Tsuruoka (鶴岡市) et sa région sont sans conteste l’un des trésors cachés du Japon, qui saura émerveiller les voyageurs qui s’y aventurent. Forte d’une longue et riche histoire en lien avec les racines spirituelles et bouddhistes du Japon, d’une tradition culinaire opulente et créative, de sources chaudes en bord de mer et de sentiers de randonnée s’enfonçant dans les forêts, chaque voyageur trouvera son bonheur à Tsuruoka, une destination qu’il serait donc sage de prendre en considération lorsqu’on planifie l’itinéraire de son voyage au Japon.
Située au nord-est de l’île principale du Japon, Honshu, sur la côte Ouest, Tsuruoka est une région froide et enneigée pendant les mois d’hiver, mais où il fait bon vivre en short et en tee-shirt durant l’été. Autrefois située sur une importante route commerciale, le Kitamaebune (北前船), qui reliait Osaka à la préfecture septentrionale d’Hokkaido, Tsuruoka fut, tout au long de son histoire, imprégnée de diverses cultures. Les habitants peuvent eux aussi profiter des merveilles de Tsuruoka, située à proximité de Sendai, ce qui rend la région facile d’accès en train, en avion ou en voiture.
Randonnée dans les montagnes sacrées de Dewa Sanzan
Tsuruoka doit certainement sa spécificité aux trois montagnes sacrées de Dewa Sanzan (également appelées « les trois monts de Dewa ») : les monts Haguro, Gassan et Yudono. Incroyablement belle quelle que soit la saison, la région mérite l’aller-retour. Il est possible de partir en randonnée sur des sentiers de longueurs variées, de faire escale dans des postes d’étape, de rencontrer les moines de la région, éventuellement accompagné d’un guide, de visiter des bâtiments traditionnels comme des temples, des sanctuaires et des pagodes, et bien plus encore.
Le célèbre poète japonais du XVIIe siècle, Matsuo Basho, père du haïbun (une composition poétique de style carnet de voyage, entrecoupée de lignes de prose) appréciait la région de Dewa Sanzan. Alors qu’il voyageait dans la région de Tsuruoka, il écrivit abondamment sur la beauté de la nature de la région, sur ses mystères et son patrimoine spirituel.
Pour les amoureux de nature (et pour ceux qui ont du temps), il existe même un parcours de 3 jours et 2 nuits, le long d’un sentier de 33 kilomètres à travers la chaîne Dewa Sanzan, appelé Rokujurigoe Kaido. C’est un site de pèlerinage majeur vieux de 1 200 ans — dont la popularité s’est particulièrement accentuée au XVIIIe siècle. Les archives attestent qu’en 1733, plus de 150 000 visiteurs avaient entrepris cette randonnée.
Ces montagnes sont un haut lieu du Shugendo, une philosophie ascétique fondée au VIIe siècle par le vagabond mystique En no Gyoja (役行者, En no Gyoja). On doit aux membres du Shugendo non seulement l’héritage spirituel de la région, mais aussi sa relation à l’environnement naturel à travers la culture de plantes patrimoniales, également cultivées en dehors des montagnes par les agriculteurs locaux depuis des centaines d’années. On doit aussi aux moines du Shugendo le développement d’une cuisine japonaise végétarienne, la shojin ryori. Il existe dans le Dewa Sanzan une autre forme d’ascétisme ésotérique appelée sokushinbutsu, ce qui signifie « momification naturelle en vie ». Ceux qui s’adonnaient à ce processus désormais interdit étaient différents des yamabushi du mont Haguro. Les moines momifiés de leur vivant appartenaient à l’école bouddhiste Shingon. Ils croyaient possible, au terme d’un long et sévère entraînement sur le mont Yudono, d’atteindre avant la mort un état d’éveil dans leur propre corps.
La pagode à cinq étages et le vieux cèdre du mont Haguro
Haut de 414 mètres, le mont Haguro, aussi appelé « la montagne aux ailes noires », est le lieu où convergent les pèlerins du Dewa Sanzan en hiver, quand les monts Gassan et Yudono sont trop enneigés pour que le pèlerinage puisse se faire. Le sanctuaire de Dewa Sanzan se situe au sommet de la montagne, et c’est là que se déroulent tout au long de l’année la plupart des rituels et des cérémonies des yamabushi.
Si le mont Gassan symbolise le passé et le mont Yudono l’avenir, le mont Haguro incarne le présent. C’est ici que les randonneurs et voyageurs peuvent entreprendre le pèlerinage des 2446 marches de pierre, jusqu’à la porte torii qui trône au sommet du sentier principal.
Les marches du mont Haguro mènent les randonneurs sur des sites majeurs, chaque étape symbolisant le chemin des moines bouddhistes Shingon vers l’illumination. Après avoir franchi le « pont des dieux », au pied du sentier, les voyageurs peuvent admirer la pagode à cinq étages du mont Haguro, construite il y a 1000 ans, puis reconstruite il y a 600 ans après un incendie.
La deuxième étape sur le sentier du mont Haguro mène les voyageurs dans un petit pavillon de thé appelé Ninosaka Chaya (ouvert de 8h30 à 16h30, de mai à novembre). Les visiteurs peuvent y faire une petite pause en profitant d’un thé vert et d’un mochi, avant de repartir pour encore 30 minutes de marche jusqu’au sommet.
L’ultime étape avant le sommet n’est autre que le Saikan, un gîte pour pèlerins shintoïstes. Autrefois temple bouddhiste, il fut converti en 1869 sur ordre gouvernemental. Les voyageurs peuvent y séjourner s’ils le souhaitent, et prendre part à un repas traditionnel de style shojin ryori, sur réservation.
La shojin ryori désigne une cuisine simple, axée sur la qualité, composée de produits locaux et de légumes poussant dans les montagnes, autrefois consommés par les moines. Cette cuisine suit les principes bouddhistes de non-violence, qui exclue la consommation de viande, et favorise l’éveil spirituel en évitant les aliments aux goûts et saveurs trop prononcés. La shojin ryori du Dewa Sanzan a pris quelques distances par rapport à ses objectifs spirituels, et se base désormais sur des méthodes de préparation raffinées et séculaires, qui permettent aux pèlerins de purifier leur corps dans le cadre de leur pratique religieuse. La cuisine du temple ne contient aucune viande, qu’elle soit rouge ou blanche, mais du bouillon à base de poisson est utilisé. Ceux qui désirent un repas entièrement végétarien ou végétalien pourront tout de même apprécier cette cuisine en demandant, au moment de la réservation (3 jours à l’avance pour un repas végétalien), l’omission de certains ingrédients.
Il est important de noter que, bien que l’intégralité du trek soit accessible à tous les marcheurs en bonne condition physique et qui en ont le temps, il nécessite tout de même quelques efforts. Les visiteurs doivent compter près de 3 heures aller-retour pour l’ensemble de l’excursion. Pour ceux qui souhaitent une immersion plus en profondeur dans la région, et un enseignement de première main dispensé par une personne intimement liée au patrimoine culturel local, des guides prêtres yamabushi peuvent accompagner les voyageurs sur le chemin et leur donner de précieuses explications.
Le sommet du mont Gassan
Le mont Gassan est moins une randonnée dans la forêt profonde qu’une promenade bucolique jusqu’au sommet de la montagne, d’où on peut admirer d’impressionnants panoramas. Les 2,5km de randonnée jusqu’au sommet offrent de superbes paysages, que les photographes amateurs ne se lasseront pas d’immortaliser. En chemin, les voyageurs pourront admirer plus de 60 espèces de fleurs indigènes. Pour cette raison, et parce qu’il s’agit d’un parc national protégé par le Ministère de l’Environnement, la cueillette de fleurs et d’autres plantes le long du chemin est interdite.
Contrairement au mont Haguro, la « montagne aux ailes noires », le mont Gassan est connu comme la « montagne des morts ». Rassurez-vous, cette dénomination n’évoque aucune apparition fantomatique, mais honore le passé, en particulier les âmes des défunts. On pense que les âmes des disparus se rassemblent au sommet, et que les visiteurs peuvent prier pour elles lors de leur passage à Dewa Sanzan.
Une fois au sommet, il est possible de poursuivre son voyage dans les trois montagnes sacrées de Dewa Sanzan de plusieurs manières. Vous pouvez tout simplement revenir sur vos pas, et emprunter l’autre chemin en direction de la dernière montagne : le mont Yudono.
Comme indiqué plus haut, le mont Gassan n’est pas ouvert à la randonnée en hiver, en raison de fortes chutes de neige. Le sentier est ouvert du 1er juillet à la mi-octobre. Sachez toutefois que la plupart des structures le long du chemin ferment dès le 15 septembre, et qu’après cette date, les itinéraires peuvent être modifiés en fonction des chutes de neige. Mais si vous prévoyez une visite, sachez que le mont Gassan est particulièrement beau après la mi-septembre, quand les graminées rouges du mont Gassan sont en fleurs pendant quelques semaines.
Le mont Yudono, cœur spirituel du bouddhisme Shingon
Le mont Yudono, troisième des trois montagnes sacrées de Dewa Sanzan, offre une randonnée sur une montagne boisée. Il peut s’agir d’un circuit à faire en parallèle avec les deux autres monts, ou une destination de trek à part entière. Si vous avez prévu un voyage à Tsuruoka, il ne fait aucun doute que vous devriez inclure le mont Yudono à votre itinéraire pour profiter au mieux votre périple dans la région.
Le mont Yudono était autrefois le centre spirituel du bouddhisme d’obédience Shingon, officiellement fondé au IXe siècle par le moine Kobo Daishi (aussi connu sous le nom de Kūkai). Cette école bouddhiste ésotérique joua un rôle non seulement dans le développement de la cuisine shojin ryori mentionnée plus haut, mais aussi dans la préservation du patrimoine culturel de la région de Tsuruoka. Elle est surtout connue dans la région pour ses pratique d’auto-momification. Étroitement lié à la recherche de l’illumination, le mont Yudono est considéré comme la montagne du futur.
Étant donné la portée spirituelle du mont Yudono, les voyageurs sont invités, lors de leur visite, à respecter une étiquette particulière. Ils doivent ainsi entrer pieds nus dans le sanctuaire principal, et participer à un rituel de purification shintoïste pour la somme de 500 yens. Ils doivent ensuite franchir un chemin d’eau chaude pour atteindre le sanctuaire intérieur.
Le chemin de pèlerinage Rokujurigoe Kaido et les moines momifiés selon le sokushinbutsu
Le Rokujurigoe Kaido est un chemin de pèlerinage de 33 km, axé sur la découverte de l’une des particularités de la région de Tsuruoka : le sokushinbutsu (即身仏), les restes momifiés de moines qui s’imposèrent une mort atrocement douloureuse, dans l’espoir d’atteindre l’illumination. Deux de ces moines président désormais le Rokujurigoe Kaido. Les voyageurs peuvent aller les voir pour leur rendre hommage, pour prier, ou tout simplement, pour s’étonner du dévouement qu’implique un tel choix.
Les sokushinbutsu étaient autrefois membres de l’école Shingon, un courant bouddhiste qui accorde une grande importance à des pratiques ascétiques rigoureuses. Ceux qui choisissaient de suivre la voie du sokushinbutsu cherchaient ainsi à se racheter des fautes commises dans leurs vies passées. Le mot même sokushinbutsu signifie « Bouddha dans son propre corps », et c’est exactement ce que les pratiquants pensaient atteindre : l’illumination ici même, sur terre, dans leur propre corps plutôt que dans une incarnation future.
Le premier moine à se momifier de son vivant avec succès fut Honmyokai Shonin en 1683. Il existe 17 sokushinbutsu encore présents au Japon, dont quatre à Tsuruoka. La pratique fut interdite pendant l’ère Meiji.
Le Rokujurigoe Kaido comporte trois sections, empruntées par les pèlerins depuis des centaines d’années. Pour les vrais aventuriers, le chemin peut être parcouru dans son intégralité en 3 jours et 2 nuits. La section de 12 km passe par trois temples — Honmyoji, Churenji et Dainichibo —, et devant les deux sokushinbutsu accessibles au public. La randonnée de 11 km vers le mont Yudono prend environ 4 heures. Elle passe par des stèles bouddhistes liées à l’histoire de la montagne, et offre également une vue sur la magnifique cascade de Nanatsu et sur des étendues boisées. Il existe aussi un troisième itinéraire, qui permet aux visiteurs de rejoindre ou de quitter la ville de Nishikawa. Des hébergements sont disponibles tout au long du chemin, comme à Tamugiso, sur la section des sokushinbutsu.
Séjourner en bord de mer à Tsururoka et profiter des onsen
Visiter Tsuruoka ne se limite pas aux trois montagnes sacrées de Dewa Sanzan. On y trouve des sources thermales onsen où se reposer et se relaxer, souvent situées directement sur la plage. Foulez le sable, sautez dans les vagues, et pataugez dans l’océan, avant de regagner un hébergement moderne plein de charme, empreint d’une esthétique traditionnelle. Là, vous pourrez profiter des eaux thermales dans des bains onsen publics, ou même depuis votre chambre. Les délicieux fruits de mer de la mer du Japon complèteront votre séjour de rêve dans l’une de ces auberges, que vous apprécierez d’autant plus après une longue journée de randonnée au Dewa Sanzan.
Séjour de luxe tout compris au Yunohama Onsen
Yunohama Onsen est un complexe incroyable, comprenant sources thermales, hôtels, restaurants étoilés, musées, et bien d’autres choses encore. Des hôtels comme le Kameya donnent l’impression aux clients qui y séjournent de se trouver en bord de mer, tout en se retirant dans des onsen que l’on trouve généralement dans les forêts japonaises. L’expérience se prête naturellement aux escapades en amoureux, mais aussi aux sorties en famille ou en groupe.
L’emplacement du Yunohama Onsen en fait un établissement de premier choix pour savourer des plats de saison comme du saumon grillé au gingembre, des huîtres au citron durant l’automne, du maquereau mijoté dans du miso, de la soupe de morue, et bien plus encore.
Atsumi Onsen
L’histoire d’Atsumi Onsen nous renvoie plus d’un millénaire en arrière, à un conte mettant en scène Kobo Daishi, fondateur du bouddhisme Shingon. L’histoire raconte qu’il vit en songe une grue dans une sources thermale des montagnes avoisinantes, dont les eaux se jettent dans la mer du Japon au niveau d’Atsumi Onsen. Non seulement ces sources chaudes sont liées à la richesse culturelle de la région, mais elles sont réputées pour leurs puissantes propriétés curatives.
À Atsumi Onsen, les voyageurs ne sont jamais loin d’un cafés, de bains de pieds, de boutiques de souvenirs, et de chemins longeant de la rivière Atsumi, magnifiée par des cerisiers en fleurs au printemps. Les touristes vont souvent au marché du matin, où l’on peut trouver des produits de saison comme des légumes marinés.
S’initier à la méditation zazen au temple Zenpoji
Loin de l’héritage spirituel de Dewa Sanzan, le temple séculaire bouddhiste Zenpoji se dresse, non loin de la côte ouest du Japon. Les visiteurs peuvent s’y initier à la méditation zazen, ainsi qu’au yoga. Les moines du Zenpoji suivent les enseignements de Gautama Bouddha. Le temple fut consacré au dieu dragon de l’océan, divinité de la pêche, de la riziculture, de la fertilité et de la guérison des maladies. Les pêcheurs s’y rendent donc pour prier pour des prises abondantes. Ce temple possède entre autre une salle de 500 « Rakan », des statues bouddhistes utilisées durant le deuil.
Comment se rendre à Tsuruoka et au mont Haguro ?
Au départ la gare de Tokyo (Tokyo Station), prenez le Shinkansen Toki jusqu’à la gare de Niigata, puis prenez l’Inaho Limited Express jusqu’à la gare de Tsuruoka (鶴岡駅, Tsuruoka-eki) (4 heures). Au départ de la gare d’Akita, prenez l’Inaho Limited Express jusqu’à la gare de Tsuruoka (1 heure et 50 minutes). L’un des sentiers menant au mont Haguro part de Haguro Zuijinmon (羽黒随神門), que vous pouvez rejoindre en bus depuis l’arrêt de Tsuruoka (37 minutes).
Tsuruoka, une destination de repos, d’aventure et d’épanouissement
Dans son ensemble, Tsuruoka propose des activités qui sauront à la fois intriguer, stimuler et apaiser les voyageurs. Pour ceux qui souhaitent faire de l’exercice physique et passer du temps au cœur de la nature, Tsuruoka offre une multitude de randonnées qui ne pourront que vous séduire.
Article écrit en partenariat et photographies gracieusement fournies par DEGAM Tsuruoka Tourism Bureau
Traduction : Marie Borgers