Après quatre ans de vie au Japon dont deux à Tokyo, je commence à bien connaître les quartiers incontournables de la ville. Même s’il faut probablement toute une vie pour connaître tous les recoins de cette gigantesque métropole, il m’arrive parfois de ne pas savoir où me rendre durant le week-end. C’est en cherchant les trésors cachés de Tokyo que j’ai découvert ce qui devint par la suite l’un de mes quartiers préférés : Sugamo (巣鴨) et la rue Jizodori (地蔵通り).
Rue située à quelques stations d’Ikebukuro, son nom est la contraction de jizo (地蔵 – les protecteurs des voyageurs et des enfants), et de dori (通り – la rue), ce qui explique pourquoi de nombreuses statues de jizo y ont élu domicile.
Cette rue commerçante à la fois vivante et animée rencontre un véritable succès qui ne date pas d’hier : elle fait partie de l’ancienne route de la Nakasendo (中山道), utilisée pendant la période Edo (1603-1868), reliant Kyoto à Tokyo (alors appelée Edo). Empruntée à la fois par les seigneurs, les pèlerins et les marchands, elle n’a pas tardé à attirer de nombreuses boutiques et restaurants afin de répondre à la demande croissante des visiteurs.
Avec le temps, le quartier a bien évolué tout en conservant une atmosphère un peu vintage. Sa clientèle est restée fidèle et, au rythme des années, les commerçants ont dû s’adapter à la population vieillissante en proposant des produits plus appropriés à la demande. On y trouve de tout : des vêtements rétro, des confiseries traditionnelles, des marchés aux puces, et des boutiques datant parfois d’avant-guerre. Ce qui lui vaut aujourd’hui le surnom de « Harajuku / Omotesando des grands-mères ». Suivez-moi pour une visite nostalgique dans ce quartier méconnu de Tokyo !
Sugamo et ses incontournables
La rue Jizodori est un lieu magique qui renferme de nombreux trésors à découvrir. Voici trois incontournables à ne pas manquer lors de votre visite à Sugamo.
Sugamon, le canard star de Sugamo
Impossible de le rater, ce petit canard blanc est une vraie légende dans le quartier ! Son nom, Sugamon (すがもん) est en fait la contraction de « Sugamo » (巣鴨 – le nom du quartier), « kamo » (signifiant « canard » en japonais) et « mon » (un suffixe souvent utilisé pour nommer les mascottes au Japon, comme Doraemon, Kumamon, et bien d’autres).
Vêtu de sa petite veste happi (法被) rouge traditionnellement portée durant les festivals, il incarne un personnage à la fois coloré, festif et mignon, si bien qu’on le voit partout lorsqu’on se rend à Sugamo… absolument partout : sur les enseignes, dans les vitrines, sur les boîtes aux lettres, sous forme de peluche, de street-food… En bref, pas besoin de carte pour vous rendre dans la rue Jizodori. Si vous apercevez Sugamon, c’est que vous êtes arrivé !
L’une de ses particularités est qu’il est réputé pour avoir… des fesses porte-bonheur ! Il se murmure que si vous touchez son arrière-train tout en formulant votre vœu, celui-ci aura de grandes chances de se réaliser. Si bien qu’un monument a même été érigé avec ses fesses grandeur nature (Sugamon faisant la taille d’une mascotte, c’est donc un postérieur assez conséquent !). Situé dans la rue Jizodori, vous pourrez trouver cet immanquable sur Google Maps en écrivant… « Le Derrière De Sugamon » ! De quoi faire des photos souvenirs pour le moins amusantes.
Le quartier des culottes rouges pour seniors
Si Sugamo est souvent surnommé « l’Omotesando des grands-mères », c’est parce qu’on y trouve toutes sortes de vêtements rétro au goût des seniors : pantalons, chaussures… et même sous-vêtements !
L’une des particularités de Sugamo est qu’on peut y trouver de nombreuses boutiques de culottes rouges. La raison ? La couleur rouge serait un symbole de longévité au Japon. Elles sont très populaires auprès des personnes âgées et en porter serait considéré comme une sorte de porte-bonheur pour les aînés.
Le choix étant très varié, on en trouve de différentes tailles, modèles, matières, motifs…, mais toujours de la même couleur rouge vif. J’ai été surprise de constater que même s’il s’agit de lingerie pour seniors, on peut quand même en trouver avec des personnages mignons tels que Snoopy, Mickey et bien d’autres. De quoi conserver son âme d’enfant à n’importe quel âge !
Le marché trimensuel de Sugamo
Si vous êtes à Tokyo un jour qui se termine par un 4 (les 4, 14 et 24 du mois), ne passez pas à côté du marché de Sugamo ! A mi-chemin entre la braderie et le matsuri (festival japonais), on y trouve de nombreuses échoppes et stands de nourriture le long de la rue Jizodori. De quoi faire de bonnes affaires tout en dégustant des spécialités locales.
Gardez toutefois à l’esprit que nous sommes toujours à Sugamo, le quartier des seniors ! Tout comme moi, vous serez alors peut-être étonné en voyant les produits proposés à la vente. On y trouve parfois des choses surprenantes : antiquités, vaisselle, fruits et légumes, mais aussi radiocassettes vintage, vinyles rétro, déambulateurs, cannes, et même de magnifiques kimonos à prix bradés. Vous trouverez de tout à Sugamo, y compris ce que vous ne cherchiez pas !
Sugamo et sa street-food locale
Passons maintenant à ma partie préférée : la cuisine locale. Sugamo regorge de délicieux mets qui ont aidé à forger sa réputation, mais qui demeurent à ce jour inconnus du public occidental. Voici donc une sélection de trois boutiques incontournables à Sugamo.
Confiserie Kintaro-ame, au paradis sucré
Lors de ma première visite à Sugamo, mon regard a été attiré par cette jolie boutique colorée, appelée Kintaro-ame (金太郎飴). En service depuis les années 1960, cette confiserie propose une large gamme de sucreries avec plus de 50 variétés de bonbons.
Un peu différente de nos magasins de bonbons occidentaux, cette boutique propose des confiseries traditionnelles japonaises. On y trouve ainsi des saveurs à première vue singulières, telles que des bonbons au matcha, au kinako (poudre de soja torréfié), au anko (pâte de haricots rouges), et même des senbei (crackers japonais, considérés comme des confiseries au Japon).
Mais sa spécialité, ce sont avant tout les bonbons kintaro-ame (d’où le nom de la boutique). Ces délicates confiseries sont créées selon les règles de l’amezaiku (飴細工 – « l’art artisanal des bonbons au Japon » ) et sont faites à partir de superpositions de pâtes sucrées colorées et enroulées, le tout à la main ! Afin d’attirer les enfants, on en trouve sous différentes formes amusantes. Mais l’origine des kintaro-ame proviendrait du folklore japonais avec le héros Kintaro : un enfant à la force surhumaine symbole de courage au Japon.
En plus d’être bons, ils sont aussi bon marché, et pourraient être un bon souvenir à caser dans votre valise pour vos proches à votre retour du Japon. Si vous avez la dent sucrée, c’est un incontournable à ne pas manquer à Sugamo !
Oshiage senbei, dans l’antre des crackers japonais
En continuant ma promenade à Sugamo, j’ai été attirée par cette boutique intrigante. Appelée Oshiage senbei, elle est spécialisée dans la vente d’un classique japonais : les senbei (煎餅).
Ces crackers de riz, faits à partir de pâte à mochi, sont ensuite cuits au four, grillés ou frits. Souvent assaisonnés à la sauce soja (parfum le plus classique), on trouve cependant de nombreuses variantes : au sésame, à la crevette, au sel, à l’algue nori, ou encore au matcha, sucrés ou salés.
Pour bon nombre de Japonais, les senbei sont considérés comme des friandises, et les enfants en raffolent ! Dégustés comme collation ou apéritif, il n’est pas rare d’en apporter lors de pique-niques ou de goûters pour les plus jeunes. Très facilement transportables, ils ont l’avantage de se conserver longtemps, et peuvent donc facilement se caser dans une valise.
J’ai moi-même craqué pour ce délicieux shoyu senbei (醤油煎餅 « crackers de riz à la sauce soja »). Un délice légèrement salé et croustillant sous la dent. Le tout pour seulement 60 yens (soit environ 35 centimes d’euros). A tester sans hésiter !
Mizuno, boutique de wagashi aux délicieux Shio-daifuki
Parlons maintenant sucré-salé avec une autre boutique qui fait la réputation de Sugamo : Mizuno, spécialisée dans la vente de wagashi. Son succès ne date pas d’hier, car son ouverture remonterait avant la Seconde Guerre mondiale.
Les wagashi (和菓子) sont des pâtisseries traditionnelles japonaises. Composées de farine de riz et souvent garnies de pâte de haricots rouges azuki, elles peuvent être dégustées accompagnées de thé vert. On en consomme notamment durant la cérémonie du thé. Très populaires auprès des personnes âgées, les wagashi sont un peu considérées comme des confiseries vintage, et la boutique Mizuno en propose une large gamme.
D’abord un peu perdue devant tant de choix, j’ai finalement opté pour un délicieux mitarashi dango (みたらし団子 – brochette de boules de riz à la sauce soja sucrée). Puis, sur recommandation du vendeur, je me suis également laissé tenter par la spécialité de la maison : le shio daifuku (塩大福).
Ce mochi salé fourré à la pâte de haricots rouges sucrée offre un parfait équilibre sucré-salé qui vient chatouiller les papilles. N’étant d’ordinaire pas une fan de sucré-salé, j’étais au départ très réticente, mais l’arrière-goût de sel étant très léger, celui-ci vient juste sublimer la pâte de anko sucrée à l’intérieur. Tout simplement délicieux, on comprend alors pourquoi il fait la renommée de la boutique depuis tant d’années. De quoi ravir les amateurs de sucré-salé !
Le temple Koganji à Sugamo, là où retrouver la santé
En continuant ma route, je me suis très vite retrouvée devant le fameux Togenuki Jizouson Koganji (とげぬき地蔵尊高岩寺) en plein milieu de la rue Jizodori. Ce temple bouddhiste appartient à la secte Soto Zen et daterait du 19e siècle. On y trouve quelques jizo protecteurs vêtus de rouge ainsi que bon nombre d’obaachan et d’ojiichan venus prier, papoter ou simplement se reposer sur les quelques bancs disponibles.
Après avoir pris quelques photos, mon regard s’est arrêté sur un spectacle tout à fait unique : des Japonais étaient en train de faire la queue pour nettoyer à tour de rôle une statue de Kannon, la grande déesse de la compassion. En faisant quelques recherches, j’ai découvert qu’il s’agissait en fait d’un rituel purificateur : en versant de l’eau sur le corps de la statue et en lui frottant les parties du corps malades ou douloureuses équivalentes, la douleur et la maladie cesseront alors. Et si l’on est déjà en bonne santé, on frotte la statue dans son intégralité pour rester en forme.
Bien que ce temple soit principalement visité par les personnes âgées, on y trouve également des jeunes venus prier pour leur santé ou simplement profiter du calme et de la beauté des lieux. J’ai été profondément apaisée par l’atmosphère sereine du temple Koganji et je n’hésiterai pas à y retourner si l’occasion se présente.
Se rendre à Sugamo
Voici les deux options les plus accessibles avec les transports en commun pour vous rendre jusqu’à la rue Jizodori à Sugamo :
- Via la gare de Sugamo (巣鴨駅) sur la ligne Yamanote
- Via la gare de Shin-koshinzuka (新庚申塚停留場) sur la ligne de tramway Toden Arakawa
Bien que la rue Jizodori soit tournée vers une clientèle plutôt âgée, les plus jeunes pourront également y trouver leur compte. Si vous avez déjà visité Tokyo plusieurs fois et que vous êtes à la recherche de lieux méconnus des touristes où faire du shopping, vous délecter de spécialités locales, ou simplement vous détendre au contact des Japonais, c’est l’endroit parfait où consacrer une matinée ou une après-midi de visite. Un trésor caché à découvrir sans plus attendre !