Visiter le Japon en hiver est une expérience très agréable. C’est l’occasion de pratiquer des sports d’hiver, de déguster d’appétissants plats de saison, de se réchauffer dans de paisibles bains d’eau thermale, et d’admirer des paysages exceptionnels, recouverts de la légendaire neige poudreuse du Japon.
Chaque hiver, le nord du Japon bénéficie d’abondantes chutes de neige, et le parc national de Bandai-Asahi (磐梯朝日国立公園), dans la région du Tohoku, fait partie des plus belles destinations pour découvrir la beauté magique de ces paysages d’hiver. Il s’agit du deuxième plus grand parc national japonais au regard de sa surface terrestre, recouvrant une vaste étendue, depuis les montagnes Dewa Sanzan au nord, jusqu’au lac Inawashiro et au mont Bandai au sud.
La station de ski d’Inawashiro : skier sur les flancs du mont Bandai
J’ai débuté mon voyage à la station de ski d’Inawashiro (猪苗代スキー場), située sur les flancs du mont Bandai, dans la préfecture de Fukushima, à laquelle on peut se rendre via une navette gratuite au départ de la gare d’Iwanashiro.
J’ai appris à skier en Europe, dans les Alpes, lorsque j’étais adolescent. Mais j’habitais alors loin des montagnes, et ce n’est qu’après avoir déménagé au Japon que j’ai commencé à skier de manière plus régulière. Par chance, la plupart des 18 parcours de ski de la station d’Inawashiro sont adaptés aux skieurs débutants et intermédiaires dont je fais partie. Mais les amateurs de ski ou de snowboard dont le niveau est plus avancé pourront également se faire plaisir. La station possède aussi deux snowparks munis de rampes et de rails qui raviront les amateurs de saut souhaitant faire quelques figures.
Je suis arrivé à l’heure du déjeuner, et je me suis donc directement dirigé vers le restaurant de la Center House, dans lequel on peut commander des plats aussi réconfortants que copieux, comme des ramen, du curry japonais, ou du poulet frit. Après le repas, je me suis dirigé vers le bâtiment voisin qui propose skis et snowboards à la location. Je n’avais rien pris avec moi car je ne souhaitais pas m’encombrer pour le reste de mon voyage, mais ce magasin de location dispose de tout le nécessaire, on peut même y louer des vêtements et des lunettes de ski.
Comme je suis venu en semaine, les skieurs et snowboardeurs étaient rares sur les pistes, une excellente nouvelle car je n’avais pas à faire la queue pour prendre le télésiège qui m’emmenait en haut de la montagne.
Depuis le sommet, par temps clair, on peut profiter d’une vue imprenable sur le lac d’Inawashiro. Lorsque j’ai commencé à skier, la neige tombait abondamment, et le paysage n’était donc pas aussi envoutant qu’il peut l’être. Mais rien qui ne puisse entamer mon enthousiasme, puisque la piste de ski était recouverte d’une merveilleuse couche de neige fraîche. Avant de venir à Iwanashiro, je m’étais systématiquement retrouvé dans des stations de ski japonaises noires de monde. C’était donc la première fois de ma vie que j’avais l’occasion de skier sur de la poudreuse encore intacte. Tracer mon chemin dans cette neige légère et cotonneuse me procura des sensations tout simplement incroyables.
Séjourner à Urabandai Lake Resort
J’ai pris un taxi à la station de ski pour me rendre à Urabandai Lake Resort (裏磐梯レイクリゾート), où je m’apprêtais à passer la nuit, mais une navette gratuite fait également le trajet depuis la gare d’Inawashiro. L’hôtel se trouve sur les rives du lac Hibara, entouré de magnifiques paysages.
Les nombreux plats du dîner kaiseki servi dans le restaurant de l’hôtel furent un régal tant pour les yeux que pour les papilles. Le menu, qui change en fonction de la période de l’année, met à l’honneur les produits de saison. Quelques spécialités locales entrent également dans sa composition, comme la copieuse soupe aizu kozuyu, préparée à partir d’un bouillon de coquilles Saint-Jacques séchées et de légumes variés.
Fukushima étant célèbre pour produire un saké de grande qualité, je vous recommande d’accompagner votre repas d’un nomikurabe, un plateau composé de trois sakés produits localement, ce qui vous donnera l’occasion de découvrir différentes saveurs.
Rien de mieux pour terminer une journée de ski que de se prélassez dans l’un des bains d’eau thermale de l’hôtel. Je vous recommande vivement de faire un tour dans le bain extérieur rotemburo, qui offre une vue imprenable sur le lac Hibara.
Si vous désirez profiter encore un peu de la soirée avant d’aller vous coucher, vous pourrez prendre un verre à l’hôtel du bar, où il vous sera possible de jouer aux fléchettes, au billard, au ping-pong, et même de faire quelques swings dans un simulateur de golf !
Partir à la découverte des étangs de Goshikinuma en raquettes
Le lendemain, j’allais à la rencontre de Watanabe-san, un guide avec qui j’allais partir en raquettes à la découverte des étangs de Goshikinuma (五色沼), à seulement quelques minutes à pied d’Urabandai Lake Resort. C’était la première fois que je chaussais des raquettes, mais contrairement au ski, nul besoin d’acquérir les bases de techniques complexes pour se lancer, tout le monde peut se faire plaisir en partant faire une randonnée en raquettes.
Goshikinuma désigne un ensemble d’étangs naturels qui présentent chacun une couleur bien distincte, allant du vert rougeâtre au bleu cobalt, ce qui leur vaut ce nom que l’on pourrait vaguement traduire par « les marais aux cinq couleurs ». Ces étangs furent créés par une éruption du mont Bandai en 1888. Cette éruption fut si puissante que les paysages aux alentours de la montagne en furent transformés, et qu’elle vint déposer des minéraux dans les sous-sols, qui sont à l’origine des différentes couleurs des étangs. La région est d’une telle beauté que le Guide Vert Michelin lui a décerné une étoile en 2016.
Pendant que nous marchions dans cette paisible forêt, dénuée de tout signe de présence humaine, nous aurions pu nous croire à plusieurs jours de marche de toute civilisation, alors que nous n’étions en réalité qu’à quelques minutes de l’hôtel à pied. Watanabe-san me montra les empreintes que certains animaux avaient laissées dans la neige, ainsi qu’un arbre sur lequel il ours noir avait laissé des traces de griffure.
Mon moment préféré de cette balade fut la découverte d’Aonuma (青沼), un étang d’une couleur bleue si belle qu’il semblait irréel. Cette couleur vive entourée par le blanc immaculé de la neige était absolument fascinante, créant une scène que l’on aurait pu croire tout droit sortie d’un conte de fées.
Pénétrer dans l’un des domaines spirituels de Dewa Sanzan
Le jour suivant, je me suis rendu au mont Haguro (羽黒山), l’une des trois montagnes de Dewa Sanzan (出羽三山), dans la préfecture de Yamagata. Durant des siècles, ces montagnes ont servi de lieu d’entraînement aux yamabushi (山伏), les adeptes du Shugendo (修験道), une pratique ascétique et folklorique, qui se base sur le culte de la montagne, tout en s’inspirant fortement des croyances shintoïstes et de certains éléments du bouddhisme ésotérique. Chacune des trois montagnes possède un sanctuaire dans lequel on vénère des kami, les divinités shintoïstes. Faire un pèlerinage dans ces trois montagnes est considéré comme une expérience qui transforme le pèlerin en profondeur, chaque montagne représentant une étape différente. Le mont Haguro correspond à la vie actuelle, le mont Gassan (月山) à l’au-delà, et le mont Yunodo (湯殿山) à la renaissance.
Le mont Haguro est le plus facile d’accès des trois, et sert de porte d’entrée vers Dewa Sanzan. En hiver il s’agit du seul mont qu’il est possible de visiter, en raison des fortes chutes de neige. L’office du tourisme de Gassan se trouve donc sur le mont Haguro, et vous pourrez en apprendre plus sur ces montagnes tout en vous réchauffant près d’un poêle à granulés, en sirotant un café. Il est également possible d’y louer des raquettes, mais puisque j’avais déjà eu l’occasion de m’y essayer la veille, j’ai décidé de partir dans la montagne à l’ancienne : avec des kanjiki, des raquettes traditionnelles japonaises.
Quand je suis sorti, j’ai pu constater que l’on s’enfonce beaucoup plus profondément qu’avec des raquettes modernes, ce qui rend la marche plus difficile. Je ne recommanderais donc pas de parcourir de longues distances en kanjiki, mais ce fut une expérience très plaisante, qui m’a permis d’apprécier d’autant plus le confort des évolutions de notre époque.
Un chemin, appelé Haguro Sando (羽黒山参道), débute au pied de la montagne et grimpe jusqu’à son sanctuaire principal, qui se trouve au sommet. Quelques 2446 marches jalonnent ce chemin d’environ deux kilomètres, bordé d’immenses cèdres, vieux de trois à cinq cents ans pour la plupart d’entre eux.
La porte rouge Zuishimon (随神門) marque le début du chemin. Elle était autrefois accompagnée des statues de deux divinités protectrices bouddhistes, mais elle fut transformée en porte shintoïste durant la fin du XIXe siècle, quand un fort mouvement anti-bouddhiste traversait le pays.
Pour faire face à l’épaisse couche de neige qui recouvrait le chemin, j’avais loué des bottes en caoutchouc et des bâtons de randonnée au musée Ideha Bunka (いでは文化記念館) qui se trouve à proximité. Et je fus ravis d’avoir pris cette initiative. Je suivais un sentier que d’autres avaient pris avant moi et dont les pas avaient peu à peu tassé la neige, mais lorsque, par négligence, je fis un pas hors du sentier, je me retrouvai enfoncé dans la neige jusqu’aux genoux, et je fus heureux d’utiliser un équipement de randonnée adapté qui me protégea.
Je suis passé devant quelques petits sanctuaires, et après seulement quelques minutes de marche, je me suis retrouvé devant un autre bâtiment bouddhiste encore présent sur les lieux — une pagode à cinq étages. Cette gracieuse structure en bois fut à l’origine édifiée au Xe siècle, une époque au cours de laquelle plusieurs temples étaient implantés sur le mont Haguro. Devant cette pagode, dans un silence que seul rompait le chant des oiseaux et le bruit d’une cascade lointaine, la neige semblait tomber au ralenti, et j’avais l’impression d’être dans un autre monde.
Le bâtiment principal du sanctuaire du mont Haguro se dresse au bout du chemin : le Sanjin Gosaiden (三神合祭殿). Étant donné que les autres montagnes sont difficiles d’accès en hiver, et qu’elles restent compliquées à atteindre le reste de l’année pour ceux qui ne peuvent pas se lancer dans de longues randonnées, les divinités des trois sanctuaires peuvent être vénérées ici. Son impressionnant toit de chaume mesure 2,1 mètres d’épaisseur, le plus épais de tout le Japon.
Quand je suis entré, j’ai entendu le son des tambours, et la voix de l’un des prêtres qui entonnait des prières. Apparemment, un couple âgé s’était rendu au sanctuaire afin de recevoir une bénédiction des dieux.
Cuisine japonaise shojin ryori à Saikan
Si vous visitez les lieux en été et que vous désirez vous rendre sur les trois montagnes, il vous sera possible de passer la nuit à Saikan (斎館), un hébergement traditionnel directement relié au Sanjin Gosaiden. Je n’avais pas prévu d’y passer la nuit, mais je m’y suis rendu pour goûter à leur fantastique cuisine shojin ryori (精進料理) que l’on peut y déguster à l’heure du déjeuner. La shojin ryori est une cuisine végétarienne qui trouve ses origines dans le régime alimentaire des moines bouddhistes d’Asie de l’Est. Cette cuisine bouddhiste traditionnelle reflète le régime des moines bouddhistes, qui se passent de viande mais aussi de certaines plantes aux saveurs prononcées, car on pensait qu’elle stimulaient trop leurs sens, rendant la méditation difficile. La shojin ryori est par la suite devenue la cuisine que l’on sert aux hôtes venant dans les temples.
La shojin ryori de Dewa Sanzan est unique en son genre, car elle s’inspire de ce dont les yamabushi se nourrissaient durant leur entraînement ascétique. On y retrouve donc généralement de nombreux légumes de montagne et autres plantes sauvages que les yamabushi pouvaient trouver dans la région. Sous l’influence de la pensée shintoïste, on y met également en avant l’idée de recevoir les bénédictions et forces vitales de la montagne au travers de la nourriture. La shojin ryori de Dewa Sanzan est très saine, n’en est pas moins délicieuse.
Comment se rendre au parc national de Bandai-Asahi
Depuis Tokyo, vous pourrez prendre le Tohoku Shinkansen jusqu’à la gare de Koriyama. Prenez ensuite un train de la ligne Ban-Etsusai jusqu’à la gare d’Inawashiro. Des navettes gratuites permettent de se rendre à la station de ski d’Inawashiro et à Urabandai Lake Resort.
Pour vous rendre au mont Haguro, prenez le Joetsu Shinkansen jusqu’à la gare de Niigata, puis le train Inaho Limited Express jusqu’à la gare de Tsuruoka. Une fois à la gare, vous pourrez monter à bord d’un bus Shonai Kotsu dont vous descendrez à l’arrêt de bus « Zuishinmon ».
Si vous aimez les paysages d’hiver, si vous souhaitez profiter de la neige, et si vous préférez voyager loin des foules, vous passerez un hiver fantastique dans le parc national de Bandai-Asahi. En ce qui me concerne, ce voyage m’offrit le parfait équilibre entre activités de plein air et découverte du riche patrimoine spirituel du Japon.
Article écrit en partenariat avec le ministère de l’environnement du Japon
Traduit de l’anglais par Joachim Ducos