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Le Japon est un pays d’une grande richesse culturelle et religieuse, qui diffère d’une région à l’autre. Voyager dans le pays n’en devient que plus intéressant, car on en découvre toujours de nouvelles facettes selon les endroits où l’on se rend. Cette fois, je me suis rendue dans la préfecture de Shimane, et plus précisément dans la région d’Iwami. J’y ai découvert un rituel très impressionnant : l’Iwami Kagura. Laissez-moi vous raconter mon expérience sur place, et tout le travail qui se cache derrière ce magnifique spectacle de danse.

Iwami Kagura : l’histoire d’une danse shintoïste vieille de plusieurs siècles

Le kagura (神楽), qui signifie littéralement « divertir les dieux », est un rituel sacré de danse et de musique dédié aux divinités shintoïstes. Ses racines remontent à l’Antiquité, mais son origine n’est pas connue avec précision. Selon l’une des théories existantes, le kagura proviendrait de l’histoire d’Amano-Iwato, l’un des mythes figurant dans le Kojiki, le document le plus ancien du Japon, écrit il y a environ 1300 ans. L’histoire d’Amano-Iwato raconte que la déesse du soleil, Amaterasu Okami, se cachait derrière un rocher, tandis que les dieux dansaient et jouaient de la musique dans l’espoir de l’amadouer, une histoire que l’on retrouve souvent aujourd’hui dans les performances de kagura.

Au fil des siècles, le kagura évolua et se propagea à travers le Japon, donnant l’occasion à chaque région d’apporter sa touche personnelle à cette performance traditionnelle. L’Iwami Kagura est connu pour son rythme rapide, tant au niveau de la musique que de la danse, pour ses costumes magnifiques, et ses histoires mettant en scène des mythes anciens. De nombreuses performances de kagura reprennent des histoires figurant dans le Kokiji ou d’autres récits historiques, mettant souvent en scène des affrontements entre dieux et démons.

Assister à une représentation d’Iwami Kagura

Des représentations d’Iwami Kagura ont lieu régulièrement dans plusieurs salles, le plus souvent durant le week-end. Pour ma part, j’ai assisté à une représentation dans le sanctuaire de Sanku, à Hamada (浜田市), où des représentations ont lieu le samedi tout au long de l’année à quelques exceptions près. Les représentations prennent place sur une scène située à l’intérieur du sanctuaire et qui est considérée comme un espace sacré. Des bandes de papier en forme de zigzag sont suspendues au plafond pour délimiter l’espace sacré de la salle.

Ce soir-là, deux histoires furent jouées, et chacune durait environ 30 minutes. La première, Jinrin (塵輪), racontait l’histoire de la confrontation entre deux divinités et deux démons. Les divinités en question, l’empereur Chuai (qui régna de 192-200) et son vassal, se battaient à l’aide d’arcs et de flèches sacrés. Le général-démon Jinrin finit par être vaincu et le Japon retrouva la paix. Lors de l’apparition du démon, des fumigènes sont utilisés sur scène. Les danseurs, vêtus de costumes lourds mais somptueux, se déplacent très rapidement, offrant des scènes de combat très impressionnantes.

La deuxième histoire s’appelle Orochi (大蛇), ce qui signifie littéralement « serpent géant ». Il s’agit de l’un des mythes les plus connus du Japon. Un couple de personnes âgées demande au dieu Susano de sauver leur dernière fille d’un serpent géant à huit têtes. Susano fait boire de l’alcool empoisonné au serpent avant de le combattre à l’épée. La danse du serpent géant était particulièrement impressionnante sur cette petite scène. Incarné par quatre danseurs, le serpent remplissait la totalité de l’espace. Ici encore, des fumigènes furent utilisées, ainsi que quelques jeux de pyrotechnie.

Assister à ce spectacle de danse à l’intérieur du sanctuaire de Sanku fut tout à fait spectaculaire. Gardez cependant en tête qu’en fin d’automne et durant l’hiver, il y fait froid, et qu’il est donc préférable de bien penser à se couvrir chaudement pour profiter confortablement de la performance.

Découvrir les coulisses de l’artisanat qui sa cache derrière les performances de l’Iwami Kagura

Une performance d’Iwami Kagura demande beaucoup de travail et de préparation en amont. Je ne parle pas seulement l’apprentissage des danses, des textes, et de la musique, mais aussi de la conception des costumes que portent les danseurs. La fabrication de ces costumes est profondément ancrée dans la région d’Iwami. Le papier washi Sekishu, produit dans la région, est par exemple un élément essentiel à l’Iwami Kagura, utilisé dans la conception des masques, du corps des serpents, et des costumes. Vous pourrez en apprendre plus sur le processus de fabrication de ce papier au Sekishu Washi Center.

Lors de mon voyage à Hamada, j’ai eu l’occasion de me rendre dans trois établissements de la ville liés à l’Iwami Kagura, ce qui m’a permit de découvrir les coulisses de l’artisanat et de mieux comprendre les spécificités de l’Iwami Kagura.

L’atelier de masques Kakita Katsuro

Les masques (石見神楽面, Iwami Kagura men) sont l’un des éléments les plus importants de l’Iwami Kagura. Dans l’atelier de masques Kakita Katsuro, on travaille durant environ un mois pour produire un masque. Cette entreprise familiale fabrique des masques de divinités, de démons, de serpents, et autres personnages de ces histoires mythiques.

De nombreuses étapes sont nécessaires à la fabrication d’un masque, qui commencent par le façonnage de la forme du masque à l’aide d’argile avant d’y déposer plusieurs couches de papier washi Sekishu. Traditionnellement, ces masques sont faits en bois, mais l’utilisation de papier washi permet de rendre les maques beaucoup plus légers, et donc plus faciles à porter durant les représentations. Une fois que le papier washi est sec, on brise l’argile qui se trouve à l’intérieur du masque pour la retirer. Une tige de métal chauffée est ensuite utilisée pour percer des trous au niveau des yeux et à l’emplacement des cheveux.

Une fois la base du masque terminée, il faut la peindre. On commence par le fond, avant d’ajouter les détails au pinceau, faisant ressortir les expressions faciales du masque. Les masques étant fabriqués à la main, chaque exemplaire est unique.

Dans la boutique, qui se trouve à l’intérieur de la maison familiale, vous pourrez découvrir les différents masques qui sont disponibles à la vente. Des masques personnalisés peuvent être réalisés à la demande, mais leur production peut prendre entre 3 et 6 mois.

Le magasin de costumes Hosokawa Kagura

Tout comme les masques, les costumes portés par les danseurs de l’Iwami Kagura sont faits à la main. Dans le magasin de costumes Hosokawa Kagura, j’ai pu découvrir en détail le travail effectué sur ces costumes. Lorsque les motifs du costumes sont déterminés, les contours sont tracés sur le tissus, avant que ne commence le travail de broderie. De véritables fils d’or et d’argent sont utilisés pour créer de magnifiques motifs, représentant souvent des démons et des serpents.

Les différentes pièces d’un même costume sont fabriquées séparément, puis assemblées comme un puzzle. Une fois terminé, un costume peut peser jusqu’à 20 kg, les danseurs qui les portent doivent donc longuement s’entraîner et développer une grande dextérité pour se déplacer ainsi vêtus. Visiter un magasin de costumes de Kagura permet de les observer de plus près. Vous remarquerez les nombreux points utilisés pour créer ces motifs élégants, ce que l’on peut difficilement deviner lorsque les danseurs sont sur scène.

L’atelier de fabrication de costumes de serpent Ueda

Pour moi, l’un des points forts de la représentation de kagura fut l’arrivée du serpent géant sur scène. Le corps tubulaire du costume de serpent (蛇胴, jadou) fait 17 mètres de long et pèse entre 10 et 12 kg. Maître Ueda, de la troisième génération d’Ueda Snake Barrel Workshop, m’expliqua le processus de fabrication de ces costumes.

Les costumes de serpent sont principalement constitués de papier washi Sekishu et de bambou. Trois couches de papier washi sont d’abord collées autour d’une structure en bambou. Une fois sec, le papier est solide, et quasiment indéchirable. Le costume est ensuite peint, puis plié. Le principe est similaire à celui des lanternes suspendues, il est possible d’allonger ou de raccourcir le corps du serpent, et de se déplacer dans plusieurs directions. Pour finir, les différentes parties du corps sont attachées ensemble pour former le serpent dans son intégralité. La fabrication du corps du serpent prend une dizaine de jours.

Comment se rendre à Hamada

Hamada est desservie par la ligne JR San-In. Il faut compter environ 1h30 de trajet à bord d’un train express depuis Matsue, capitale de la préfecture de Shimane. La gare Shinkansen la plus proche est la gare de Shin-Yamaguchi, à environ 2h de train express de Hamada. Des bus JR circulent également entre Hiroshima et Hamada et font le trajet en environ 2h. L’ensemble de ces moyens de transports sont couverts par le Japan Rail Pass.

Depuis Tokyo, il est possible de se rendre à l’aéroport de Hagi-Iwami en avion. Un bus fait le trajet entre l’aéroport et Masuda, où il vous faudra monter à bord d’un train express qui vous mènera à Hamada en une quarantaine de minutes.

*Une offre spéciale permet aux voyageurs ne résidant pas au Japon de prendre un bus express entre Hiroshima et Hamada pour 500 yens. (tarif applicable en mars 2022)

L’Iwami Kagura n’est pas qu’une simple danse traditionnelle qui prend place sur scène — elle réunit des personnes qui y mettent tout leur cœur. Lors de ma visite, j’ai découvert la passion de ceux qui participent d’une manière ou d’une autre à sa mise en œuvre, et je me suis aperçue que l’Iwami Kagura fait partie de la vie quotidienne de la région.

Article écrit en partenariat avec l’Iwami Tourism Promotion Committee
Traduit de l’anglais par Joachim Ducos

Claudia Mitsubori

Claudia Mitsubori

Grown up in the middle of Germany, I made several trips to Japan since 2010, did one year Working Holiday and started living in Western Tokyo since October 2016 with my Japanese husband and our cute cat. I love traveling, food (especially sweets), learning more about Japanese traditions, Japanese music and everything related to cats. I am looking forward to share my experiences with you!

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