Dans l’imaginaire commun, l’ancienne capitale impériale véhicule toujours l’image d’une ville traditionnelle aux multiples temples et sanctuaires. Ses machiya préservées et ses anciens édifices en bois attirent chaque année de nombreux touristes. Pourtant, le patrimoine architectural de la ville recèle d’une panoplie de monuments représentatifs de toutes les époques : un vrai musée à ciel ouvert. Découvrez l’architecture moderne à Kyoto à travers quatre bâtiments emblématiques !
La gare de Kyoto : mégastructure futuriste devenue le symbole de l’ancienne capitale impériale
Porte d’entrée de l’ancienne cité impériale nippone, la gare de Kyoto surprend plus d’un voyageur par son gigantisme. S’éloignant de l’image de la ville traditionnelle aux machiyas en bois, l’édifice affirme son modernisme.
Une architecture moderne dans la ville des arts traditionnels
Le bâtiment était à l’origine de style Renaissance plus classique, mais un incendie l’a détruit en 1950. C’est à l’imagination de l’architecte Hiroshi Hara (原 広司) que l’on doit sa forme actuelle. La construction de la nouvelle gare a démarré au milieu des années 1990, en pleine période de boom économique.
Le projet devait célébrer le 1200e anniversaire de la fondation de la capitale Heian-kyô (平安京). À ses débuts, la structure d’acier et de verre n’a pas vraiment fait l’unanimité. De nombreux habitants refusaient ce projet d’architecture moderne, trop en contraste avec le Kyoto des vieux temples et ruelles historiques.
L’inauguration de la nouvelle gare a finalement lieu en 1997. D’une hauteur de plus de 70 mètres, l’édifice regroupe sur 15 étages de multiples fonctions. En plus des installations ferroviaires, magasins, restaurants, hôtels, musée, jardin s’étendent sur plus de 238 000 m2.
Une mégastructure de verre et d’acier tout en fluidité
La pièce maîtresse de cette architecture futuriste : l’atrium vitré de 60 mètres de haut et ses poutres en acier apparentes, surnommé « la Matrice ». L’architecte Hiroshi Hara a voulu y retransmettre la structure de la station et le plan en grille traditionnel de Kyoto.
Un système d’escalators mène du hall jusqu’à la terrasse d’observation, renforçant l’impression d’immensité. À partir du 4e étage, un escalier monumental de 171 marches est parfois utilisé comme scène pour des événements ou des concerts.
Le bâtiment recèle de nombreux coins méconnus, comme le « skyway tunnel ». Situé au 10e étage, ce tube de verre et d’acier traverse la structure d’est en ouest. Il offre une vue imprenable sur la ville, la Kyoto Tower et les montagnes lointaines.
La fluidité de circulation est le maître mot de cette réalisation gigantesque, la deuxième plus grande gare du pays. Rejetée lors de la construction, elle est finalement devenue avec le temps le symbole de modernisation de l’ancienne capitale.
Le Centre de conférence international de Kyoto : égérie du métabolisme nippon
Mégastructure en béton armé, le Centre de conférence international de Kyoto est un chef-d’œuvre d’architecture métaboliste. Moins connue que d’autres immeubles tokyoïte tels la Nakagin Capsule ou le Yoyogi National Gymnasium, cette construction est toute aussi impressionnante.
Le mouvement métaboliste et ses structures organiques
Le mouvement métaboliste (新陳代謝, shinchintaisha) est officiellement né en 1960, lors de la Conférence mondiale du design organisée à Tokyo. Il regroupe de jeunes architectes et designers qui prônent un concept de croissance organique des villes et des bâtiments. Leurs créations réinterprètent les principes cellulaires d’un organisme vivant dans des structures innovantes.
En 1963, la ville de Kyoto décide de lancer un concours national d’architecture pour créer un centre de conférence international. Ce projet ambitieux doit devenir un nouveau symbole pour la ville. Parmi 195 propositions, le jury choisit le design de Sachio Ôtani (大谷 幸夫), un disciple de Kenzo Tange.
La fusion de formes traditionnelles et de techniques modernes
Ôtani voulait que l’architecture reflète à la fois la subtilité des formes traditionnelles japonaises et l’essence de la pensée moderne. Il opte pour une structure hexagonale inhabituelle qui se repose sur des piliers inclinés à 68 degrés.
L’architecte explique avoir réutilisé des formes traditionnelles dans sa conception :
- La base triangulaire s’inspire des montagnes environnantes.
- Le triangle inversé de la partie supérieure fait écho à l’architecture des pagodes.
- La toiture intègre des éléments de style gasshô, similaires aux minka (民家) du village de Shirakawa-go.
Le site étant aux abords du lac Takaragaike, Ôtani a voulu que l’aspect brut du béton se fonde dans son environnement naturel. Pour lier le bâtiment au cadre dans lequel il se trouve, il a créé un grand jardin japonais, espace tampon entre les deux entités distinctes.
Le célèbre protocole de Kyoto a été signé dans ces lieux en 1997 lors de la COP. Aujourd’hui encore, ils accueillent tout au long de l’année de nombreux événements et conférences.
Le Jardin des Beaux-Arts de Tadao Ando : joyau méconnu de l’architecture moderne à Kyoto
Discret parc urbain situé au nord de Kyoto, le Jardin des Beaux-Arts mérite pourtant de s’y attarder. Construit par l’architecte de renom Tadao Ando (安藤 忠雄), ce musée en plein air expose des reproductions de tableaux à grande échelle.
Un musée en plein air mêlant art et architecture
Parmi la collection de 8 chefs-d’œuvre se trouvent notamment les Nymphéas de Monet, Le jugement dernier de Michel-Ange ou encore Le rouleau des animaux et des humains qui s’ébattent du prêtre Toba.
L’esthétique du bâtiment reprend la palette de matériaux chère à l’architecte moderniste : un subtil assemblage de béton et de verre. La composition des allées est soigneusement pensée pour ouvrir des perspectives sur les peintures.
Une expression moderne : un jeu subtil de béton et de lumière
Le site est conçu en pente douce, menant de la rue jusqu’au sous-sol. Deux rampes entrelacées traversent l’espace pour multiplier les points de vue sur les œuvres. Les miroirs d’eau, le bruit de cascades et les lumières contribuent à donner une ambiance relaxante au lieu.
L’espace se découvre au fil d’une promenade où le visiteur expérimente l’art à travers ses différents sens. Ando exploite les matériaux bruts, la luminosité et le bassin pour retransmettre la sérénité, propre à l’architecture traditionnelle nippone.
Profitez d’une visite au Jardin botanique voisin pour faire un arrêt dans cette oasis urbaine atypique, à la croisée de l’art et de l’architecture.
Les bâtiments-machines du quartier de Gion : ovnis architecturaux du post-modernisme
Au début de l’ère Heisei (1986-2019), le Japon entre dans une phase de spéculation immobilière sans précédent. En plein boom économique, les villes se transforment à vitesse grand V : des buildings fleurissent ici et là.
Les expérimentations architecturales exubérantes du post-modernisme
L’époque est à la démesure et les constructeurs rivalisent d’imagination pour édifier des bâtiments excentriques. À contre-courant de l’uniformité austère du style international, c’est la naissance du post-modernisme.
Affranchis de tous codes stylistiques, les architectes expérimentent à tout va. De cette époque prospère restent à Kyoto quelques ovnis architecturaux. Vous en trouverez certains en vous promenant dans les ruelles du quartier de Kiyomoto, au nord de Gion.
Les bâtiments-machines de Shin Takamatsu
Peu connu à l’étranger, Shin Takamatsu (高松伸) est une figure iconique de l’architecture post-moderne. Héritier de Kenzo Tange et Arata Isozaki, il a imposé un style singulier dans le paysage urbain nippon. Ses créations se situent à la frontière entre monde dystopique à la Blade Runner et structure industrielle.
Parmi ses « bâtiments-machines », le modeste Maruhigashi Gion Building n’est pas resté dans les annales. Pourtant, la forme inhabituelle de sa façade surmontée d’une pyramide de verre mérite de s’y arrêter, ne serait-ce que pour une photo souvenir.
Les ovnis futuristes de Hiroyuki Wakabayashi
Non loin, le Maruto n° 15 et le Maruto n° 17 détonnent dans le chaos de néons et de béton. Hiroyuki Wakabayashi (若林広幸) est à l’origine de ces deux immeubles. Plus célèbre pour avoir conçu le design du train Rapi:t (prononcer : « Rapito ») que pour ses constructions, l’architecte offre à travers ses créations une vision futuriste.
La silhouette étroite et sombre du Maruto n° 15 semble tout droit sortie d’un film de science-fiction. Sa structure métallique arachnéenne attire le regard autant qu’elle interroge.
Son petit frère, le Maruto n° 17 rivalise d’excentricité. Assemblage de formes anguleuses, la façade exprime une apparence guerrière : entre armure et forteresse infranchissable.
Détournez-vous un instant de l’image carte postale des maisons de thé de Gion pour découvrir ces pépites d’architecture futuriste. Vous ne serez pas déçus de la visite !
Où trouver ces merveilles d’architecture moderne kyotoïte ?
- Gare de Kyoto : les zones extérieures sont accessibles gratuitement 24h/24h. Les horaires d’ouvertures des différents bâtiments diffèrent.
Site officiel : www.kyotostation.com
Adresse : Kyoto Station building, 901, Higashishiokojicho, Karasuma-dori Shiokoji-sagaru, Shimogyo-ku, Kyoto-shi, Kyoto 600-8216 Japan.
- Centre de conférence international : l’intérieur du bâtiment n’est pas accessible au visiteur. L’extérieur est visible en faisant la promenade autour du lac Takaragaike.
Site officiel : www.icckyoto.or.jp/en/
Adresse : Takaragaike, Sakyo-ku, Kyoto 606-0001 Japan.
- Jardin des Beaux-Arts : le musée est ouvert de 9h à 17h, l’entrée coûte 100 yens.
Site officiel : www.kyoto-museums.jp/en/museum/north/3935/
Adresse : Shimogamo Hangicho, Sakyo Ward, Kyoto 606-0823, Japan.
- Gion Higashi Building, Maruto n°15, Maruto n°17 : les bâtiments abritent des locaux commerciaux, l’intérieur n’est pas accessible à la visite.
Adresse : se référer à la localisation de Google maps.
Au-delà de son aspect de carte postale, Kyoto recèle de nombreux exemples d’une histoire de la construction beaucoup plus éclectique qu’il n’y paraît. Ces 4 bâtiments emblématiques ne sont qu’un petit aperçu de l’architecture moderne présente à Kyoto. En sortant des sentiers battus, vous ferez sans aucun doute de belles rencontres dans ce paysage urbain hétérogène et chaotique. Les ruelles étroites de la capitale des arts nippons cachent parfois de mystérieux édifices.