Si cette époque pandémique aura bouleversé nombre de programmes ambitieux à portée internationale, aussi bien sportifs que culturels, la Japan Cultural Expo rebondit cet automne avec une nouvelle initiative en lançant sa plateforme virtuelle. Conçue comme une extension de sa galerie numérique, ce musée virtuel propose des visites interactives de véritables expositions in situ, grâce à diverses technologies comme la réalité virtuelle (VR).
Il s’agit effectivement d’un musée virtuel à l’architecture réaliste, qui reproduit les murs blancs et les salles thématiques d’une institution classique. Lorsque vous accédez à une visite VR, vous êtes téléporté dans un modèle virtuel de l’espace physique de l’exposition, qui souvent a lieu dans une galerie prestigieuse. Vous avez alors la possibilité de vous promener le long des couloirs, de vous approcher des œuvres, et de lire les textes ou de voir les vidéos qui les accompagnent. Ce rendu soigné et détaillé en haute résolution permet d’explorer tranquillement l’exposition depuis chez-soi, un peu comme lorsqu’on voyage dans Google Street View.
C’est de cette manière que j’ai eu le plaisir d’examiner de près des kimonos portés par des acteurs de kabuki dans l’exposition sur les arts du spectacle traditionnels japonais co-présentée par Tsumugu, la taxidermie de Hachiko (le fameux chien Akita qui attendait chaque soir son maître à la sortie de la gare de Shibuya) au Musée national de la nature et de la science, une sculpture de dauphins en aluminium décorée de lamelles d’or et d’argent selon la technique kirikane (切り金) dans l’exposition Kogei (工芸) sur les œuvres de l’artisanat japonais dans la galerie Hyôkeikan du Musée national de Tokyo, et chacune des 36 vues du Mont Fuji dans les ukiyo-e de Hokusai au Musée d’Edo.
La culture « virtuelle » accessible à tous
Mise en place durant les préparatifs des Jeux Olympiques de Tokyo originellement prévus pour 2020, la Japan Cultural Expo avait pour mission de faire découvrir les arts traditionnels et contemporains du Japon et la diversité culturelle du patrimoine japonais à un public international. Au-delà de la culture pop japonaise bien représentée au travers des mangas, des animes et des jeux vidéo, la Japan Cultural Expo défend l’expression artistique des cultures autochtones, des personnes handicapées, la création artisanale et locale, sans oublier la fierté du terroir et la résilience des régions qui se reconstruisent suite à une catastrophe naturelle.
Le musée virtuel de la Japan Cultural Expo offre un cadre à ces œuvres visuelles et audiovisuelles chargées d’une valeur pédagogique. Son interface 3D nous invite à découvrir aussi bien les œuvres mises en valeur que les recoins cachés d’un vaste programme. Accessible à tous grâce à internet, c’est également un moyen de rattraper les rendez-vous manqués et de renouer avec des spectateurs limités par des barrières physiques et des frontières toujours fermées.
Nous retrouvons notamment sur la Plateforme virtuelle des extraits de théâtre kabuki et de scènes de nô, des concerts d’instruments de musique traditionnels, une réflexion sur le jeu féminin par l’onnagata Kikunosuke Onoe dans les coulisses du kabuki, de splendides images du rituel du yabusame (流鏑馬) ou l’art du tir à l’arc à cheval, un nouveau court-métrage de cinéma adapté d’une légende originaire de Fukushima, la vidéo d’une représentation théâtrale spéciale de Helen Keller, ou le « radio taiso » (ラジオ体操) matinal en langue Ainu.
Et si vous vous aventurez à explorer directement la galerie numérique sur le site web, vous trouverez par exemple un documentaire intime sur une collaboration intensive de plusieurs mois et sur deux continents, entre le groupe culte de taiko japonais KODO et le metteur en scène québécois Robert Lepage sur NOVA : un spectacle musico-théâtral transculturel prévu pour 2020, qui n’a finalement jamais pu être présenté au public. Si la tournée a été annulée, il en restera le témoignage de cette expérience collaborative et conviviale, toujours accessible sur internet.
Le patrimoine humain menacé par le climat
Lors d’une récente réunion du G20 à Rome, le commissaire des affaires culturelles du Japon, Shunichi Tokura, a partagé une anecdote. Suite à la triple catastrophe survenue dans le nord-est du Japon en 2011, raconte-t-il, on a demandé aux résidents de Fukushima évacués dans des logements temporaires où ils subissaient encore de fréquentes pannes de courant, ce qui leur était le plus important dans la vie quotidienne. La première réponse fut sans grande surprise l’électricité, mais ces personnes, qui n’avaient plus de communauté ni la possibilité de retourner chez eux, ont placé la musique en deuxième position.
La culture n’est pas un luxe, selon Tokura, mais « un droit humain de nourrir son esprit ». Il nous importe de protéger le patrimoine — de l’oubli par les générations futures, de la destruction physique par les éléments, de l’anéantissement par le climat.
L’accès à la Plateforme virtuelle et à la galerie numérique de la Japan Cultural Expo est toujours gratuit, et les contenus évolueront au fur et à mesure que le programme se développe. Prochainement, une communication interactive entre les spectateurs et les organisateurs sera possible grâce à des avatars !
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