Bien plus qu’une manière de désigner une personne, les prénoms en disent long sur les idéaux et les espoirs des parents. Au Japon, la transcription des prénoms en kanjis apporte une signification personnalisée, et parfois même une dimension poétique. Elle permet aux parents d’exprimer leurs aspirations quant au caractère et au destin de leur enfant. Voici les prénoms japonais les plus courants aujourd’hui. Depuis quelques années, une jeune génération de parents s’écarte de la tradition… nom d’un petit bonhomme !
Comment choisir un prénom japonais ?
Les parents ont deux possibilités pour choisir un prénom. La première consiste à choisir une sonorité harmonieuse, avant de chercher les kanjis pouvant correspondre à cette prononciation. Une même prononciation peut s’écrire avec différentes combinaisons de kanjis (les possibilités sont parfois très nombreuses). La seule contrainte est de faire son choix dans une liste officielle de 2136 kanjis appelés « jōyō kanji » (常用漢字, « kanjis à usage commun »), établie par le ministère de l’Éducation. Les parents peuvent aussi se référer à la liste de jinmeiyō kanji (人名用漢字), autorisée par le ministère de la Justice.
En matière d’association de kanjis, on laisse libre cours à la créativité des parents. Les kanjis sont une interprétation du prénom. Par la signification des kanjis, le prénom revêt une portée symbolique.
Autre possibilité : à partir d’un kanji apprécié, chercher à le combiner avec un autre pour aboutir à une sonorité harmonieuse. Particulièrement populaires sont les kanjis évoquant des qualités comme l’intelligence, la beauté, la force (翔, shō, bond, envol), l’honnêteté et la droiture (律, ritsu, loi), ou des concepts positifs comme 陽 (yō, soleil ou énergie). Tout aussi appréciés, on retrouve de nombreux kanjis évoquant des idéaux et des valeurs, comme le désir de commencement et de renouveau (新, shin, nouveau), le cœur (心, kokoro), l’amour (愛, ai), l’harmonie (和, wa), désignant des éléments de la nature (saisons, arbres, fleurs, fruits et autres végétaux) ou des animaux (comme les oiseaux).
Éléments importants à prendre en compte dans le choix du prénom japonais
La plupart des prénoms japonais se composent de deux kanjis, mais certains n’en ont qu’un seul, quand d’autres en ont trois. La loi japonaise indique que les parents doivent « choisir des kanjis faciles et communs ». Tout est question d’interprétation.
Le nombre de traits de kanjis est fondamental dans le choix du prénom. Il est important veiller à une bonne combinaison entre le nombre de traits du prénom et du nom de famille. En réalité, il n’existe pas réellement de nombre néfaste de traits, mais la combinaison de ce nombre est censée induire un trait (c’est le cas de le dire !) de caractère associé.
Comme partout, l’association du prénom et du nom de famille doit être cohérente et mélodieuse, tant à l’oral qu’à l’écrit, et toute connotation négative doit être écartée. À signaler : au Japon, il n’existe pas de 2e prénom. Dans un cadre formel, le prénom est présenté après le nom de famille.
En résumé, il convient de respecter un certain nombre de paramètres : veiller à la signification et la lecture des kanjis, à leur nombre de traits et la complexité de leur tracé, tout en privilégiant les kanjis les plus connus. Il s’agit en effet d’éviter à l’enfant les railleries, mais aussi la complexité de l’écriture de son nom !
Transcription et prononciation du prénom japonais
À partir des kanjis, il est impossible de deviner la prononciation du prénom. Aussi la lecture en furiganas (ces petits kanas écrits au-dessus des kanjis pour en donner la prononciation) est-elle requise dans les formulaires officiels. À l’inverse, il est impossible, à partir de la sonorité du prénom, d’en deviner les kanjis, c’est aussi le cas pour les noms de famille. D’où l’importance de la meishi (名刺), la carte de visite. S’y référer est indispensable pour ne pas commettre d’impair inconvenant au moment de la transcription du nom à l’écrit.
Pour autant, la transcription du prénom en kanjis n’est pas une obligation. Certains prénoms ne sont écrits qu’en hiraganas, pour des prénoms anciens, ou en katakanas, lorsqu’il s’agit de prénoms d’origine étrangère. Cette pratique qui se veut moderne n’est cependant pas toujours très bien vue par la société. Un prénom peut aussi mêler kanjis et hiraganas, mais c’est plus rare.
Les nouveaux prénoms japonais : les prénoms « kira kira »
Les prénoms traditionnels basés sur des noms de quartiers (habitant de tel endroit) ont tendance à s’estomper. Depuis quelques années, certains parents de la nouvelle génération se détachent des traditions. Dans les années 1990 est apparu le phénomène des « prénoms kira kira » (キラキラネーム, kira kira nemu), « prénoms étincelants », en référence à leur singularité. Ce phénomène n’a cessé de croître au cours des années 2010.
Ces prénoms ont fait couler beaucoup d’encre dans les journaux, et déclenchèrent bien des débats. Ils font toujours l’objet d’une certaine mode, mais ils sont souvent considérés comme pouvant être délicats à porter. Ils sont en effet souvent décriés, voire moqués par une société plutôt conservatrice qui valorise la norme.
Ces prénoms « kira kira » échappent au cadre expliqué plus haut pour faire preuve d’une certaine inventivité. La jeune génération se montre en effet encline à donner des prénoms originaux, aux sonorités parfois occidentales – souvent anglophones –, en dehors même de tout contexte de métissage.
À ces prénoms à consonance étrangère peuvent être apposés des kanjis, dans une interprétation libre de leur signification ou de leur lecture. Par exemple : on choisit un kanji, et on lui associe la prononciation anglophone du concept qui s’en dégage. Le kanji 心, cœur, peut ainsi se voir prononcé ハート, Haato, (heart). On peut même choisir 2 kanjis et leur associer une prononciation sans aucun lien avec leur signification.
Les prénoms « kira kira » sont largement inspirés de la culture populaire et de l’industrie du divertissement. Mangas, anime, cinéma et jeux vidéo sont autant de sources d’inspiration.
Plus rares, certains prénoms peuvent rendre hommage à un personnage historique. Alors que certains d’entre eux n’étaient écrits qu’en hiraganas, sans être associés à aucun kanji, il revient aux parents de trouver les kanjis correspondant à leur lecture, en essayant d’y trouver là un sens fécond. Mais parfois, la lecture des kanjis apposés aux prénoms « kira kira » ne correspond à aucune lecture jamais recensée pour ce kanji… C’est ce que l’on appelle les prénoms ateji (当て字, « devine »). Bienvenue au royaume de la fantaisie la plus totale…
Autre signe que les temps changent : dans le passé, l’instauration de nouvelles ères a donné lieu à l’éclosion de prénoms en lien avec les kanjis de cette ère. Mais après l’instauration en 2019 de l’ère Reiwa (令和), aucun phénomène de ce style n’a été enregistré. Les prénoms contenant le kanji 和, wa, harmonie, sont loin de se classer dans le top 10.
Les prénoms japonais de garçons les plus courants
En tête du classement des prénoms masculins les plus donnés au Japon en 2019, on retrouve un hommage au monde végétal avec Ren (蓮, lotus, symbole du bouddhisme), suivi de Haruto ou Hanato (陽翔, rayon de soleil brillant), Arata (新, nouveau), Minato ou Sou (湊, port, signe d’un désir d’ouverture à d’autres cultures), Aoi, Sou, Ao ou Sora (蒼, bleu, pour un kanji associé à la luxuriance), Ritsu (律, loi, pour un désir de droiture), Itsuki ou Tatsuki (樹, arbre, pour un désir d’honnêteté), Hiroto, Haruto, Yamato, Daito ou Taiga (大翔, grande aile), Yûma (悠真, à la fois vérité et honnêteté), et Asahi (朝陽, aube).
Du côté des prénoms « traditionnels », citons aussi Isao (勲, mérite), Kazuo (一雄, fils premier né), Ken ou Kenji (健治, en bonne santé, pour un garçon cadet), Yori (頼, digne de confiance), Hiro (広, grand), Akira (明, très intelligent, brillant), et Akemi (暁美, beauté naissante).
Parmi les prénoms masculins « kira kira », le palmarès revient à 男, le kanji de l’homme, phonétiquement – et librement – transcrit アダム, Adamu (Adam). Le prénom mixte 紅葉, dont les kanjis signifient « feuilles d’automne », est lui aussi associé à une lecture pour le moins libre : めいぷる, Meipuru, de maple, érable.
Les prénoms japonais de filles les plus courants
Dans le top 10 des prénoms japonais féminins les plus donnés en 2019, Rin (凛, digne) est suivi par Himari, Hinata ou Hiyori (陽葵, tournesol), Yua, Yuina, Yume ou Yuna (結愛, lien d’amour), An, Anzu ou Anna (杏, abricot), Tsumugi (紬, pongée, tissu de laine et de soie), Riko (莉子, petit jasmin, fleur parfumée), Yuzuki ou Yuuki (結月, lien de lune, pour un désir de connexion avec les autres), Mei (芽依, bourgeon et confiance, signe du vœu d’expériences multiples), Mitsuki ou Mizuki (美月, belle lune) et Koharu (心春, cœur de printemps, pour le souhait d’un cœur aussi doux que la saison des floraisons).
Au chapitre des prénoms « traditionnels », citons encore Ayame (菖蒲, fleur d’iris), Emi (恵美, beauté divine), Kohana (子花, petite fleur), Koto (琴, harpe), Midori (緑, vert), Mieko (美恵子, belle enfant bénie), Miki (美紀 ou 美樹, beauté), Nami (波, vague), Rina (里菜, village de verdure), et Yoko (代子, enfant de la génération).
Dans le peloton de tête des frprénoms féminins « kira kira », 心姫, dont les kanjis signifient « la princesse de cœur », est lu « Kokorohime », ce qui ne correspond pas à la lecture communément admise.
Au nom de la modernité, une jeune génération de parents laisse libre cours à sa créativité en matière de prononciation et de transcription de kanjis. On voit même éclore des prénoms à consonance étrangère, qui font l’impasse sur les kanjis.