Skip to main content

Si, durant votre visite à Hamamatsu (浜松) dans la préfecture de Shizuoka, l’atmosphère vous semble empreinte de magie, il ne s’agit pas seulement du fruit de votre imagination. L’esprit du yaramaika règne sur la culture et l’histoire de Hamamatsu, véritable catalyseur des innovations qui inspira les entreprises fondées dans la ville.

Yaramaika (やらまいか) est un mot du dialecte local, qui résume à lui seul la volonté entrepreneuriale de la région, dont le sens pourrait être traduit par : « Faisons-le quand même ! » Contrairement à l’approche plutôt prudente des innovations qui caractérise généralement le Japon, les entreprises de Hamamatsu sont plus enclines à se lancer avant même de s’assurer des débouchés. Un esprit qui remonte peut-être au temps où un homme prit des risques considérables mais dont l’audace fut récompensée, où Tokugawa Ieyasu devint Shogun après être parvenu à unifier la nation du Japon.

L’avènement du premier Shogun du Japon, et l’histoire de l’innovation à Hamamatsu

Tokugawa Ieyasu passa une grande partie du début de sa vie d’adulte dans le château de Hamamatsu, construit en 1570 pour repousser l’armée du légendaire seigneur de guerre Takeda Shingen. C’est dans ce château que Tokugawa put affiner ses compétences de chef de guerre, mises à l’épreuve par les puissantes forces armées de Takeda, ouvrant ainsi peut-être la voie au futur rôle de Shogun qui lui incomberait des années plus tard.

Tokugawa était à la tête d’une armée formidable, mais loin d’avoir une puissance suffisante pour conquérir l’ensemble du Japon par la force. Pour y parvenir, il dut prendre des décisions d’autant plus audacieuses que de mauvais choix pouvaient lui coûter sa carrière politique, ou même la vie. Mais la volonté de Tokugawa et sa capacité à prendre des risques lui permirent de se renforcer, jusqu’à ce qu’il devienne assez puissant pour vaincre tous ses adversaires, et qu’il soit nommé Shogun en 1603, au commencement de l’époque d’Edo.

Une fois le Japon en paix, sous le règne du clan Tokugawa, Hamamatsu devint l’une des importantes villes d’étape de la route du Tokaïdo, à peu près à mi-chemin entre Kyoto et Edo (l’actuelle Tokyo), la plus grande ville d’étape de la région. Le commerce s’y est développé pour répondre aux besoins des milliers de voyageurs traversant régulièrement Hamamatsu, posant les fondations d’une grande ville prospère.

Instruments électroniques, pianos à queue, et autres instruments de la « ville de la musique »

Pourtant, ce n’est qu’à la fin de l’époque d’Edo que Hamamatsu put révéler son plein potentiel, en devenant un centre majeur de l’industrie et de l’innovation. En 1887, Yamaha Torakusu construisit le premier orgue à anche produit au Japon. Dix ans plus tard, il fondait la société qui devait devenir Yamaha Corporation. Très vite, Yamaha se mit à produire tout un éventail d’instruments de musique et d’équipement sportif, se positionnant en leader sur de nouvelles technologies, à l’exemple des synthétiseurs numériques, et créant de nouveaux matériaux et designs pour des raquettes de tennis ou des skis de piste. À la Yamaha Innovation Road, il est possible de voir et de toucher divers produits sortis des usines de Yamaha au fil des décennies, et les musiciens pourront s’essayer à presque tous les instruments de la gamme Yamaha. Si vous avez toujours rêvé de jouer sur un piano à queue de concert ou de vous écouter jouer au casque le « violon silencieux », vous en aurez ici l’opportunité.

Une gamme de guitares acoustiques Yamaha à la Yamaha Innovation Road au Japon

Il ne s’agit pas du seul fabriquant d’instruments de musique installé à Hamamatsu : on y trouve également Kawai, célèbre pour ses pianos à queue et autres instruments à clavier, et Roland, l’un des principaux fabricants de synthétiseurs et d’instruments de musique électronique.

La présence de ces géants de l’industrie musicale a valu à Hamamatsu le surnom bien mérité de « ville de la musique », dont les habitants se sont pleinement emparés. En vous promenant à Hamamatsu, vous remarquerez que le thème de la musique est omniprésent dans le décor, les affiches publicitaires, et à en croire certains, dans l’architecture même de la ville.

Suzuki, Honda, Yamaha : les origines de l’industrie de l’automobile et de la moto japonaise à Hamamatsu

Les industries de Hamamatsu ne se sont pas contentées de contribuer à l’innovation technologique du seul secteur de la musique. C’est également ici que virent le jour de célèbres fabricants d’automobiles et de motos à la renommée mondiale : Suzuki, Honda, et Yamaha.

Depuis son ouverture en 1909, Suzuki s’est toujours donné comme objectif de créer des produits en tenant compte du point de vue des consommateurs, se donnant pour slogan « Products with Value » (des produits de valeur). En 1920, Suzuki était un fabricant de métiers à tisser. Ce n’est que plus tard, en 1952, qu’il se lança dans la fabrication de moyens de transport, en produisant une motocyclette composée d’un petit moteur monté sur un vélo. En 1955, l’entreprise lança la Suzulight, une voiture qui connut un grand succès, ouvrant la voie à l’avènement des voitures légères.

Depuis, Suzuki a poursuivi sa route, devenant l’un des plus grands constructeurs automobiles du monde, avec des sites de production dans le monde entier. Les voyageurs à Hamamatsu peuvent aller à la Suzuki Plaza, où est exposée une collection impressionnante de motos, de voitures, et d’autres produits Suzuki, qu’ils soient vintage ou modernes, créant une sorte de fresque chronologique dans laquelle se promener. Une reconstitution de l’atelier de production des voitures Suzuki à un autre étage expose le détail de chaque étape du processus de fabrication.

Le Honda Technical Research Institute fut fondé par Honda Soichiro en 1946 dans le but de fabriquer des vélos motorisés. Cet institut devint la Honda Motor Company en 1948, et se mit à vendre tout un panel de motocyclettes et d’automobiles, dont elle devint l’un des plus grands fabricants au monde. Le lieu de naissance de Honda Soichiro, Futamata-cho, dans le quartier de Tenryu-ku, à Hamamatsu, abrite le Honda Soichiro Craftsmanship Center, un petit musée consacré aux innovations de cette célébrité de Hamamatsu. Le musée retrace la vie de Honda Soichiro et l’histoire de sa société, exposant des photographies et des modèles des premières motos produites par l’usine.

Yamaha s’est, quant à elle, lancée dans le secteur des motocyclettes en créant la branche Yamaha Motor Co. en 1955, indépendante du reste de la société. La même année, l’entreprise se fit remarquer grâce à une moto Yamaha qui remporta une course nationale. Depuis, Yamaha Motor Co. produit de nombreuses gammes de motos, devenant un acteur majeur du secteur sur le plan international. Aujourd’hui, l’entreprise compte plus de 20 filiales à travers le monde.

Un esprit d’innovation perpétuelle à Hamamatsu

Le yaramaika de Hamamatsu ne se limite pas à ses entreprises les plus connues. Cette même volonté de se lancer dans des projets avec confiance se retrouve chez les habitants de la ville, qu’il s’agisse de figures célèbres ou d’entrepreneurs de notre époque.

Le musée Akino Fuku : un musée d’art à l’architecture hors du commun, construit en bois de cèdre et en plâtre

Perché au sommet d’une colline du quartier de Tenryu, à Hamamatsu, lieu où l’artiste Akino Fuku naquit en 1908, le musée Akino Fuku est doté d’une architecture particulière. L’amour qu’Akino portait à l’art l’amena à effectuer de nombreux voyages à l’étranger, allant jusqu’à accepter un poste de professeur à l’université Visva-Bharati, en Inde, à l’âge de 54 ans. On retrouve des traces de ses voyages en Inde, en Afghanistan, au Cambodge et en Afrique dans ses œuvres, qui intègrent ces différentes influences dans ses peintures japonaises.

L'extérieur du musée Akino Fuku à Hamamatsu, au Japon
Visitez le musée Akino Fuku pour découvrir les œuvres d’Akino Fuku tout en admirant l’architecture inhabituelle du musée, construit à l’aide de matériaux comme le bois de cèdre de Tenryu et le plâtre brut.

Akino a sans cesse bousculé l’immobilisme de l’art traditionnel japonais, et ses efforts furent récompensés en 1999, lorsqu’elle reçut la prestigieuse distinction de l’Ordre du mérite culturel. Les visiteurs pourront admirer l’architecture inhabituelle du musée, mettant en avant la texture du bois de cèdre de Tenryu et du plâtre brut, qu’Akino elle-même aurait tant apprécié. Le contact avec ces différentes textures est d’autant plus physique que l’on doit se déchausser pour entrer dans les espaces d’exposition, avant d’avancer sur des sols en rotin et en marbre. La vaste collection d’œuvres du musée est exposée par roulement, changeant régulièrement les expositions en place.

La ferme Enami : les secrets d’une confiture plusieurs fois primée

Forte de ses nombreux jours d’ensoleillement, Hamamatsu est réputée pour les délicieux agrumes que l’on y cultive. Tirant parti de ce don de la nature, la ferme Enami a conçu une gamme de confitures récompensée à de multiples reprises qui s’est forgée une réputation dans le monde entier. La ferme Enami cultive et transforme ses propres agrumes, sans employer d’herbicide, ou achète ses fruits directement auprès de producteurs connus des propriétaires et en qui ils ont confiance, gardant ainsi un contrôle total sur l’ensemble du processus de fabrication des confitures, et s’assurant de l’absence d’additifs dans leurs produits.

Si de nombreuses confitures sont produites à partir d’agrumes sélectionnés précisément pour offrir une forte teneur en sucre, la ferme Enami a fait le choix de se servir des fruits d’origine, donnant à leurs confitures une saveur fidèle aux agrumes dont elles sont issues. Le résultat est que plusieurs des confitures produites à Enami ont été récompensées de médailles lors de la Marmalade World Competition au Royaume-Uni, remportant consécutivement au moins une médaille d’or au cours des six dernières éditions.

Nukumori Koubou : sacs, chaussons, kimonos, et autres créations textiles en coton

C’est durant l’époque d’Edo que la production de tissus en coton a commencé dans la région de Hamamatsu, mais l’avènement des métiers à tisser mécaniques de Toyota et de l’entreprise locale Suzuki ont permis à Hamamatsu de devenir l’un des principaux producteurs de tissus en coton entre le début et le milieu du XXe siècle. La région d’Enshu, dans laquelle se trouve Hamamatsu, bénéficie d’un climat idéal pour la culture du coton. Hamamatsu eut donc la chance de disposer à la fois des matières premières et des technologies nécessaires à la production de tissus en coton.

Bien que la concurrence étrangère ait eu un impact considérable sur la production de tissus japonais, Nukumori Koubou fait partie des entreprises japonaises qui continuent à faire vivre cette tradition à Hamamatsu. Le tissu produit par Nukumori, connu sous le nom d’Enshu Men Tsumugi (遠州綿紬) a la particularité d’arborer une texture naturelle irrégulière. L’entreprise produit plus de 150 types de tissus à rayure ou à motifs, utilisés dans la conception d’objets du quotidien, allant du sac aux chaussons, en passant par les kimonos. Pour fabriquer ces tissus, Nukumori emploie des techniques de fabrication traditionnelles et modernes, qui furent perfectionnées à Hamamatsu, et dont l’usage se fait chaque année plus rare et plus précieux.

Les amateurs d’artisanat et de textile seront ravis de visiter le siège de Nukumori, où ils pourront découvrir de nombreux articles produits à partir de leurs tissus. Mais même si vous n’avez pas l’occasion de vous y rendre, vous trouverez des articles de Nukumori à la vente dans des hôtels de luxe comme Hoshino Resorts Kai Enshu, ou bien au grand magasin Hands (anciennement Tokyu Hands) qui se trouve dans le centre commercial à proximité de la gare de Hamamatsu.

Shunkado : goûter aux Unagipie, et découvrir des desserts de luxe dans un bâtiment au design inspiré

Le nom de Shunkado n’est peut-être pas connu de beaucoup de personnes, mais celui de leur produit le plus en demande l’est bien plus : les Unagipie. Si son nom fait référence aux « pies » en anglais (des tartes), l’Unagipie ressemble moins à une tarte qu’à une pâtisserie allongée. Cette douce friandise irrésistiblement savoureuse est en revanche réellement préparée avec de la poudre d’anguille unagi, mélangée à la pâte, mais on vous pardonnera de ne pas en déceler le goût subtil.

L’unagi est une spécialité du lac de Hamamatsu, le lac Hamana. C’est donc tout naturellement que cet ingrédient surprenant s’est retrouvé dans la pâtisserie de cette entreprise locale. Mais la carte du Shunkado ne se limite pas à des pâtisseries à l’anguille, la gamme complète de ses desserts peut être découverte (et dégustée) dans deux établissements uniques en leur genre : SWEETS BANK et nicoe.

Un restaurant à l'architecture surprenante à Hamamatsu, au Japon
nicoe possède des espaces pour les enfants comme pour les adultes, en intérieur et en extérieur. Son restaurant sert des repas aussi sains que délicieux, en plus des desserts préparés à partir des produits de Shunkado.

Derrière son apparence reconnaissable au premier coup d’œil, prenant la forme d’une table et de chaises géantes, SWEETS BANK est à la fois un restaurant de desserts, une boutique, et une succursale de la banque de Hamamatsu Iwata Shinkin. Le style du bâtiment, qui évoque une œuvre d’art moderne, et l’originalité des desserts qui sont servis à SWEETS BANK, préparés à partir des produits de Shunkado, lui ont gagné une renommée aussi bien auprès des habitants de la ville que des touristes.

Nicoe se présente quant à lui comme un centre communautaire du quartier de Hamikata, proposant des espaces aussi bien adaptés aux enfants qu’aux adultes, en intérieur comme en extérieur. Fruit d’une collaboration entre des créateurs venus de l’architecture, du design, et de la restauration, l’établissement est accueillant, incitant les visiteurs à venir se détendre dans l’atmosphère relaxante de Hamamatsu, tout en savourant de plats délicieux. Contrairement à SWEETS BANK, nicoe ne propose pas que des desserts ; le restaurant sert des repas aussi sains que délicieux, ce qui peut vous aider à vous sentir moins coupable de succomber à la tentation des desserts inspirés des produits de Shunkado.

La ligne ferroviaire Tenryu Hamanako Railroad, un train sur le thème d’Evangelion pour voir des paysages pittoresques

Si la majeure partie du Japon est desservie par l’une des branches régionales du réseau Japan Railway, il existe également des compagnies ferroviaires privées qui proposent des services originaux à leurs voyageurs. La ligne ferroviaire Tenryu Hamanako Railroad, également connue sous le nom de Tenhama, relie entre eux certains des plus grands sites touristiques de Hamamatsu, tout en invitant ses passagers à admirer la beauté naturelle de la région au cours du trajet.

Les trains de la ligne Tenhama circulent entre Kakegawa, à l’est, notamment connue pour sa pittoresque tour de château en bois, et Shinjohara, à l’ouest du lac Hamana. En chemin, les trains passent devant des rangées de cerisiers en fleur durant le printemps, de luxuriantes rizières et champs de thé en été, des érables japonais et des lycoris rouges en automne, et des vues cristallines sur les rives du lac Hamana en hiver.

Le lac Hamana, à Hamamatsu au Japon

Également en route, vous pouvez descendre du train à des gares intéressantes comme Fruit Park, pour vous rendre au Hamamatsu Fruit Park où l’on peut pique-niquer et cueillir des fruits, ou à la gare de Kiga, où se trouve l’ancien poste de contrôle de Kiga sur la route du Tokaïdo à l’époque d’Edo.

La beauté des paysages de Hamamatsu n’est pas le seul atout de la ligne Tenhama. Afin de retenir la faveur des amateurs de trains, la compagnie imagine constamment de nouvelles collaborations avec différentes entreprises et médias. Les fans de la série animée Evangelion seront ravis de monter à bord de leur train Evangelion et de visiter la gare de Tenryu-Futamata, qui fit récemment une apparition dans un film Evangelion. Des produits dérivés sur le thème d’Evangelion sont par ailleurs en vente dans diverses gares de la ligne ferroviaire.

Comment se rendre à Hamamatsu

Grâce aux trains à grande vitesse, Hamamatsu est si proche de Tokyo et de Kyoto qu’il vous sera facile d’ajouter cette ville à votre itinéraire si vous séjournez dans l’une ou l’autre de ces villes. Depuis Tokyo, comptez environ 1h30 pour arriver en gare de Hamamatsu, et 1h depuis Kyoto. En vous servant du Japan Rail Pass, faire un arrêt à Hamamatsu entre Tokyo et Kyoto ne vous coûtera rien.

De l’époque où elle fut le terrain de formation du futur Shogun du Japon à son développement frénétique qui en fit la ville de la musique et des véhicules motorisés, en passant par les idées novatrices des entreprises et artistes locaux de nos jours, l’innovation est depuis longtemps ancrée au cœur de l’histoire et de la culture de Hamamatsu. Pour les visiteurs qui voyagent au Japon, se rendre à Hamamatsu permet d’être témoin de ces innovations permanentes, et d’apprécier les atouts de la ville à la lumière de son histoire hors du commun.

Article écrit en partenariat avec la ville de Hamamatsu

Article traduit de l’anglais par Joachim Ducos

Todd Fong

Todd Fong

Freelance writer, photographer, and mentor. Japan-based, Oaktown (Oakland, California) born. Freelance writing and photography work includes Lonely Planet, Voyapon, Metropolis Japan, and many regional tourism websites around Japan.

https://www.toddfong.com