Lorsque je suis parti pour Takamori, dans la préfecture de Kumamoto, un typhon était en approche. La brume de nuages gris menaçants qui recouvrait le ciel deviendrait à mon issue la toile de fond romantique de mon voyage, pendant que mon regard se perdrait dans les paysages luxuriants de Takamori que j’admirerai depuis les fenêtres du train ou que je goûterai à la spécialité locale, le Dengaku miso.
Alors que je conduisais au milieu de plaines dégagées recouvertes d’herbe, je découvrais l’imposante silhouette du Mont Aso, un volcan toujours actif. Ces paysages formés il y a plus de 90 000 ans lors d’une éruption gardent en eux les stigmates de ce violent passé géologique, qui s’est infiltré dans le moindre recoin de l’histoire, de la gastronomie et de la vie quotidienne de Takamori.
Le « Torokko », un Train Touristique au Sud d’Aso
Le « Torokko » roule sur la ligne ferroviaire Minamiaso (Sud Aso), un train touristique prisé aussi bien par les enfants que par les adultes. Pour l’instant, le train voyage entre la gare de Takamori et la gare de Nakamatsu sur une distance de 7,1 km. Il est prévu que le train parcoure l’ensemble de la ligne d’ici 2022.
Je suis arrivée à 10 heures pile, prenant le temps de profiter des somptueux paysages de Takamori, où verdure et montagnes brumeuses semblent sortir d’une peinture à l’aquarelle. Pendant que j’attendais sur le quai, les guides, vêtus d’uniformes de conducteurs de trains, ont fait essayer leurs casquettes aux passagers les plus jeunes, dévoilant alors un faux crane chauve dissimulé sous leur coiffe (pour le plus grand amusement des petits comme des grands).
A 10h30 notre train est arrivé en gare.
Entre le Mont Aso au nord, et une ravissante montagne aux teintes bleutés au sud, les paysages sont de véritables trésors parsemés de fermes traditionnelles, de minshuku et de rizières. De ma vie je n’avais jamais vu un sol aussi noir et riche en minéraux que celui qu’on trouve dans la région. Tout en parcourant ces paysages merveilleux, nos guides touristiques nous indiquent les lieux les plus importants et leur histoire. Ils ne parlent qu’en japonais, mais pour ceux qui ne comprennent pas la langue il suffit de se laisser porter par la beauté des paysages, qui parlent d’eux-mêmes.
En arrivant à la gare de Nakamatsu, nous faisons une pause de 5 minutes, l’occasion d’aller aux toilettes et de prendre des photos. On peut faire la queue pour avoir le droit de revêtir la coiffe de conducteur de train le temps d’une photo (et apercevoir à nouveau ce faux crane chauve), puis il est temps de repartir en direction de la gare de Takamori.
Il faut une dizaine de minutes pour arriver à Takamori Dengaku Hozonkai, où un hôpital vieux de 160 ans, transformé en restaurant, sert le fameux Dengaku miso de Takamori.
Le Dengaku Miso de Takamori
La recette du Dengaku miso (田楽味噌) varie d’une région à l’autre, avec différentes proportions de miso, de sucre, de mirin et de saké. J’avais découvert le Dengaku miso trois ans auparavant, dans un petit restaurant confortable et tamisé aux poutres apparentes dans les alpes japonaises. Je garde un souvenir marquant de ces champignons marinés au miso grillant lentement à la faible lueur de flammes apparentes. Un de ces moments privilégiés qui avaient fait naitre en moi cet amour pour le Japon. En me dirigeant vers le Takamori Dengaku Hozonkai, où j’allais goûter à nouveau au Dengaku, mes attentes étaient élevées.
À mon arrivée, je suis accueillie par la propriétaire, Mme Honda, qui attendait ma venue depuis la fenêtre de la cuisine. Après s’être rapidement présentée et m’avoir gratifiée d’un beau sourire, elle me guide jusqu’aux portes coulissantes où je retire mes chaussures avant d’entrer dans le restaurant.
Lorsqu’il fait beau, on peut apercevoir le mont Aso et la montagne du Nekodake (la montagne du chat accroupi) depuis le restaurant. Ce jour-là, le paysage est composé de silhouettes vaporeuses et fantomatiques que l’on discerne tout juste au loin. Pourtant, je m’étais à peine rendu compte de la fraicheur des températures à l’extérieur. Lorsque je m’installe à ma table, on amène une pleine pelle de charbon dans le foyer qui se trouve en face de moi. Immédiatement, la chaleur des braises vient réchauffer mon visage malgré la brise qui entre par la fenêtre ouverte. Les doux murmures des clients en arrière-plan, la lueur chaude du foyer… Ce restaurant se transforme soudain en refuge contre le temps gris et humide de l’extérieur.
Je ne recommande pas de venir dans ce restaurant uniquement par temps de pluie. Entouré par un jardin d’érables, ces paysages changeant d’apparence au gré des saisons font de ce restaurant un lieu magnifique à visiter, quelle que soit la saison.
Le menu Takamori Dengaku propose les principales spécialités du restaurant, dont : konjac, tofu, tsurunokoimo taro, truite de Yamame, tofu frit nama-age, riz au maïs séché, pickles, et soupe aux raviolis japonais.
Le dengaku de Takamori est plus sucré que celui des autres régions. Mme Honda m’expliqua que tous les ingrédients viennent de la région et que tous les plats sont fait-maison. Du taro tsurunokoimo cultivé dans la terre riche en minéreaux d’Aso, aux truites pêchées dans les environs, les plats proposés dans le restaurant sont le fruit d’une collaboration avec les producteurs locaux, qui dure depuis plus de 60 ans.
Il est possible d’ajouter des plats supplémentaires au menu, et le restaurant propose une carte en anglais.
Les brochettes de konjac, de tofu, de taro et de truite sont les premières à être servies. Les produits sont si frais qu’il se peut que la truite bouge encore un peu sur la brochette. Si vous êtes sensible vous aurez peut-être besoin de détourner le regard un instant. On place les brochettes au dessus des braises, en formant une sorte de tipi, et les serveurs se chargent de faire tourner régulièrement les brochettes pour que la cuisson soit uniforme. Les serveurs y vont à main nue mais je vous recommande vivement d’utiliser les gants fournis (à moins que vous ne vouliez perdre vos doigts !)
Un conseil pour manger la truite : mangez-la comme un épis de maïs en tenant la brochette par les deux bouts. Vous passerez pour un habitué, contrairement à moi qui, ignorant comment manger cette truite, tentais de manger le poisson avec mes baguettes, sans la moindre classe. Puissiez-vous apprendre de mes erreurs.
Pendant que les brochettes cuisent, le reste du repas arrive.
De gauche à droite : riz au maïs séché, pickles japonais,
soupe aux raviolis, tofu frit nama-age et dengaku tofu
Tout en savourant ce merveilleux repas, je pouvais sentir mon corps se réchauffer en profondeur, et je me mis à être nostalgique de ma première dégustation de dengaku trois ans plus tôt. Entre la fraicheur des aliments, l’atmosphère chaleureuse du restaurant, et ces paysages magnifiques, je me mis à aimer le Japon encore un peu plus fort.
Avant de partir, je vous conseille d’acheter une boîte (ou deux) du Dengaku miso vendu par le restaurant. C’est une sauce qu’il est très facile d’utiliser pour cuisiner vos légumes à la maison, mais aussi un excellent souvenir à offrir à sa famille ou à ses amis. En parlant de souvenirs, je n’ai pas pu résister aux petites balles colorées higotemari de Kumamoto.
Les Paysages Foisonnants du Village de Nishihara et du Mont Aso
Si vous êtes en voiture, vous pourrez voir de belles chose dans le village de Nishihara qui se trouve à proximité. Il vous faudra conduire environs 30 minutes pour arriver à la boutique de Moe No Sato, où l’on peut acheter des produits issus de l’agriculture locale. Sur place, vous pourrez admirer une myriade de fleurs de cosmos qui ne fleurissent qu’en automne et qui s’étendent à perte de vue sur une colline vallonnée.
Photographie fournie par le village de Nishihara
20 minutes de route de plus et vous arriverez aux chutes de Shiraito, où les roches volcaniques dessinent des figures géométriques sous la cascade. Pour vous dégourdir les jambes, vous pourrez emprunter le sentier qui monte vers les rizières en terrasse, d’où vous aurez une vue imprenable sur le paysage d’Aso. Si vous passez par là au printemps, vous aurez la chance d’admirer les reflets scintillants du ciel dans les eaux qui recouvrent les rizières inondées.
Les chutes de Shiraito
Les rizières en terrasse à proximité des chutes de Shiraito
Se Rendre à Takamori
Je vous recommande de vous rendre à Takamori en voiture pour être libre d’explorer la région. Si vous n’avez pas de voiture, vous pourrez prendre un taxi à la gare de Takamori pour vous rendre au Takamori Miso Dengaku.
Ligne ferroviaire Minami Aso
Prix :
– Aller simple : 800 yen pour un adulte, 460 yen pour un enfant
– Aller-retour : 1 400 yen pour un adulte, 810 yen pour un enfant
Jours d’ouverture : En 2019 le train fonctionne entre le 10 mars et le 1er décembre le samedi et le dimanche, et durant les vacances
Téléphone : 0967-62-0058
Site internet : http://www.mt-torokko.com/trolley-train_en/
Takamori Dengaku Hozonkai
Prix : 2 100 yen pour le menu
Heures d’ouverture : ouvert de 10h à 18h (sauf entre juin et juillet et entre décembre et mars où le restaurant ouvre à 11h)
Téléphone : 0967-62-0234
Site internet : https://dengaku-hozonkai.com
Le village de Nishihara
Le centre d’échange culturel « Moneosato » (on y trouve un champ de cosmos)
Prix : Gratuit
Heures d’ouverture : 9h30 – 17h00
Site internet : http://nishiharakanko.com/2017/05/22/moenosato/
Venir à Takamori en voiture
Depuis l’aéroport de Fukuoka : environ deux heures de voiture
Depuis l’aéroport d’Oita : environ deux heures et demie de voiture
Depuis l’aéroport de Kumamoto : environ 40 minutes de voiture
Article original écrit par Mika Senda
Traduction par Joachim Ducos
Article réalisé en partenariat avec le siège administratif de la région Nord de Kumamoto.