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Chaque année, lors du deuxième ou troisième week-end de mai, Kobe voit apparaître l’un des matsuri les plus populaires de la ville: le Kobe Samba Festival. Pour l’occasion, la Sannomiya Flower Road se transofrme en un tourbillon de couleurs et de danses à travers un défilé festif ponctué de représentations sur scène, de marchés, des concerts et de nombreux stands de nourriture aux saveurs internationales. Ce festival met à l’honneur la communauté internationale de Kobe, et plus précisément celle du Brésil. Mais quel lien y a-t-il entre le Japon et la communauté brésilienne ? Si vous souhaitez en apprendre plus, suivez-moi au Kobe Samba Festival au rythme de la musique de Rio de Janeiro !

Kobe Samba Festival - costumes colorés

Le Kobe Samba Festival

Le Kobe Samba festival est né en 1971. Sa création a été influencée par la célébration du centenaire de Kobe en 1967, où défilés, parades et danseurs enflammés ont inondé la ville. Ce festival repose sur un concept un peu différent des matsuri japonais ordinaires : il est ouvert à tous et n’importe quel citoyen peut y participer librement. Il regroupe ainsi des personnes issues de différents quartiers et régions, ce qui lui a permis de devenir le plus grand festival de la préfecture de Hyogo.

Kobe Samba Festival - Les mascottes aussi sont au rendez-vous !
Même les mascottes sont au rendez-vous !

Créé en partenariat avec Rio de Janeiro, ville jumelée à Kobe, ce festival promeut les relations diplomatiques entre le Brésil et le Japon, dont l’histoire remonte à l’époque de l’avant-guerre. De nos jours, l’événement est principalement axé sur la culture de la danse samba : mêlant danseurs professionnels tout droit venus du Brésil aux danseurs amateurs des écoles de danse locales. Ensemble, ils revêtissent chaque année leurs plus beaux costumes ornés de perles et de plumes colorées pour un événement avant tout empreint d’un agréable esprit de fête.

L’événement se déroule sur 2 jours, mais c’est le deuxième jour qu’a lieu le défilé principal pour lequel les foules se bousculent : environ 70 groupes et plus de 200 personnes équipées de costumes et de chars se joignent à la parade chaque année lors d’un défilé de plus de 3 heures. Un événement à échelle colossale qui attire de nombreux visiteurs des préfectures voisines.

Que peut-on voir au Kobe Samba Festival ?

La ville de Kobe a parfois la mauvaise réputation de ne pas avoir beaucoup d’activités à proposer comparée à ses grandes sœurs Osaka et Kyoto. Mais cette ville regorge de surprises. C’est lors d’un week-end de mai que j’ai entendu parler de ce festival à la télévision, et en voyant les images je me suis tout de suite précipitée à Kobe dès le lendemain pour assister à cet événement aux couleurs éclatantes.

Une fois arrivée à la gare de Sannomiya le dimanche matin, j’ai pu récupérer un des éventails qui nous étaient distribués gratuitement, ainsi que le programme du festival. La parade commençait vers midi, je me suis donc précipitée vers la Sannomiya Flower Road sans attendre afin d’assister au début du défilé. Le festival a droit à des festivités locales dans presque tous les quartiers administratifs de la ville, mais c’est ici que se trouve le cœur du festival, avec ses danses et ses costumes de samba.

Kobe Samba Festival - Ouverture de la parade
Chants et danses traditionnels: voilà l’ouverture de la parade avec des centaines d’obachan (mamies) japonaises

Je suis arrivée juste à temps pour l’ouverture du festival. Des centaines de petites mamies japonaises vêtues d’un yukata défilaient sur la Sannomiya Flower Road en chantant des chansons de matsuri traditionnels. Tout en me délectant de ce spectacle, j’ai alors jeté un coup d’œil plus en détail au programme du défilé, avant de comprendre que celui-ci devait littéralement durer 3 heures ! Imaginez, il faisait déjà chaud ce jour-là, et je n’avais pas emporté quoi que ce soit avec moi. Mais en prenant des photos du festival, mon mari et moi avons été invités par des habitants de Kobe à nous joindre à eux. On nous a alors proposé un siège et une boisson, le tout dans une ambiance des plus festives.

En discutant avec nos nouveaux amis, j’ai compris que le Kobe Samba Festival met, comme son nom l’indique, la samba et le Brésil à l’honneur, mais pas que ! Le festival étant libre d’accès aux citoyens, chaque groupe est libre d’y présenter ce qu’il souhaite, toujours dans l’esprit de la fête. Vous trouverez ainsi tantôt des groupes de femmes en kimono traditionnel, tantôt des enfants en tenue de festival Awa Odori… C’est l’esprit de la fête que l’on célèbre avant tout !

Plus on avance dans le festival, et plus on voit apparaître de danseurs de samba vêtus de leurs costumes colorés et ornés de plumes. De nombreux drapeaux japonais et brésiliens font partie du défilé, mettant à l’honneur les différentes communauté qui les constituent. Véritable bouquet final, la fin du défilé comporte des chars plus chargés et des danseurs toujours plus nombreux. Si un défilé de 3 heures vous semble un peu trop long, je vous recommande d’arriver vers la moitié afin d’assister à la fin de la parade qui vaut vraiment le détour. On a presque l’impression d’avoir quitté le Japon et d’être dans un pays complètement différent !

Hormis la parade qui est la plus grande attraction du festival, de nombreux quartiers adjacents se greffent sur le Kobe Samba Festival pour célébrer leurs propres traditions locales. On peut donc y trouver différents stands de nourriture avec des spécialités de la région, comme des brochettes de bœuf de Kobe, ou encore des akashiyaki (petites boulettes constituées d’œuf, de poulpe et de dashi). Une vraie invitation à la découverte de la gastronomie locale !

Danses et festins se poursuivent jusqu’au soir, et la fête se termine par un feu d’artifice au large du port de Kobe. Le meilleur dans tout ça ? L’accès au festival est entièrement gratuit ! De quoi passer un week-end agréable et atypique si vous êtes de passage dans les environs.

Comment se rendre au Kobe Samba Festival ?

Si vous bénéficiez du JR Pass lors de votre voyage, le shinkansen sera l’option la plus rapide pour vous rendre au Kobe Samba Festival. Mais si au contraire vous souhaitez éviter de prendre le shinkansen afin d’économiser un peu d’argent, sachez qu’il y a plusieurs façons de s’y rendre :

  • Depuis Kobe : prendre la ligne JR Kobe Line depuis la gare de Kobe (神戸駅) jusqu’à la gare de Sannomiya (三ノ宮駅) (4 minutes, 130 yens).
  • Depuis Kyoto :
    • Prendre le Tokaido Shinkansen Nozomi depuis la gare de Kyoto (京都駅) jusqu’à Shin-Kobe (新神戸駅) (30 minutes, 2860 yens) puis prendre la ligne Seishin-Yamate jusqu’à la gare de Sannomiya (三ノ宮駅) (2 minutes, 210 yens).
    • Ou, prendre la ligne JR Himeiji Special Rapid jusqu’à la gare de Sannomiya (三ノ宮駅) (50 minutes, 1100 yens)
  • Depuis Osaka :
    • Prendre le Tokaido Shinkansen Nozomi depuis Shin-Osaka (新大阪駅) jusqu’à Shin-Kobe (新神戸駅) (12 minutes, 1520 yens) puis prendre la ligne Seishin-Yamate jusqu’à la gare de Sannomiya (三ノ宮駅) (2 minutes, 210 yens).
    • Ou, prendre la ligne JR Himeiji Special Rapid depuis la gare d’Osaka (大阪駅) jusqu’à la gare de Sannomiya (三ノ宮駅) (22 minutes, 410 yens)

Une fois arrivé à Sannomiya, vous pourrez vous laisser bercer par la musique entraînante ou simplement suivre la foule et les indications afin de rejoindre le Kobe Samba Festival.

L’histoire des Nikkei Burajiru-jin, les Nippo-brésiliens

À l’époque de la restauration Meiji (1968), le Japon sort enfin de sa politique isolationniste et s’ouvre sur le monde. La fin du shogunat laisse place à un souhait de modernisation largement inspiré du modèle occidental. Soucieux d’alléger la pression démographique, le Japon incitait alors à l’émigration internationale toute personne en quête d’une vie meilleure. C’est ainsi que de nombreuses familles japonaises ont quitté leur terre natale pour se diriger vers Hawaï, l’Amérique du Nord, et l’Amérique Latine.

L’émigration japonaise au Brésil : the Brazilian dream

À l’instar de l’American dream aux États-Unis, plus de 240 000 japonais ont pris la décision d’immigrer au Brésil afin de travailler dans les plantations de café, « l’or noir » de l’époque. L’économie brésilienne était alors florissante, et le Brésil signa un traité avec le Japon pour permettre aux Japonais de se rendre en famille sur le territoire brésilien. Les premiers émigrants japonais embarquèrent à Kobe pour poser le pied sur le sol brésilien à Santos (port de São Paulo) en 1908, et se sont faits plus nombreux avec les années.

Principalement situés dans l’État de São Paulo, ils ont d’abord constitué une communauté à part notamment au sein du quartier de La Liberdade, aujourd’hui réputé comme étant le plus grand quartier japonais du monde en dehors de l’archipel. Dans les années 1930, le mouvement migratoire s’est intensifié et la Liberdade est devenue de plus en plus importante. C’est ainsi que des restaurants, karaokés et cinémas japonais y sont nés, donnant à la communauté japonaise l’impression éphémère d’être de retour au pays. Ce quartier, qui existe encore aujourd’hui, abrite notamment le pont Osaka, l’Association socioculturelle japonaise du Brésil, ou encore une porte torii de 9 mètres de haut.

En dehors de ce quartier rappelant les terres de l’archipel, les Japonais qui ont émigré au Brésil se sont peu à peu intégrés à la culture et la langue brésiliennes, notamment durant la Seconde Guerre Mondiale où ils étaient considérés comme des « étrangers hostiles » par les Brésiliens. Quand le Brésil déclara la guerre au Japon, les Japonais furent persécutés par le gouvernement brésilien, qui interdit notamment les représentations culturelles ou l’utilisation de la langue japonaise sur le territoire brésilien. Les écoles japonaises furent donc fermées, les livres en japonais furent retirés de la vente et les manifestations culturelles furent interdites.

À la fin de la guerre, les relations demeuraient tendues entre les immigrés japonais et la population brésilienne, mais de nombreux Japonais ont pris la décision de ne pas rentrer au pays et de rester au Brésil pour s’y installer définitivement. De génération en génération, les immigrés japonais et leurs descendants se sont intégrés à la communauté brésilienne allant jusqu’à oublier leur propre langue. On voit ainsi apparaître plusieurs termes japonais pour désigner ces émigrants japonais :

  • Nikkeijin (日系人, « étranger d’origine japonaise ») désigne les émigrés japonais et leurs descendants en général.
  • Issei (一世, « première génération ») désigne les Japonais nés au Japon mais ayant émigré à l’étranger avec les premiers migrants du début du 20e siècle.
  • Nisei (二世, « deuxième génération ») désigne les enfants des premiers migrants, nés à l’étranger 
  • Sansei (三世, « troisième génération ») désigne les petits-enfants nés après-guerre.
  • Yonsei (四世, « quatrième génération ») désigne la jeune génération actuelle.
  • Gosei (五世, « cinquième génération »), la future génération à venir.

C’est ainsi que les Nikkeijin se sont progressivement adaptés à la vie brésilienne, préservant malgré tout leurs racines japonaises. Ils ont développé une culture unique née de la fusion des traditions japonaises et brésiliennes, tout comme en témoigne le Kobe Samba Festival.

La communauté nippo-brésilienne de nos jours

À ce jour, plus de 100 ans après le premier débarquement, le Brésil abrite la première diaspora nipponne au monde avec plus de 1,9 million de citoyens d’origine japonaise établis au Brésil, principalement à São Paulo.

Mais entre-temps, dans les années 1980, l’histoire se répète, cette fois dans le sens inverse. Le Brésil travers alors une grave crise économique, et le Japon, lui, doit faire face à une pénurie de main-d’œuvre. Il permet donc aux nikkeijin de deuxième (nissei) et troisième génération (sansei), de venir au Japon pour travailler dans les villes industrielles. Les Nippo-Brésiliens vont donc faire le chemin inverse sur les traces de leurs ancêtres pour faire ce que l’on appelle le dekasegi (出稼ぎ, émigrer temporairement pour aller chercher fortune). C’est ainsi qu’à la fin du 20e siècle, ils émigrent en masse au Japon jusqu’à devenir la troisième communauté étrangère du pays après les Coréens et les Chinois.

Toutefois, tout comme leurs ancêtres, les Nippo-Brésiliens ont du mal à s’intégrer au Japon pour plusieurs raisons. D’abord celle de la langue, les Nikkei-jin ont beau avoir des racines japonaises, c’est le portugais qui est devenu leur langue maternelle, et peu d’entre eux maitrisent le japonais, ne facilitant pas leur intégration. De plus, l’image qu’ils renvoient va être perçue comme négative par certains Japonais, notamment en raison du type de poste qu’ils occupent : des emplois pour la plupart peu qualifiés, répétitifs, souvent un travail à l’usine que les Japonais ne souhaitent plus faire.

Très vite, on voit apparaître une nouvelle forme de xénophobie et de rejet à leur encontre, ce qui va plonger les Nikkei-jin dans une quête d’identité sans fin. Qui sont ces « étrangers » de sang japonais ? Des Japonais ayant émigré au Brésil ? Des Brésiliens aux racines japonaises ? Considérés comme des gaijin (外人, « étrangers ») par leurs terres d’accueil et d’origine, il leur est alors bien difficile de mettre un mot sur ce qui les représente et ce qu’ils peuvent définir comme « chez eux ».

Ce combat qui est celui des Nikkeijin, c’est également celui des associations nippo-brésiliennes au Japon et au Brésil, visant à faire connaître au monde leur histoire et reconnaître leurs droits. Au Japon, la double nationalité n’existe pas. Pourtant, des milliers de métisses font partie de la communauté japonaise, et c’est en promouvant les échanges interculturels, tels que le Kobe Samba Festival, que les esprits s’ouvriront et que les différentes communautés pourront vivre en harmonie.

De Rio à Kobe en passant par Tokyo

Si la culture nippo-brésilienne vous intéresse, sachez que chaque année le Asakusa Samba Carnival Parade Contest a lieu à Tokyo. Il s’agit cette fois d’un concours de danse, visant lui aussi à promouvoir le monde de la samba, de la fête et du spectacle. Il se produit en général vers août ou septembre, mais a été annulé en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19 (pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter le site officiel). Si vous n’avez pas le temps de passer par Kobe pour assister au Kobe Samba Festival, et que vous êtes à Tokyo, rendez-vous dans le quartier d’Asakusa pour une excursion colorée au rythme de Rio !

Manon Chauvris

Manon Chauvris

Née et élevée en France (Rouen), j'ai notamment travaillé en agence de voyage à Paris et Kyoto. J'ai emménagé au Japon en 2018. Après avoir vécu 2 ans à Kyoto, j'ai décidé d'emménager à Tokyo avec mon époux pour vivre de nouvelles aventures. Même si la France me manque parfois (surtout le fromage), j'adore vivre à Tokyo et visiter le Japon avec mon appareil photo. Je suis particulièrement intéressée par la langue et la culture japonaises, le cinéma et la photographie. Je suis aussi folle de pandas, je devais en être un dans une vie antérieure. Je suis passionnée par le Japon et j'ai hâte de partager cette passion avec des voyageurs du monde entier !

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