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Le village de Shirakawa-go, niché au cœur des montagnes de la préfecture de Gifu et inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO, est sans doute une des destinations incontournables de la région de Chubu. Une centaine de chaumières se dressent dans le village, entre les rivières et les potagers du hameau rural de Ogimachi (荻町), faisant face aux chaînes de montagne qui s’étendent à l’horizon. Bien qu’il s’agisse d’un petit village d’un peu plus de 1600 âmes, les habitants de Shirakawa-go perpétuent leurs traditions, témoignant d’un mode de vie menacé de disparition. Dans l’atmosphère feutrée des maisons au toit de chaume, attardons-nous bien après le coucher du soleil pour faire l’expérience d’un mode de vie montagnard à l’ancienne, au plus près des montagnes, à l’écoute des éléments de la nature et du crépitement du feu.

Shirakawa-go, un village de montagne aux traditions bien vivantes

Au pied des montagnes de la préfecture de Gifu au Japon, les habitations traditionnelles de Shirakawa-go sont coiffées d’épais toits de chaume pointus. Certaines abritent aujourd’hui des boutiques, des maisons d’hôte, ou encore des musées d’artisanat traditionnel. Outre une centaine de chaumières, des petits cours d’eau, un grenier à riz, des sanctuaires donnent un charme tout particulier au paysage.

Dans cette étroite vallée de montagne, les maisons sont construites en harmonie avec la nature. Elles sont orientées nord-sud pour que les toitures, orientées est-ouest, soient assurées d’un ensoleillement maximal, nécessaire à la fonte de la neige, ainsi qu’au séchage et à la durabilité du chaume, mais aussi protégées des forts vents nord-sud qui soufflent pendant la saison des typhons.

Le village de Shirakawa-go est traversé par la rivière Sho, et les chaumières sont séparées par des rizières, entrecoupées de potagers et de canaux. Ces derniers servaient à protéger le village des incendies, et à acheminer l’eau jusqu’aux habitations ; des truites arc-en-ciel y vivent, aidant à maintenir la propreté de l’eau. En se baladant dans le village, on n’entend que le glouglou de l’eau dans les canaux et le souffle du vent.

Les fermes et leurs toitures de chaume sont construites pour résister aux hivers rigoureux de cette région montagneuse, et pour supporter de fortes chutes de neige. En hiver, la neige recouvre champs et chaumières et s’amasse sur les toits pentus. Embelli par cet épais manteau blanc, le hameau prend alors des airs tout simplement féeriques ! Le village distille ses charmes en toute saison: la nature se réveille au printemps, saison des semis et des floraisons, en été, la végétation est luxuriante et la verdure des rizières à son comble, tandis qu’à l’automne les rizières et les herbes de pampa prennent de magnifiques teintes brunes et dorées.

Il est à noter que le village de Shirakawa-go n’est pas un musée ethnographique, mais un village aux traditions bien vivaces, puisque environ 500 âmes habitent encore dans le hameau de Ogimachi. Les riverains vivent en harmonie avec les montagnes, sous la protection du mont Hakusan qui culmine à 2700 mètres. Ils peuvent y apprécier la pureté de l’air des montagnes, et vivre au rythme des saisons.

L’architecture de style gassho-zukuri

Les maisons traditionnelles de Shirakawa-go sont des chaumières de style gassho, typiques de la région du Chubu. Certaines sont plus de deux fois centenaires. Né ici même, dans le bassin de la rivière Sho, le style gassho-zukuri (合掌造り) se caractérise par des toits de chaume pentus, dont la forme évoque le gassho (« prière » en japonais), la position des mains jointes lors de la prière bouddhiste. Ce style architectural démontre l’aptitude des humains à s’adapter à leur environnement et au climat particulièrement rude de l’hiver, pour assurer la continuité de leurs activités. Il s’agit d’un vestige de l’époque où la sériciculture était pratiquée dans les combles et où les habitations comptaient de trois à cinq étages.

Les toits de chaume pentus sont conçus pour supporter le poids de la neige et éviter qu’elle s’amoncelle, ainsi que pour faciliter le ruissellement des eaux pluviales. Les toitures sont composés de près de 80 cm d’épaisseur de chaume et sont équipées de cordes qui aident à retirer la neige ; elles sont refaites touts les trente ans.

Autre fait notable, on n’utilise ni clou ni vis dans l’architecture gassho-zukuri : les poutres sont seulement fixées par des cordages de paille et de lianes.

À l’intérieur, l’irori, le foyer traditionnel japonais, est utilisé pour le chauffage, la cuisine, et le séchage du linge. Les planchers à claire-voie sont ouverts pour laisser la fumée et la chaleur de l’irori s’élever dans les étages et embaumer toute la maison, répandant de délicieuses senteurs de fumée et noircissant les intérieurs. En été, la fumée évite aussi la prolifération des insectes.

Les planchers à claire-voie permettent aussi de protéger le bois et le chaume de la toiture contre l’humidité, menace majeure pendant le tsuyu, la saison des pluies, entre juin et juillet.

Dans les hauteurs du village, l’Observatoire de Shiroyama (城山展望台, Shiroyama Tenbôdai) offre le plus beau point de vue d’ensemble sur le hameau.

shirakawa-go sous la neige en hiver
Panorama depuis l’observatoire Shiroyama

Des chaumières pensées pour la sériciculture

Autrefois, les habitants de Shirakawa-go vivaient majoritairement de la sériciculture et de la production de l’ensho, un matériau utilisé dans la fabrication de la poudre à canon. Les fermes de Shirakawa-go ont donc été pensées et conçues pour l’élevage des vers à soie. Cette activité était privilégiée car elle ne requerrait que peu d’espace.

matériel traditionnel de sériculture dans une maison de shirakawa-go
Matériel traditionnel de sériculture dans une maison de Shirakawa-go

Les maisons sont alignées selon une orientation nord-sud, dans le sens du vent qui souffle sur Shirakawa-go, afin de permettre une bonne ventilation des étages pour les cocons. Les vers à soie étaient placés au dernier étage, sous la poutre maîtresse de la charpente, bénéficiant non seulement d’une bonne ventilation mais aussi d’une bonne exposition à la lumière grâce aux fenêtre ouvertes de part et d’autre du grenier.

Modes de vie traditionnels à Shirakawa-go

Les habitants vivaient en communautés rassemblant tous les membres et tous les corps de métiers de la coopérative. On vivait généralement à plusieurs familles, jusqu’à 30 personnes par maisonnée.

une maison au toit de chaume sous la neige à shirakawa-go

Aujourd’hui encore, l’entretien des maisons relève d’un travail communautaire appelé yui, une seconde nature chez les habitants de Shirakawa-go. Les travaux effectués en groupe comprennent, par exemple, la récolte du kaya, la plante utilisé pour le chaume des toitures.

Construite aux alentours de 1800, la résidence Wada est un parfait exemple du style gassho-zukuri. C’est la plus grande maison du village à être ouverte au public. Comme d’autres villageois, les ancêtres des propriétaires actuels de Wada vivaient du commerce de l’ensho. À l’intérieur, on retrouve mobilier et accessoires de la vie quotidienne qui témoignent des modes de vie traditionnels d’autrefois. Au grenier, on peut voir du matériel de sériciculture, et même des métiers à tisser la soie. De nos jours la vie y continue comme avant, ou presque.

À l’abri des chaumières et au coin de l’irori, on peut déguster un zenzai. Ce dessert traditionnel est une sorte de soupe sucrée à base de de haricots rouges azuki, accompagnée de mochi (boulettes de de riz) et de thé vert. En hiver, on se réchauffe les mains autour du feu tout en dégustant son bol de zenzai. Un régal ! Il est possible de vivre cette expérience au Gassho-zukuri Minkaen (合掌造り民家園).

Passer la nuit à Shirakawa-go, un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO

À la tombée de la nuit, alors que les chaumières de Shirakawa-go s’allument une à une, pousser la porte d’une minshuku dans une des chaumières du village pour y passer la nuit vous fera vivre une expérience inoubliable. Une minshuku est une version japonaise de la maison d’hôtes et y séjourner offre l’occasion de vivre au plus près de ses hôtes Japonais et de découvrir leurs modes de vie. Comme partout au Japon, on y dîne tôt, dès 18h ou 18h30, d’un repas de cuisine familiale préparée à base de produits du terroir régional. Les feux sont allumés dans les foyers, on déguste un repas autour de l’irori, puis on s’endort sous le toit de chaume.

Passer la nuit en minshuku à Shirakawa-go permet également de s’attarder après le départ des visiteurs pour apprécier le charme brut du village. Lors de ma première visite, je n’avais pas eu la chance de rester pour la nuit, mais une seconde expérience de séjour plus prolongé m’a permis de mieux appréhender et ressentir l’âme de Shirakawa-go. Au coin de l’irori, en écoutant la viande du dîner crépiter dans les marmites au milieu le silence enveloppant de la nuit, et en admirant le lever du soleil sur les chaumières encore endormies, j’ai ressenti la communion des habitants avec leur environnement montagnard.

Maison d'hôtes minshuku dans une maison gassho-zukuri de Shirakawa-go
Le minshuku Shimizu Inn est installé dans une des maisons au toit de chaume de Shirakawa-go.

J’ai pour ma part séjourné dans le minshuku Shimizu Inn (民宿志みづ), une chaumière aux portes du village de Shirakawa-go. Cette auberge de style gassho date de près de deux siècles. Elle compte trois chambres au sol de tatami, agencées autour d’une pièce centrale dans laquelle les repas sont pris en commun autour du foyer.

Au dîner, on peut goûter à l’une des fiertés de la région, le succulent le bœuf de Hida, accompagné de légumes du pays. Autour de l’irori, les convives parlent tout bas et les rires sont étouffés. Les parquets craquent sous les pas, le poêle chauffe et le feu crépite. Dès 20h, un silence cotonneux gagne la maisonnée.

repas traditionnel japonais dans une chambre d'hôtes à shirakawa-go
Dîner au minshuku Shimizu Inn

La cour donne sur le mont Hakusan. En été, les grenouilles croassent en chœur. À l’automne, on admire les flamboyantes couleurs des feuillages du koyo. Une fois l’hiver venu, on se réchauffe au coin du poêle à bois et de l’irori.

Informations pratiques

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site officiel de Shirakawa-go.

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Se rendre à Shirakawa-go

Se rendre à Shirakawa-go en Bus : Les bus de Nohi Bus permettent de se rendre à Shirakawa-go depuis le village de Takayama (en 50 minutes), depuis Kanazawa (en 1h15) et même depuis Nagoya (en 2h45). Réservation requise.

Se rendre à Shirakawa-go en voiture : Le plus long tunnel du Japon relie Takayama à Shirakawa-go sur 10 km. Il permet de faire le trajet en 45 minutes, contre 2h auparavant. Il a été mis en service en 1995, lorsque les villages historiques de Shirakawa-go et de Gokayama furent inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco.

Shirakawa-go est sans doute l’une des plus belles destinations pour découvrir les traditions montagnardes des Alpes japonaises, au contact des habitants qui continuent d’y vivre selon un mode de vie ancestral.

Article réalisé en partenariat avec Hida Regional Tourism Council

Marie Borgers

Marie Borgers

Après une préparation intense, la lecture de dizaines de livres et des centaines d'heures d'étude du japonais, j'ai tout quitté pour venir m'installer au Japon, à Nagoya. En tant qu'éditrice et rédactrice, j'aime partager les émotions suscitées par l’évasion, et transmettre la connaissance d'autres cultures, berceau de la tolérance.

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