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Et si je vous disais qu’il existe un lieu méconnu où faire l’expérience ultime du bushido (la voie du guerrier) ? La préfecture de Kumamoto, ultime demeure du samouraï légendaire Musashi Miyamoto, est également l’une des régions du Japon où se perpétue l’héritage de sa pensée philosophique, et son enseignement d’arts martiaux. C’est là que se trouve Meihodo, dans un écrin de nature au pied du mont Aso, une destination hors des sentiers battus et si isolée que même mon chauffeur de taxi ne savait ni ce dont il s’agissait, ni où cela sa trouvait lorsque je lui ai demandé de m’y conduire. Je me retrouvais donc à aider mon chauffeur, à l’aide de la carte de mon téléphone, espérant en secret ne pas être en train de lui donner de mauvaises directions. Heureusement, nous avons fini par arriver.

Et dire que ce petit effort en valait la peine pourrait être l’euphémisme du siècle.

L'entrée du meihodo, une école de samouraïs au Japon
La voie du bushido vous attend derrière cette porte.

Qu’est-ce que Meihodo ?

Meihodo (鳴鳳堂) est un vaste complexe de 56 000 m² et d’une vingtaine de bâtiments construits de manière à ressembler à une résidence de samouraï traditionnelle de l’époque Edo. Il s’en dégage un certain parfum d’authenticité que l’on ne retrouve pas dans les résidences historiques de samouraïs encore debout de nos jours, transformées en des sortes de musées aux beaux pavillons entretenus mais figés, avec lesquels on ne peut pas interagir. Car Meihodo est fait pour être habité. Durant mes deux jours sur place, j’ai participé aux différentes activités proposées à Meihodo. Ici, le bushido n’est pas un vestige du passé, mais un mode de vie pratiqué au quotidien.

Peu de temps après mon arrivée, et une fois les présentations faites, on m’a emmenée au dojo pour m’y donner les premières explications. Mais ce que je pensais d’abord n’être qu’une série de démonstrations s’est rapidement transformé en réelle immersion. On m’a demandé de me revêtir un hakama (袴) blanc. En changeant de vêtements, je n’étais dès lors plus une simple touriste. À partir de ce moment, je m’étais transformée en apprentie samouraï le temps d’une journée.

Chausser les geta d’un adepte des arts martiaux

Après l’introduction, mes hôtes Tanaka-san et Masumoto-san m’ont fait une démonstration de leur savoir-faire. Assise devant eux, j’étais en admiration devant la précision de leurs mouvements, fruit d’une vie consacrée à la pratique des arts martiaux. Entourés de véritables et imposantes armures de samouraïs de la période Edo, le cadre n’aurait pu être plus adapté. Et pourtant, le bois des murs et la blancheur du sol créaient en quelque sorte une atmosphère calme et paisible.

La fin de la démonstration signifia qu’il était temps pour moi de me mettre au travail. Tanaka-san m’enseigna l’étiquette qu’il convenait de respecter, puis me fit faire des exercices d’échauffement, avant de m’apprendre la posture à prendre et des techniques de respiration. J’ai fait de mon mieux pour suivre ses instructions, et je fus fière de l’entendre complimenter ma posture. Lorsque je fus prête, il dégaina une paire de bokken (木剣, katanas en bois) pour l’entraînement, et il fut temps d’apprendre à tenir et à brandir fermement mon sabre de bois. Encore et encore. On me dit de visualiser intérieurement une ligne droite tout en concentrant ma force au centre de mon corps et en gardant la bonne posture. Il s’agit de parvenir à effectuer un mouvement rapide tout en brandissant l’épée vers l’avant. Encore et encore. Jusqu’à ce que mon sabre produise finalement un « swoosh » des plus satisfaisants.

Il était donc temps de monter d’un cran.

Démonstration d'une lame katana utilisée par les samouraïs au Meihodo, au Japon
Le moment précis où Matsumoto-san coupe en deux le rouleau de paille. Le tameshigiri (試し切り) est une pratique consistant à tester à la fois les qualités d’une lame et le talent de celui qui la tient. On utilise pour cela un goza (petit tapis fait des mêmes matériaux que les tatamis) roulé et trempé dans l’eau.

Nous avons marché jusqu’à un champ à l’extérieur du dojo, où un tapis de paille enroulé avait été place sur un poteau de bois pour l’entraînement au sabre. J’ai d’abord pu assister à la maîtrise de mes hôtes. Obtenir une bonne photo fut presque impossible, car la vitesse de mon appareil photo pouvait à peine suivre leurs gestes graciles mais si rapides. « Et maintenant, c’est à votre tour d’essayer », ai-je ensuite entendu. Montée soudaine d’adrénaline…

Jusque là, je n’avais que maladroitement tenu quelques katana d’ornement. Jamais je n’aurais pensé avoir l’opportunité de tenir une véritable sabre et d’apprendre à m’en servir ! Je me préparai en tenant le katana dans mes mains, tout en sachant qu’un entraînement aussi court ne serait jamais suffisant pour approcher de la dextérité dont venaient de faire preuve mes hôtes devant moi. Alors je restais là, répétant les mouvements que je venais d’apprendre, et en faisant de mon mieux pour évaluer la distance, en priant secrètement pour que je ne glisse pas ou que la lame ne reste pas coincée. Respire, me dis-je. Mets toi en position. Un… Tenir mes bras en l’air comme on me l’a dit. Brandir la lame avec rapidité et fermeté comme quand je m’entraînais… eeet deux !

Une fraction de seconde plus tard, un bout de natte de paille tranchée net frappe le sol.

JE L’AVAIS FAIT ! (Et si j’y suis arrivée, vous le pouvez aussi, cher lecteur).

Une immersion culturelle au-delà des arts martiaux

L’impressionnant complexe du Meihodo a été construit en 1997, conçu initialement comme un centre d’entraînement privé aux arts martiaux. Mais les activités qui y sont proposées ont fini par s’élargir pour inclure les traditions culturelles et artistiques du Japon de manière plus large. Bien que les activités touristiques du Meihodo restent principalement liées à la culture samouraï et aux arts martiaux comme le judo, le karaté, ou le kendo, d’autres pans de la culture japonaise comme l’ikebana (arrangement floral), la cérémonie du thé, la calligraphie, ou les instruments de musiques traditionnels, y sont enseignés auprès d’étudiants sérieux, comme de visiteurs réguliers.

Le plus grand tambour taiko du Japon : petit trésor d’une tradition séculaire

En ce qui concerne les instruments traditionnels, Meihodo dispose d’un tambour taiko unique en son genre. Il s’agit plus exactement du plus grand du monde. Ce chef-d’œuvre d’artisanat fut construit en 1998 pour célébrer les 400 ans de savoir-faire d’Asano Taiko, une entreprise fabriquant des tambours dans la préfecture d’Ishikawa. Cette pièce remarquable a nécessité le tronc d’un grand arbre bubinga, car les tambours taiko sont fabriqués en creusant l’intérieur d’un tronc. Pour les tailles standards, les artisans utilisent généralement du bois de zelkova du Japon. Âmes sensibles, prenez garde si vous voulez entendre le son de ce tambour de près, car j’ai été réellement surprise par l’effet de réverbération de l’onde sonore sur ma tête.

Le plus grand tambour taiko du monde dans la préfecture de Kumamoto, au Japon
Un hall a été spécialement construit pour abriter le plus grand tambour taiko du Japon.

Le tambour et l’ensemble du complexe ont servi de décors au tournage de clips musicaux et de diverses vidéos culturelles. Rien de surprenant. On m’a également dit que des groupes d’étudiants en arts martiaux viennent parfois vivre ici pour de courtes périodes d’entraînement. Combattant une tentation soudaine de changer de carrière, je me suis promenée autour des bâtiments, en imaginant à quoi pouvait ressembler la vie dans une villa de samouraï.

S’initier aux principes du zen et à la méditation

La dernière partie de mon entraînement eut lieu peu après le lever du soleil. Les agréables odeurs d’un matin d’automne emplissaient l’air alors que nous nous dirigions vers l’un des pavillons, où j’allais être initiée à la méditation zen. Après une brève introduction, j’ai été invitée à m’asseoir où je le désirais. J’ai donc choisi de me mettre sur un des côtés du pavillon faisant face à des arbres dont j’aimais observer les feuillages luxuriants. L’exercice s’est avéré bien plus difficile que je ne l’avais prévu. Rester en position du lotus, jambes croisées, tout en faisant de longues respirations abdominales fut la partie la plus facile. Maintenir mes yeux à moitié fermés, en évitant de les fermer ou de les plisser durant de longues périodes, tout en essayant (vainement) de tenir à distance toute pensée, s’est avéré pratiquement impossible. Pourtant, consacrer la première heure de ma journée à faire des exercices de relaxation et de respiration fut très agréable. Peut-être devrais-je persévérer dans cette pratique après cette initiation.

Comment se rendre à Meihodo

Il faut compter environ 2h depuis la gare de Kumamoto. La gare la plus proche de Meihodo est la gare d’Ichinokawa desservie par la ligne JR Kyushu Hohi. Il faudra ensuite 30 à 40 minutes de marche, ou 10 minutes de voiture (en véhicule privé ou en taxi) pour atteindre Meihodo, puisque les transports en commun ne vous amèneront pas plus près.

Meihodo offre une expérience immersive unique en son genre. Non seulement parce qu’elle prend place dans une résidence de samouraï de l’ère Edo située dans des contrées éloignées, mais aussi parce que les visiteurs sont invités à entrer dans la culture japonaise en participent activement à l’apprentissage de ses traditions. Et ce faisant, contribuent à maintenir ces traditions en vie.

Article écrit en partenariat avec la Kumamoto Prefectural Tourism Federation
Traduit de l’anglais par Joachim Ducos

Toshiko Sakurai

Toshiko Sakurai

Je divague dans les rues japonaises (accompagnée de mon appareil photo !), puis je capture chaque moment. Je joue avec la lumière afin de prendre les meilleurs photos et j'assemble des lettres du mieux que je le peux pour vous écrire mes articles. Je suis arrivé à Tokyo en provenance de Barcelone à l'automne 2017 et depuis, j'essaye de partager les meilleurs coins de la ville grâce à mes balades en vélo. Lorsque je n'ai pas mon appareil photo avec moi, j'ai l'habitude de défier l'orthodoxie culinaire en mélangeant les styles de nourriture de tous les endroits où j'ai vécu.

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