Yamaga est une région montagneuse au nord-ouest de la ville de Kitsuki (杵築), dans la péninsule de Kunisaki, sur l’île de Kyushu. Elle promeut un « tourisme vert » ou écotourisme, qui permet à tous d’expérimenter la vie à la campagne au Japon en séjournant en noka minshuku (農家民宿), des chambre d’hôtes chez des agriculteurs.
Lors de mon voyage dans le péninsule de Kunisaki, un couple de septuagénaires très chaleureux m’a ainsi fait partager son quotidien rythmé par la culture de champignons shiitake, du riz et d’oignons. Ils font également pousser quelques légumes et fruits, uniquement destinés à leur consommation personnelle, leur objectif étant d’être quasiment autosuffisants.
Cueillette de champignons shiitake
La préfecture d’Oita concentre à elle seule 48 % de la production japonaise de shiitake. Les champignons sont cultivés sur des souches de chêne. Grâce aux nutriments contenus dans les souches, ils peuvent pousser sans traitement chimique. Les agriculteurs (plus précisément les mycoculteurs) érigent des sortes de barrières en bois formées de bûches disposées en chevrons qui constituent des bandes de champignonnières.
Les phases d’une culture de champignon sont les suivantes :
- La semence de champignon (matériau de propagation, désignée sous le nom de « blanc » en français);
- La préparation des bûches, supports de la culture;
- L’ensemencement des bûches par le mycélium;
- Le contrôle du développement du mycélium;
- Enfin la récolte et le conditionnement. Les shiitake sont vendus frais, mais on les sèche quand la production est trop abondante, notamment au printemps, la meilleure période de récolte.
J’ai pu participer à la cueillette des shiitake, en suivant les indications de mes hôtes pour savoir s’ils étaient prêts à être ramassés. Nous avons ensuite trié et emballé la récolte du jour. Nous avons mis de côté les spécimens qui présentaient un défaut pour les cuisiner plus tard.
Recettes automnales et familiales
Pendant ce séjour en noka minshuku, j’ai également appris à cuisiner une sorte de flan préparé à partir des cacahuètes cultivées localement. Nous avons fait légèrement griller les arachides puis retiré la fine peau qui entoure les graines. Après un trempage dans de l’eau durant quelques heures, nous les avons les mixées avec de l’eau et passé le liquide épais obtenu à travers un sac à mailles fines. Ce lait végétal est ensuite mélangé à du kudzu, une fécule obtenue à base de racine de fougère, et lentement chauffé jusqu’à ce qu’il épaississe.
Dernière étape, on le verse dans un moule et on réserve au frais durant au moins douze heures. Nous avons dégusté ce tofu qui n’en est pas un (puisqu’il ne contient pas de soja !) au petit-déjeuner, accompagné d’un peu de miso parfumé aux écorces de yuzu, également fait maison. Rien ne se perd dans cette recette puisque l’okara, la pulpe solide qui reste après avoir confectionné le lait végétal, peut être utilisée pour préparer des biscuits.
Autre expérience culinaire, la confection de hoshigaki (干し柿), ou kakis séchés. L’image des « rideaux » de kakis séchant à l’air libre vient immédiatement à l’esprit de quiconque s’est rendu à la campagne au Japon en automne. Le plaqueminier situé juste en face de la maison produit des fruits extrêmement astringents si on s’avise de les goûter tels quels.
Pourtant, après avoir été pelés, passés quelques secondes dans de l’eau bouillante et finalement séchés durant une quinzaine de jours à l’air libre, ils expriment tous leur parfum et leur douceur est comparable à celle de dattes fraîches moelleuses. J’ai patiemment épluché les fruits tout en conservant en partie leur tige et et un bout de branche. Nous les avons ensuite attachés à une corde pour former une sorte de guirlande destinée à être suspendue à la verticale dans un hangar à l’abri de l’humidité, à l’arrière de la maison.
Un échange enrichissant
Outre ces expériences relatives à la mycoculture et à la vie rurale au Japon, nous avons abordé des sujets variés, depuis leur travail quotidien, nos cultures respectives, nos familles, les voyages, jusqu’à la politique ou encore les problèmes environnementaux actuels. En effet, le réchauffement climatique les affecte directement : comme l’attestent des photographies prises il y a une quinzaine d’années, les récoltes de champignons ont tendance à diminuer dernièrement.
La famille de Sato-san communique uniquement en japonais, mais ils ont par le passé accueilli des familles anglophones et une jeune indonésienne a même séjourné chez eux durant toute une année. Ils reçoivent très régulièrement de jeunes collégiens et lycéens japonais pour leur faire découvrir la vie à la campagne.
Hôtes attentifs et désireux de partager tout ce qu’ils pouvaient, ils m’ont conduit à l’onsen local et après le dîner, nous avons admiré les champs illuminés d’un agriculteur voisin.
Le riz, qu’ils cultivent eux-mêmes, est précieux et au centre des repas. Il sert également à confectionner du miso, et la première part de tout riz fraîchement cuit fait l’objet d’une offrande aux ancêtres.
J’ai même reçu en cadeau souvenir de la noka minshuku des shiitake que nous avions récolté ensemble la veille, des petites courges kabocha et des kakis séchés.
Pour en savoir plus :
Le site internet de Yamaga Green Tourism – 山香グリーンツーリズム, uniquement en japonais, offre plus d’information sur le séjour en noka minshuku et permet de réserver via l’adresse mail des hôtes.
Jusqu’à six personnes peuvent loger dans la maison.
Découverte de Kitsuki et séjour en noka minshuku en partenariat avec Tourism Oita.