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Pour les amateurs de l’élégante ville de Kyoto comme moi, chaque voyage dans l’ancienne capitale japonaise est un véritable bonheur ! Pourtant, difficile de faire l’autruche, Kyoto est de plus en plus victime de son succès. La question du surtourisme est sur toutes les lèvres. Bien que les sites populaires kyotoïtes soient des immanquables, il est naturel de vouloir s’évader un court instant afin de ressentir un soupçon de sérénité et de calme olympien. Pour cela, je saute souvent dans un train, direction la préfecture voisine de Shiga, pour me ressourcer au temple Enryakuji, un site d’exception surplombant le plus grand lac du Japon, le Biwako. M’y rendre une demi-journée est mon péché mignon. J’échappe alors, le temps d’un instant, à l’effervescence de Kyoto. Une bouffée d’air frais bienvenue.

Vue sur le lac Biwa

Temple Enryakuji, calme et sérénité sur le mont Hiei

Le temple Enryakuji se situe sur le mont Hiei, à la frontière entre la préfecture de Kyoto et celle de Shiga, une situation géographique idéale pour une brève escapade depuis l’ancienne capitale.

Un lieu sacré historique

Le mont Hiei, qui culmine à 848 mètres, domine le sublime lac Biwa, le plus grand lac du Japon. Par temps clair, le panorama sur cette merveille de la nature est spectaculaire. Ce n’est donc pas un hasard si l’endroit, hautement sacré, a été choisi en 788 par le moine bouddhiste Saicho, fondateur de l’école Tendai, pour y fonder le temple Enryakuji. Lorsque la ville voisine de Kyoto devint capitale du pays en 794, le temple attira l’attention de la cour impériale. Ce lieu de culte était ainsi vu comme un rempart contre les forces maléfiques. L’empereur Kanmu le nomma alors temple protecteur de Kyoto.

En tant que siège de l’école Tendai, Enryakuji comptait, à son apogée, plus de 3000 moines, dont certains fondèrent par la suite leurs propres écoles. Ce temple est donc considéré comme le berceau du bouddhisme japonais. Sa localisation, la splendeur de son cadre naturel, son histoire riche et son influence spirituelle en font l’un des hauts lieux de la culture japonaise. Par ailleurs, il fut également établi en tant que centre d’apprentissage des diverses pratiques bouddhistes. On y pratiquait la méditation, les rituels ésotériques et la dévotion.

Enryakuji, un site UNESCO d’exception

En 1994, le temple Enryakuji est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco dans le cadre de la préservation des « monuments historiques de l’ancienne Kyoto (villes de Kyoto, Uji et Otsu) ».  Cette inscription englobe dix-sept éléments situés dans les villes de Kyoto et Uji, dans la préfecture de Kyoto, et dans la ville d’Otsu, à Shiga, où se trouve le complexe Enryakuji. Je me souviens encore de ma première visite dans ce lieu de culte, ébahi par la beauté de la nature environnante et par la puissance émotionnelle émanant des bâtiments religieux, qui se divisent en trois zones principales : To-do, Sai-to et Yokawa. Attendez-vous à vous sentir tout petit face à l’immensité des lieux.

Scène de vie au temple Enryakuji

Ainsi, le To-do a été choisi par le fondateur pour ériger le temple d’origine, qui compte aujourd’hui environ 150 édifices, dont le Konpon Chu-do, le temple le plus important du mont Hiei. Reconstruit en 1642, ce bâtiment est désormais classé Trésor national. La flamme située au pied de son autel, surnommée la « lumière éternelle », brûle sans interruption depuis plus de 1200 ans. Actuellement, le bâtiment est en rénovation jusqu’en 2026, mais il est toujours accessible. L’atmosphère mystique demeure intacte. Empruntez les escaliers temporaires pour observer les travaux impressionnants sur la toiture et la structure. Il est assez rare d’en être témoin. Le secteur Sai-to, quant à lui, a été fondé par Encho, le second maître de l’école Tendai. Enfin, le secteur de Yokawa, établi par En-nin, le troisième maître de la secte, mérite toute notre attention pour le Yokawa Chu-do et la pagode Konpon Nyoho-to.

Une ode à la nature

Avec une situation géographique unique, niché dans les hauteurs du mont Hiei, le temple Enryakuji est véritablement enveloppé dans un écrin de nature remarquable. Ce qui lui confère d’ailleurs un charme envoûtant. Difficile de ne pas rester bouche bée face à l’immensité du Biwako en contrebas ou de ressentir une profonde humilité au pied des pins séculaires de la montagne. La nature se joue de nos repères et on part à l’aventure au sein de ce vaste complexe, intrigué par les nouvelles découvertes à venir. Le site est un vrai terrain de jeu pour les amoureux de nature.

Japon oblige, chaque saison offre une expérience unique aux visiteurs. Au printemps, les cerisiers en fleurs ornent les lieux ; en été, le sol est tapissé de mousse verdoyante ; en automne, les feuilles se parent de teintes orangées et flamboyantes ; et en hiver, il n’est pas rare qu’un tapis blanc recouvre le site sacré. J’ai eu la chance de pouvoir vivre toutes les saisons au temple Enryakuji. Et une chose est sûre, la saison du koyo, l’automne au Japon, est de loin la plus belle à mes yeux. Les arbres arborent leurs plus belles couleurs, à commencer par un rouge resplendissant qui occupe encore mes pensées. Comme à cette période, le climat est agréable, c’est un régal d’y déambuler en automne. Calme et sérénité sont les mots d’ordre d’une visite au temple Enryakuji.

Vivre pleinement sa visite au temple Enryakuji

Outre la visite du temple en elle-même, le vaste complexe offre un panel d’expériences marquantes qu’il serait dommage d’omettre. 

Un trajet mémorable, pour commencer

En tant que voyageurs passionnés, on pense souvent à l’adage « l’important, ce n’est pas la destination, c’est le voyage ». Dans le cas du temple Enryakuji, il y a du vrai ! En effet, pour s’y rendre depuis Kyoto, il existe deux options. Premièrement, vous pouvez prendre la ligne Eizan jusqu’à la gare de Yase Hieizanguchi, puis prendre le funiculaire Eizan et le téléphérique Eizan. Les transferts se font toutes les 15-20 minutes. Mais, mon véritable coup de cœur se porte sur la seconde option, un plaisir que je m’offre à chaque visite : le funiculaire Sakamoto.

Pour cette option, partez depuis la gare de Kyoto jusqu’à Hieizan-Sakamoto (15 min environ), via la ligne JR Kosei. Dirigez vous ensuite en bus ou à pied vers la gare du funiculaire Sakamoto. Vous ne le regretterez pas. Ce funiculaire est en effet le plus long du Japon. Il vous accompagnera jusqu’au sommet le long de ses 2025 mètres de rails. La montée de 11 minutes, au milieu d’une nature luxuriante, est absolument grandiose. On a l’impression de fendre la forêt de pins avant d’apercevoir subrepticement la vue panoramique sensationnelle sur le lac Biwa. Cette ligne de funiculaire, qui a débuté ses activités en 1927, est une expérience à part entière. Notez que les départs se font toutes les 30 minutes, à quelques exceptions près.

Déguster la cuisine des moines au temple Enryakuji

Vous avez peut-être déjà entendu parler de la tradition culinaire japonaise issue du bouddhisme, dite shojin-ryori, pendant un voyage au Japon. Je ne peux alors que vous conseiller d’y goûter lors d’une visite au temple Enryakuji. Lors de mes pérégrinations au sommet du mont Hiei, je m’arrête très souvent au premier étage de l’hôtel Enryakuji-Kaikan (qui appartient au temple), non loin du Konpon Chu-do, pour y déguster cette cuisine si fascinante. Conçue dans le respect de la vie, elle exclut toute forme de viande, de poisson et de produits d’origine animale. Les ingrédients utilisés sont simples, de saison, et souvent locaux, avec une attention particulière portée à l’anti-gaspillage.

Cuisine shojin-ryori au Enryakuji

Cette harmonie des saveurs naturelles est une expérience vivifiante pour nos papilles. Les menus variant en fonction des saisons, je prends toujours plaisir à découvrir le contenu du plateau au fil de mes balades saisonnières au temple. Et alors que j’y suis pourtant habitué, je suis toujours surpris par la quantité des plats proposés. C’est un délice et une vraie expérience locale, qui met en avant une habitude culinaire ancestrale au Japon. Et, j’oubliais, vous aurez peut-être la chance de manger sur les tables côté fenêtre… avec vue plongeante sur le lac Biwa !

Une pause au Kyu-Chikurin-in, sur le chemin du retour

Une fois « redescendu sur Terre », au pied du mont Hiei, je vous recommande vivement de vous rendre au Kyu-Chikurin-in, à cinq minutes à pied de la gare du funiculaire. Autrefois lieu de séjour des moines, cet ancien temple est devenu la propriété de la ville d’Otsu. Ouvert au public depuis, ce lieu intime, méconnu des touristes, est une petite merveille. Quel plaisir de marcher sereinement le long du chemin qui parcourt le sublime jardin et de se poser un instant dans la belle maison de bois, face à une nature qui se métamorphose au fil des saisons. Le temps y est suspendu.

Le temple Enryakuji a véritablement tous les atouts en main pour faire de l’ombre à certains des sites les plus connus de Kyoto. Sa proximité avec l’ancienne capitale est un plus indéniable, mais ce sont bien son histoire, sa culture, son architecture et son environnement naturel qui m’ont charmé dès ma première visite. L’apaisement ressenti lors d’une promenade entre les pins vous fera vite oublier l’effervescence de la préfecture voisine. Finalement, se rendre dans ce lieu de culte est une trêve sacrée à s’accorder lors de tout long séjour à Kyoto.

Julien Loock

Julien Loock

Après des années d’allers-retours entre Paris et Tokyo, je décide, fin 2016, de poser ma valise pour de bon dans la capitale nippone. Grâce à la liberté du journalisme freelance, je prends plaisir à arpenter régulièrement l’Archipel en train, avec ma plume et mon carnet griffonné, pour assouvir ma soif de découverte et élargir mes connaissances sur ce pays si fascinant.