Les toilettes japonaises, avec leurs nombreux boutons et leurs fonctionnalités plus ou moins surprenantes, fascinent souvent les touristes en voyage au Japon. Ces « washlets » ultra technologiques, avec jets d’eau à la puissance et à la température variable, siège chauffant, sons pré-enregistrés, lunette automatiques, ont été inventées dans les années 1980 par la firme TOTO.
L’entreprise a ouvert il y a peu son musée à Fukuoka. Une visite dans ce « musée des toilettes » semble à première vue anecdotique, mais elle s’avère au final passionnante. Il s’agit bien d’un élément central de notre vie quotidienne et ce sujet recoupe des questions tant technologiques que culturelles, qui en disent beaucoup sur une société.
Le musée de l’entreprise TOTO
En 2017, à l’occasion du centenaire de l’entreprise, TOTO a ouvert son musée des toilettes/showroom près de la gare JR de Kokura, dans la préfecture de Fukuoka. Le bâtiment, blanc et bombé comme la céramique d’un siège de toilettes, a été construit dans une logique de développement durable, en phase avec les orientations actuelles de l’entreprise.
Sans surprise, l’accueil est très agréable et tout est fait pour le confort du visiteur. Une hôtesse est venue vers moi pour m’indiquer les consignes automatiques où laisser mon sac à dos et me proposer un guide en français. Les cartels donnent des explications en japonais et en anglais, et des informations audio complémentaires sont disponibles dans plusieurs langues (dont le français) via des QR codes.
À l’origine de TOTO : la céramique
On ne se lance pas dans la fabrication de toilettes par hasard, et les premières salles présentent l’activité d’origine de l’entreprise TOTO : la céramique. De la vaisselle a été produite jusque dans les années 1970, tant pour le marché national que pour l’export. Au-delà des pièces exposées, des maquettes et des photographies permettent de comprendre les processus de fabrication.
Des washiki aux washlets : l’histoire des toilettes japonaises
Une salle du musée des toilettes présente ensuite l’évolution des toilettes (et des équipements de plomberie en général) au Japon. On peut y voir les toilettes que l’on trouvait au Japon il n’y a pas si longtemps : les washiki. Elles rappellent les toilettes dites « à la turque », mais s’avèrent beaucoup plus hygiéniques et confortables à l’usage. On en trouve encore dans les lieux publics (où c’est souvent moitié-moitié avec les washlets), ou dans des restaurants ou auberges restés un peu traditionnel ou rétro.
Si l’on associe désormais le Japon et les toilettes bardées de technologie, il ne faut pas oublier que le siège de toilettes moderne est une conséquence de l’occidentalisation du pays. Ces dessins montrent des japonais déconcertés par ces nouveaux équipements lors de leur introduction au Japon au début du 20e siècle.
Cette occidentalisation des lieux d’aisance n’a d’ailleurs pas été du goût de tout le monde. Dans son Éloge de l’ombre, en 1933, Jun’ichiro Tanizaki se pose en ennemi de TOTO en écrivant de très belles pages sur le raffinement et la poésie des toilettes traditionnelles, confessant par là même tout le mal qu’il pense des toilettes « modernes ». Extrait :
« Voilà pourquoi l’on se résout, un beau jour, à faire poser du carrelage et installer une cuvette à chasse d’eau, équipement certes plus hygiénique et d’un entretien plus facile, mais qui n’a plus, en revanche, le moindre rapport avec le « raffinement » ou « le sens de la nature ». Placé dans une lumière crue, entre quatre murs tirant sur le blanc, l’on aura perdu toute envie de se complaire dans la fameuse « satisfaction d’ordre physiologique » du maître Sōseki. »
L’évolution des toilettes publiques japonaises
Une salle du musée des toilettes TOTO qui m’a particulièrement intéressée est celle consacrée à l’évolution des toilettes publiques (dans les gares, à l’école, en entreprise, etc.). On voit par exemple sur cette photo l’évolution des toilettes publiques pour femmes entre les années 1980 et 2010 : création d’un espace dédié au maquillage pour ne pas bloquer l’accès aux lavabos, tables à langer et sièges dans les cabines pour installer les bébés (parce qu’aller aux toilettes quand on est seul.e avec un bébé est sans ça un parcours du combattant).
Il est intéressant de voir comment des entreprises comme TOTO participent activement à la réputation de confort et de commodité des espaces publics japonais, et que cet aspect du Japon n’est pas si ancien que l’on pourrait croire.
Je dois avouer que ce que j’ai surtout adoré ici, ce sont les maquettes avec de petits personnages hyperréalistes très amusants à photographier, comme ce touriste occidental manifestement ravi de découvrir que les toilettes japonaises ne sont pas toujours conformes à l’idée qu’il s’en faisait.
Les innovations technologiques développées par TOTO
N’étant pas très connaisseuse en matière d’industrie, les salles plus techniques du musées ne sont pas celles qui ont le plus retenu mon attention. Mais si cela vous intéresse, vous serez également comblés !
Les technologies modernes et anciennes sont décrites en détail. Il est ainsi possible de suivre la fabrication d’une washlet de la conception à l’emballage. Comme il s’agit là d’informations industrielles, les photographies sont logiquement interdites.
Les innovations et recherches en cours au sein de l’entreprise sont également présentées. Elles touchent à divers domaines comme par exemple l’accessibilité pour les personnes handicapées. Beaucoup de recherches portent sur l’économie d’énergie et le développement durable, notamment à travers des chasses d’eau ou des pommeaux de douche permettant de réduire la consommation en eau.
La fameuse « TOTO-mobile » ou « cacamobile » que l’on a pu voir sur les réseaux sociaux avec le hashtag #WTFJapan est aussi exposée dans ce musée des toilettes. Si elle roule vraiment (au méthane bien sûr !), ce modèle n’est évidemment pas commercialisé mais permet à l’entreprise de communiquer sur ses efforts pour développer des produits écologiques.
Un autre axe présenté est celui de l’export, avec des produits adaptés aux pays-cibles. C’est intéressant et amusant de voir les différences entre les toilettes et douches développées pour les pays européens, américains et asiatiques.
Informations pratiques
Le musée des toilettes est ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h, l’entrée est gratuite. Il est fermé lors des vacances du nouvel an et d’été. Prévoir environ 2 heures pour le visiter tranquillement, 1 heure peut suffire si vous ne vous attardez pas dans toutes les salles.
Vous trouverez toutes les informations utiles du le site du TOTO Museum (en anglais).
Comment s’y rendre ?
Le TOTO Museum est situé à 15 minutes de bus de la station JR Kokura, elle-même à 15/20 minutes en Shinkansen depuis la gare d’Hakata. Prendre le bus n°21, 22 ou 43 depuis la plateforme 3 ou le bus n°25 depuis la plateforme n°4, descendre à l’arrêt Kifunemachi. Le bus s’arrête juste devant le musée.
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Bonjour Madame,
J’ai beaucoup aimé votre article, je trouve que il est vraiment très interessant!
Je suis en train de travailler sur un project de master qui analyse les toilets sous plusieurs points de vues environmental, culturel, artistique… Je parle aussi des toilets japonais, donc j’aimerais pouvoir écrire votre article dans les références de mon project.
Est-ce que si vous plait il serait possible d’avoir le nom de famille de Madame Clémentine qui a écrit l’article?
Je vous remercie d’avance, je vous souhaite une excellente journée.
Bien cordialement,
Olga Carlino
Bonjour Olga,
Et merci beaucoup pour votre commentaire, je n’aurais jamais pensé en l’écrivant que cet article pourrait se retrouver cité dans un travail universitaire !
Mon nom complet est Clémentine Cintré.
Je vous souhaite le meilleur pour ce travail, qui doit être passionnant, et pour la poursuite de vos études !