Le retour des voyages d’affaires et des voyages touristiques après leur interruption forcée nous confronte à présent à une question essentielle : comment faire en sorte que le tourisme ait une influence positive, qu’il permette aux peuples de mieux se comprendre par-delà les frontières, qu’il soit une aide à l’économie locale et à ses entreprises, tout en réduisant l’impact sur l’environnement causé par le tourisme de masse ? Le « tourisme durable » est aujourd’hui un sujet de réflexion chez nombre de voyageurs partout dans le monde, bien que sa définition reste encore un peu vague.
Le concept de tourisme durable suscite un débat sain, et les voyageurs tentent de trouver comment les vertus du tourisme peuvent l’emporter sur les marques qu’il laisse sur l’environnement et la société dans son ensemble. Qu’est-ce que le tourisme durable, et où le pratiquer dans la région du Kanto, à Tokyo et dans ses environs ?
Au cours de l’année écoulée, « Tokyo and Around Tokyo » s’est servi de ses réseaux sociaux pour révéler des dizaines de destinations et d’activités originales à découvrir à Tokyo et dans les dix préfectures des alentours, en prenant le parti pris du tourisme durable. J’ai sélectionné pour vous quatre destinations des préfectures de Fukushima, d’Ibaraki, de Tochigi et de Gunma. À mon sens, les visiter permet de soutenir les communautés locales de plusieurs manières : aider les entreprises, préserver l’histoire et la culture de ces régions, et surtout, contribuer au développement de leur attractivité au-delà des frontières locales.
Mieux encore, les voyageurs venus à Tokyo pourront découvrir ces destinations à l’aide des pass proposés par Japan Rail (JR), permettant de s’y rendre de manière simple et rapide.
- Yodge : passer la nuit dans une ancienne école rénovée avec soin, participer à un atelier, et profiter d’une retraite en pleine nature à Fukushima
- La maison d’hôtes Kominka Eguchiya : une brasserie de saké aux airs de film Ghibli, transformée en hébergement écoresponsable dans la préfecture d’Ibaraki
- Good News : des entreprises et des commerces soucieux du développement durable réunis sous un même toit dans la préfecture de Tochigi
- L’hôtel Shiroiya : une construction en béton dans la préfecture de Gunma qui donne une nouvelle définition à l’art et au luxe
- Voyagez à prix réduit grâce au JR Pass
Yodge : passer la nuit dans une ancienne école rénovée avec soin, participer à un atelier, et profiter d’une retraite en pleine nature à Fukushima
Yodge (森の駅 Yodge) prend place dans le bâtiment d’une ancienne école du village de Tamakawa (玉川村), dans la préfecture de Fukushima. Si le squelette en bois de la structure d’origine datant de 1910 a été conservé, l’intérieur a quant à lui été entièrement réaménagé dans un style à la fois moderne et rustique. On y trouve plusieurs chambres, un restaurant, un grand atelier, un espace commun dédié à la détente, et une bibliothèque se trouve à l’étage. À l’extérieur du bâtiment, des emplacements de camping ont été aménagés, et on peut également y profiter d’un emplacement pour faire un feu de camp et d’un sauna qui prend place sous une tente. En 2022, Yodge a remporté le prix de l’architecture et de la culture de Fukushima, qui récompense les constructions bâties dans un souci d’harmonie avec leur environnement, et qui préservent la beauté naturelle de leur emplacement.
On peut séjourner dans l’une des cinq chambres situées dans l’établissement, ou bien à l’extérieur, dans une caravane ou sur l’un des emplacements de camping. Yodge est doté de salles de bain communes non mixtes, magnifiquement conçues pour être incroyablement relaxantes, tout comme l’ensemble des aménagements du lieu.
À Yodge, on ne trouve pas d’horloge. Un détail qui rappelle aux visiteurs que la vie n’a pas besoin d’être en permanence segmentée en portions mesurables. Ici, le temps qui passe se mesure à l’aune du lever et du coucher de soleil. Il n’y a rien de particulier à faire, si ce n’est de se détendre. N’hésitez pas à faire la grasse matinée, à vous laisser réveiller par les rayons du soleil balayant votre visage, avant de savourer le petit-déjeuner copieux préparé par le personnel. Plus tard, vous pourrez partir randonner le long de la rivière Abukuma, ou vous détendre à l’extérieur pendant le reste de la journée en profitant du sauna.
Si vous êtes du genre à ne pas tenir en place, Yodge peut organiser quelques activités en partenariat avec des particuliers ou des entreprises locales. Vous pourrez apprendre à cuisiner un nouveau type de plats, découvrir la vie à la ferme en compagnie d’agriculteurs locaux, préparer une pizza au four ou faire cuire de la viande et des légumes de la région au barbecue pour le dîner… Toutes les activités proposées par Yodge sont centrées sur des savoir-faire ou des produits locaux, soutenant ainsi l’économie de la région.
Plus qu’une simple destination de plus pour les voyageurs visitant la préfecture de Fukushima, Yodge offre un espace dans lequel les visiteurs peuvent interagir avec les habitants. Et ce sont justement ces rencontres, ces conversations, ces éclats de rire partagés, qui forgent les plus beaux souvenirs de voyage.
La maison d’hôtes Kominka Eguchiya : une brasserie de saké aux airs de film Ghibli, transformée en hébergement écoresponsable dans la préfecture d’Ibaraki
Sur les rives de la baie de Kasumigaura (霞ヶ浦), une ancienne brasserie de saké débute une seconde vie en devenant un hébergement accueillant les voyageurs en visite dans la préfecture d’Ibaraki. Ce magnifique bâtiment qui date de l’ère Meiji, à la fin du XIXe siècle, était trop beau pour être laissé à l’abandon. Des artisans locaux se sont donc réunis pour le rénover tout en modernisant ses espaces intérieurs, afin d’offrir tout le confort nécessaire aux huit personnes qui peuvent désormais y séjourner. Les poutres de la charpente sont d’origine, et on retrouve quelques objets évoquant le passé de la brasserie dans le décor, comme des bouteilles en céramique et des enseignes.
Ses quatre chambres sont spacieuses et aérées, dotées de grandes fenêtres qui les rendent lumineuses. Certaines sont équipées de sols en tatami et de futons, quand d’autres bénéficient d’un plancher en bois et de lits occidentaux. Quelques clients ont fait remarquer que la baignoire, restée en grande partie dans son état d’origine, leur rappelait celle du film des Studio Ghibli Mon voisin Totoro. En réponse, l’un des membres du personnel a eu l’idée de cacher 14 « makkuro kurosuke » (les petites boules de poussière toutes mignonnes qui apparaissent dans le film d’animation) à divers endroits de la maison pour que les clients puissent les découvrir.
La rénovation de bâtiments anciens n’est pas rare au Japon ; cela fait des décennies que l’écrivain Alex Kerr implore les communautés locales de sauver et de redonner vie aux bâtiments semi-historiques du pays, et qu’il le fait lui-même. Ce qui est moins courant, ce sont les efforts déployés par le personnel d’Eguchiya pour que les hôtes tissent des liens avec la culture et la communauté locale. Lors de son séjour à Eguchiya, tout nous ramène en permanence à cette partie pittoresque de la préfecture d’Ibaraki.
Prenons par exemple les repas. Bien que de nombreuses maisons d’hôtes mettent une cuisine à la disposition de leurs clients pour qu’ils puissent se préparer à manger, la cuisine d’Eguchiya est strictement interdite d’accès. À la place, un chef vient sur place pour préparer le dîner (facultatif) et le petit-déjeuner à partir d’un vaste panel de produits locaux : racine de lotus renkon, poisson local pêché dans le lac Kasumigaura, riz et œufs produits dans les fermes voisines, et miso fait à la main et vieilli pendant trois ans. Des bières artisanales locales et du saké sont également proposés.
Eguchiya encourage aussi ses clients à partir à la découverte de la communauté locale, en mettant à leur disposition des vélos qu’ils peuvent utiliser gratuitement durant leur séjour. La « Tsukuba Kasumigaura Ring Ring Road » est une piste cyclable classée au niveau national, qui permet de se rendre au lac Kasumigaura. Certains visiteurs en profitent pour passer une journée entière à faire du vélo. Par ailleurs, Eguchiya est le pied-à-terre idéal pour partir visiter certaines des attractions majeures de la préfecture d’Ibaraki, et notamment le Kairakuen, l’un des trois jardins les plus célèbres du Japon, et le Hitachi Seaside Park, dont les fleurs saisonnières offrent le décor idéal pour des photos instagrammables à souhait.
Good News : des entreprises et des commerces soucieux du développement durable réunis sous un même toit dans la préfecture de Tochigi
Nasu (那須町) est une ville agricole située au nord de la préfecture de Tochigi. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’une destination très touristique en soi, si ce n’est pour la présence des stations thermales onsen situées en haut de la montagne, à Nasu Kogen. J’espère donc qu’on me pardonnera d’avoir été quelque peu sceptique quant à l’intérêt de visiter Good News, qui regroupe des entreprises, toutes unies par l’envie de permettre à une petite ville rurale comme Nasu de contribuer de manière significative au développement du tourisme rural. Mais en résumé, les responsables du mouvement Good News m’ont stupéfait.
Il existe une longue tradition de production laitière à Nasu, qui a récemment donné naissance à quelques « success stories », à l’exemple de « Butter no Itoko », une confiserie préparée à partir du lait écrémé résultant de la fabrication du beurre. Good News se donne pour mission de faire fusionner les racines agricoles de la ville avec des initiatives tournées vers le tourisme et le bien-être. Leur but est d’attirer des visiteurs qui partagent les mêmes valeurs que celles des collaborateurs de Good News : produire des aliments biologiques de qualité, réduire le gaspillage alimentaire, protéger l’environnement local, et offrir des opportunités d’emploi à la population locale.
De là est né ce lieu situé à l’orée d’une petite forêt que Good News a contribué à réhabiliter. Il regroupe un ensemble de boutiques, de restaurants et de services, tous respectueux de l’environnement. La forêt elle-même fait partie de ce complexe, offrant aux visiteurs un endroit où se promener et leur permettant de se rafraîchir dans le ruisseau qui la traverse. C’est également de cette forêt que proviennent le bois et les autres matériaux qui ont été utilisés pour bâtir Good News ; des copeaux de bois provenant des arbres abattus ont servi pour le crépi des murs et des allées. Si le bâtiment donne tant l’impression de faire partie de l’environnement, c’est parce que c’est effectivement le cas.
Les entreprises de Good News sont de petites entreprises qui cherchent à créer un lieu où des personnes de tous horizons peuvent se réunir grâce à la nourriture autour d’une « grande table à manger », et à faire naître une communauté dans laquelle les créateurs, les clients, les travailleurs, et toutes les personnes impliquées peuvent être satisfaits. Par exemple, la boutique Kona and Spice prépare un délicieux pain au curry qui lui permet de réduire ses déchets alimentaires. Barbour Hirayama transforme les cheveux coupés de son salon de coiffure en compost. L’enseigne voisine, Norfolk Gallery, vend des fleurs qui sortent des standards et que d’autres fleuristes auraient simplement jetées. Quant à Brown Cheese Brother, il produit un délicieux biscuit à base de brunost, un fromage brun de la cuisine traditionnelle de Norvège. Le fromage brun est fabriqué à partir du petit-lait issu de la fabrication du fromage, qui est généralement jeté. On trouve bien d’autres entreprises à Good News, notamment un café et un chocolatier, toutes contribuant à leur manière à la préservation de l’environnement, au commerce durable, et bien plus encore.
Pour ceux qui s’intéressent aux initiatives écoresponsables des secteurs de l’alimentation et de l’agriculture, Good News délivre une leçon puissante que la lecture de dizaines d’ouvrages sur le sujet ne saurait égaler. Et même si vous ne cherchez qu’à vous délecter de saveurs aussi délicieuses qu’originales dans un environnement agencé avec goût, tourné à la fois vers le commerce, la nature et la communauté, vous ne regretterez pas d’avoir visité Good News.
L’hôtel Shiroiya : une construction en béton dans la préfecture de Gunma qui donne une nouvelle définition à l’art et au luxe
Lorsqu’on visite l’hôtel Shiroiya pour la première fois, on pourrait penser qu’il ne s’agit que d’un hôtel de luxe au design original. C’est bien le cas, mais l’histoire et le concept de cet hôtel unique en son genre situé dans le centre-ville de Maebashi sont un formidable exemple de réussite en matière de rajeunissement de la communauté locale.
Pour planter le décor de cette histoire, il faut d’abord parler brièvement de l’histoire de Maebashi (前橋市), la capitale de la préfecture de Gunma. Maebashi existe depuis des milliers d’années, et a exercé une grande influence politique et commerciale tout au long de l’époque d’Edo, qui s’est achevée à la fin du XIXe siècle. Par la suite, Maebashi a continué à connaître des années prospères grâce à la production de soie, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale durant laquelle elle fut entièrement bombardée. Après la guerre, l’arrivée de la soie étrangère sur le marché intérieur a eu raison de l’industrie de la soie qui n’a jamais su se réimplanter à Maebashi, et la ville est entrée dans une période de stagnation.
Le ryokan Shiroiya a ouvert ses portes au centre de Maebashi durant les années glorieuses de l’époque d’Edo, il y a plus de 300 ans. Et durant 300 ans, l’enseigne est restée sur place tout en évoluant. Dans les années 1970, le ryokan prit les traits d’un bâtiment en béton relativement banal. Le XXIe siècle aurait pu mettre un terme à l’histoire du Shiroiya, mais un groupe d’hommes d’affaires locaux a persuadé Hitoshi Tanaka, entrepreneur et philanthrope, d’acheter et de rénover Shiroiya pour en faire la pièce maîtresse d’un centre-ville qui retrouverait son dynamisme. Et c’est ce qu’il a fait, épaulé par le célèbre architecte Sou Fujimoto et des dizaines d’artistes, dont Leandro Erlich, Lawrence Weiner et Hiroshi Sugimoto.
Chacune des 25 chambres de cet hôtel d’exception revêt une apparence unique, et quatre d’entre elles ont été entièrement conçues par de célèbres artistes. L’art est ici à l’honneur, on retrouve, dans l’ensemble du bâtiment, des œuvres d’artistes mondialement connus qui côtoient celles d’artistes locaux. Plutôt que de détruire entièrement le bâtiment d’origine, Fujimoto a choisi de réutiliser sa structure en béton afin de réduire l’impact environnemental de la rénovation, et de rendre hommage à l’histoire séculaire de l’hôtel Shiroiya. On remarque que même le nom de Shiroiya a été conservé.
Un autre bâtiment, connu sous le nom de Green Tower, a également été construit. Il prend l’apparence d’une colline verdoyante, comme on en voit le long de la rivière Tone, dans les environs de Maebashi. Les engagements de l’hôtel ont également trouvé un écho auprès du Blue Bottle Coffee d’Oakland, en Californie, qui a ouvert une boutique au sein de l’hôtel, car Blue Bottle Coffee s’était donné la mission similaire de revitaliser son quartier d’Oakland, tout comme Shiroiya le faisait pour le centre-ville de Maebashi.
Malgré tout, un grand hôtel à lui seul ne peut pas redonner vie à une communauté s’il ne parvient pas à attirer les habitants. La rénovation n’a donc pas eu pour seul but d’en faire un hôtel magnifique, mais aussi pour bâtir un espace que la communauté pourrait apprécier et en tirer une forme de fierté. Le vaste hall de l’atrium dispose de nombreuses places assises et de deux restaurants. Il accueille également des évènements occasionnels, comme des concerts, dont peuvent profiter les habitants tout comme les visiteurs.
Jusqu’à présent, la mission de Shiroiya semble couronnée de succès, puisque de nombreux commerces, tels que des cafés et des restaurants, ont ouvert autour de l’hôtel, et que d’importants travaux de construction ont été réalisés dans les environs. Le bruit des pas des clients résonne dans le hall d’entrée, et on vient en nombre profiter d’un somptueux repas dans l’un des restaurants de l’hôtel, ou pour rencontrer des amis et discuter autour d’une tasse de café et d’un dessert.
Voyagez à prix réduit grâce au JR Pass
Les trains JR permettent de se rendre dans de nombreuses destinations du Kanto et de ses environs. Si vous prévoyez de voyager en dehors de Tokyo à l’aide des transports en commun, il existe des pass qui peuvent s’avérer intéressants pour profiter de votre voyage au Japon.
Pour les déplacements vers et à Ibaraki, Tochigi et Gunma, le JR TOKYO Wide Pass offre trois jours de voyage illimité sur de nombreuses lignes de train de Tokyo et de ces préfectures. Pour les voyages vers et à Fukushima, le JR EAST Pass permet de voyager de manière illimitée pendant cinq jours vers et depuis Fukushima et la région du Tohoku, couvrant l’utilisation des lignes du Tohoku Shinkansen et de l’Akita Shinkansen. Veuillez noter que ces deux pass peuvent être utilisés par les détenteurs de passeports étrangers, qu’ils soient en visite ou qu’ils résident au Japon.
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Si ces destinations originales retiennent votre attention, vous pourrez toutes les retrouver, et bien d’autres encore, sur les réseaux sociaux de Tokyo and Around Tokyo. Rendez-vous sur Facebook et Instagram pour découvrir les innombrables facettes du tourisme durable au Japon.
Article écrit en partenariat avec le Tokyo and Around Tokyo Promotion Council
Traduit de l’anglais par Joachim Ducos