannon datant de l’ère Heian (794- 1185), la plus ancienne statue du prince Shotoku, ainsi que celle de son fidèle cheval.
Un autre attrait du temple est le plafond de l’Ojoin, sur lequel on peut admirer des peintures représentant 260 espèces de fleurs.
Le temple Kawahara-dera a été construit au milieu du 7e siècle par l’empereur Tenji. Si le temple actuel a des dimensions très raisonnables, on peut voir l’emplacement des anciens bâtiments (porte, pagode, etc.) sur le sol du vaste terrain qui l’entoure.
Le Kawahara-dera est considéré comme le lieu de naissance du shakyo (la copie de sutras) au Japon. C’est donc le lieu idéal pour tenter l’expérience. Le temple propose trois longueurs de texte à copier (pour 300, 500 ou 1000¥), s’agissant de ma première expérience, je n’ai pas voulu tenter le plus long. Mais le shakyo étant avant tout une pratique proche de la médiation, j’ai choisi le second, pour avoir le temps de m’immerger vraiment dans la copie. Les caractères sont visibles en transparence, il n’est donc pas nécessaire de maîtriser parfaitement l’écriture japonaise pour s’y essayer. J’ai vraiment apprécié ce moment : prendre le temps de préparer l’encre puis de tracer les caractères, cela demande beaucoup de concentration et m’a donné un vrai sentiment de calme intérieur.
Des outils interactifs pour comprendre l’histoire de la période d’Asuka
Il n’est pas évident de visualiser Asuka tel qu’il était au temps où il était la capitale du Japon simplement en visitant ses sites archéologiques et ses temples. Mais Virtual Asukakyo, une application pour iPad, permet de se déplacer sur les sites tout en en découvrant une reconstitution 3D, agrémentée d’explications (disponibles en anglais, chinois et coréen). Il est également possible de vivre l’expérience avec un casque de réalité virtuelle (renseignements auprès de l’Asuka Historical National Government Park).
Un stylo audioguide permet également d’écouter des informations sur les différents sites d’Asuka en les pointant sur une carte. Cette option est parfaite pour partir explorer les moindres recoins du village car des explications ne sont pas toujours disponibles sur site.
Des ateliers manuels pour découvrir la période d’Asuka en famille
Enfin, les abords du kofun de Kitora ont été aménagés récemment, et proposent de nombreuses activités pour ceux qui voyagent en famille ou qui ont su garder une âme d’enfant et un amour des activités manuelles.
Tous les week-ends et jours fériés, sans réservation, il est possible de fabriquer des billes de verre, des objets en métal ou des magatama. Ces ateliers sont très abordables (300¥ pour le magatama) et permettent de découvrir les techniques artisanales de la période d’Asuka et de celle des kofun.
Plus d’informations
Vous trouverez plus d’informations sur le site Exploring Asuka (en anglais) et sur Asuka Navi (pour une consultation sur téléphone, en anglais). Ainsi que sur la brochure « Asuka, lieu de naissance du Japon » disponible en pdf.
Vous pouvez également suivre @asukanavi sur Instagram.
Je vous conseille aussi la lecture de l’exemplaire de naranara consacré à Asuka, vous pourrez trouver la version papier à Asuka mais aussi consulter la version pdf (en anglais et japonais).
Accès et transports
Asuka est situé à moins de 50 minutes en train de Nara. Depuis la gare de Kintetsu-Nara, prenez le train limited express jusqu’à la gare d’Asuka. Comptez moins de 80 minutes depuis les gares de Kintetsu-Kyoto ou JR Osaka.
Sur place, le plus pratique est de se déplacer à vélo ou dans une mini voiture électrique baptisée michimo (location possible près de la gare). Il est également possible de se déplacer à pied ou d’utiliser le bus Asuka Aka Kame (horaires et informations ici — en japonais).
Article réalisé en partenariat avec le village d’Asuka Mura, Nara.