Article réalisé en partenariat avec l’Association de tourisme de Kyushu.
L’île de Kyushu, la plus au Sud des quatre îles principales constituant l’archipel japonais, n’est pas souvent choisie comme point de passage lors d’un premier voyage au Japon. JR pass et jours de congés limités obligent, on privilégie plutôt les plus classiques Tokyo, Kyoto, Osaka ou encore Hiroshima. S’il s’agit néanmoins de votre second voyage au Japon ou que vous vous sentez d’humeur aventurière, un petit détour hors des sentiers battus ne devrait pas vous décevoir. Avec sa nature sauvage et omniprésente, son histoire et patrimoine culturel si riches, ses habitants accueillants et ses spécialités culinaires savoureuses, l’île de Kyushu recèle de trésors à découvrir.
Et si visiter la totalité des sept préfectures de l’île n’est sans doute pas envisageable sur quelques jours seulement, il est tout à fait possible de se concentrer dans un premier temps sur la moitié Nord en rayonnant autour de la ville de Fukuoka. Après vous avoir partagé quelques attractions à découvrir dans les préfectures d’Oita et de Fukuoka, place aujourd’hui à leur voisine, la préfecture de Saga !
Avant de démarrer ce nouvel itinéraire de découvertes, précisons tout de même qu’il est possible de se déplacer en transports en commun sur l’île de Kyushu, mais qu’il ne s’agit sans doute pas du mode de transport le plus pratique ni le plus flexible. Afin de profiter au mieux de votre séjour, et notamment du circuit proposé ci-dessous, l’idéal est de louer une voiture sur plusieurs jours afin d’explorer la région à votre rythme. Vous trouverez plus d’informations à ce sujet au lien suivant.
Préfecture de taille plutôt réduite, prise en sandwich entre les plus imposantes Fukuoka et Nagasaki, Saga mérite pourtant le détour. Notamment réputée pour ses beaux espaces naturels, son artisanat traditionnel de la porcelaine ou encore son boeuf savoureux, voici un petit tour d’horizon des choses à faire et à voir en chemin.
Note: toutes les informations pratiques concernant les diverses adresses données ci-dessous sont à retrouver en fin d’article, sur la carte.
Karatsu et sa pinède tricentenaire
À commencer par une halte dans la ville côtière de Karatsu, située juste de l’autre côté de la frontière avec Fukuoka. Loin de n’être qu’une ville balnéaire comme les autres, avec ses plages et ses grottes sculptées par les vagues, Karatsu présente un paysage pour le moins atypique ! C’est en effet ici que vous trouverez l’une des trois forêts de pin les plus importantes du Japon: Niji No Matsubara (signifiant la « forêt en arc en ciel », du fait de sa forme courbée).
S’étirant le long de la mer sur une impressionnante distance de quatre kilomètres et demi et sur une largeur de 500 mètres, on raconte que cette pinède aurait été plantée au 17ème siècle par le seigneur de l’époque afin de protéger la ville des vents forts arrivant de la mer. Une route permet de la traverser, avec plusieurs petites aires pour s’arrêter et s’y enfoncer.
Enveloppé par la douce odeur des pins, on se sent infiniment petit face à l’immensité de cet espace naturel. Les troncs, âgés de plus de 300 ans et recouverts d’une écorce épaisse, sont marqués par le temps et le vent. Faisant penser à un décor de film de Tim Burton, ceux-ci ont pris des formes incongrues, courbés par l’air marin.
Et si la forêt est impressionnante depuis le bas, il est possible de prendre de la hauteur et de l’observer depuis un point de vue sur le Mont Kagami non loin de là.
Et ce n’est qu’une fois là haut que l’on peut véritablement prendre la mesure de l’étendue de ces 100,000 pins faisant face à la mer, créant ainsi un paysage hors du commun.
S’il vous reste un peu de temps pour continuer à explorer la beauté naturelle de Karatsu, filez explorer le côté mer, avec la plage d’Higashinohama ou encore les grottes de Nanatsugama. Pour la petite anecdote, c’est ici que le célèbre apnéiste français Jacques Mayol apprit à plonger et rencontra pour la première fois un dauphin !
Parenthèse zen au temple Kinshoji
Toujours à Karatsu, changeons à présent de lieu et d’ambiance en direction du temple Kinshoji. Vous serez accueilli dans l’enceinte de ce temple par une imposante porte, construite à l’origine au château de Nagoya au 16ème siècle, et plus tard déplacée jusqu’ici.
Lanternes en pierre, vapeurs d’encens, statue de Bouddha et le plus grand des calmes, tout est fait ici pour apaiser et se recueillir.
Vous trouverez également dans l’enceinte du temple une maison de thé dans laquelle des leçons pour apprendre les rituels de la cérémonie du thé sont données chaque mardi matin.
Et vous pourrez surtout profitez du jardin japonais élégamment agencé. Très vert lors de ma visite au mois de septembre, je l’imagine encore plus beau à l’automne, paré de feuillages flamboyants.
Spécialité locale: le boeuf de Saga
Karatsu étant une ville de bord de mer, les spécialités locales sont bien sûr principalement issues de la pêche. Et pourtant, les plus carnivores d’entre vous devraient trouver aussi de quoi se mettre sous la dent… Connaissez-vous le boeuf de Saga? Si l’on a tous entendu parlé du boeuf de Kobe, ce que l’on sait moins c’est qu’il fait en réalité partie d’une catégorie de viande de qualité supérieure plus large, le boeuf wagyu, comprenant également le boeuf de Saga.
Une viande réputée pour sa texture fondante et son fameux persillage, le plus souvent préparée par un chef expérimenté sous vos yeux, dans des restaurants de type teppanyaki.
Si l’expérience vous tente, et que votre porte-monnaie approuve aussi (et oui une viande d’une telle qualité, ça a un prix !), faites une réservation dans l’une des steakhouses les plus réputées de la ville: Caravan. Si vous êtes peu nombreux, vous serez installés au comptoir, aux premières loges pour observer le chef cuisiner juste devant vous.
Plusieurs formules sont proposées pour le déjeuner, des pièces de viande les plus maigres aux plus grasses (allant d’ailleurs jusqu’au foie gras !). N’ayant jamais goûté de telle viande auparavant, je choisissais pour ma part la formule proposant un mix de plusieurs morceaux, pour goûter un peu de tout. La formule comprend également une salade en entrée, quelques pousses de soja, des légumes grillés ainsi qu’un bol de riz.
Une fois la commande passée, le spectacle peut commencer ! Très fier de son métier, passionné et expert, le chef livre une véritable performance. Chaque geste est précis, maîtrisé et minutieux, que ce soit dans la découpe de la viande, dans sa cuisson ou dans la présentation des plats.
Je préfère vous laisser la surprise mais attendez vous à quelques jeux avec le feu… Et le spectacle pour les yeux continue dans l’assiette – de très belles céramiques sélectionnées avec soin – puis en bouche au moment de la dégustation. N’étant pas une grande amatrice de viande rouge, je dois bien avouer qu’il s’agit sans doute de la meilleure viande de boeuf que j’ai pu goûter jusqu’ici ! Pour les morceaux cuits comme les morceaux crus (oui j’ai même goûté à un sashimi de boeuf !), la texture est incroyablement fondante. N’hésitez pas à demander conseil pour accompagner votre plat d’un verre de saké qui vous sera servi là aussi dans un magnifique verre en céramique.
Ah oui et n’oubliez pas de dire que vous êtes Français ! Une petite Tour Eiffel viendra décorer votre table et un drapeau pourrait bien être affiché au mur…
À la rencontre des céramistes d’Arita
Amateurs d’arts de la table et de porcelaine, la ville d’Arita est un incontournable de la préfecture de Saga (et je dois bien l’avouer, un vrai petit coup de coeur personnel) !
Pour vous situer l’histoire un peu particulière de cette ville, il faut remonter dans le temps, jusqu’au 16ème siècle. À cette époque, l’armée japonaise envoya des troupes occuper une partie de la Corée et força un potier talentueux, Lee Sampyeon, à venir s’installer à Arita afin de partager son savoir-faire. Celui-ci découvrit à Arita une carrière de kaolin de grande qualité, matière première nécessaire à la création de porcelaine, et pu ainsi produire pour la première fois au Japon de la porcelaine blanche. Cela fait ainsi 400 ans que la ville d’Arita, connue comme le berceau de la porcelaine japonaise, est réputée dans tout le pays, et même le monde entier (notamment depuis l’Exposition Universelle de Paris où elle fut présentée en Europe), pour son savoir-faire et ses créations raffinées.
Il faut dire que la ville était naturellement prédisposée à se développer dans la porcelaine. Avec ses carrières de kaolin d’une part, mais aussi grâce à ses forêts fournissant du bois en abondance pour les fours à céramique, et la rivière qui la traverse, l’eau étant une composante essentielle dans la création de porcelaine.
Prenez le temps de vous promener dans Arita et de découvrir tous les témoins de ce riche passé, plus ou moins dissimulés au détour des rues. Commencer par faire un tour du côté de la carrière de kaolin Izumiyama pour voir de plus près cette fameuse argile blanche. Le spectacle est assez impressionnant, presque lunaire, sur fond de montagne verdoyante.
Baisser les yeux et prêtez attention au goudron sous vos pieds, entièrement parsemé de morceaux de porcelaine. Pas de doute, nous sommes bien en terre de potiers !
Poursuivez votre périple jusqu’au quartier historique d’Uchiyama, désigné comme Site national de sauvegarde de biens traditionnels importants depuis 1991.
Située dans une vallée et s’étirant sur 2km, c’est dans cette rue que furent installés les ateliers et boutiques de potiers de la ville dès le 17ème siècle. Son statut de zone protégée lui vaut d’être constamment entretenue et rénovée ce qui rend la visite particulièrement impressionnante, comme si le temps n’était jamais venu laisser les marques de son passage sur les établissements d’Arita.
Une petite plaque en porcelaine est d’ailleurs placée sur la devanture des bâtiments historiques de la rue indiquant leur date d’origine.
Et si chacune des façades dégage un charme authentique, les vitrines qui les complètent sont quant à elles bien alléchantes et regorgent de trésors…
En empruntant les petites rues parallèles à cette artère principale, vous pourrez remarquer l’une des autres spécificités de la ville: des murs en briques apparentes. Portant le nom de murs tombai, ces constructions proviennent du recyclage d’anciens fours à porcelaine. En y regardant de plus près, vous verrez d’ailleurs que bon nombre de ces briques sont en réalité carbonisées.
Autre particularité architecturale à ne pas manquer: le sanctuaire Tozan-jinja.
S’il est déjà surprenant de le voir traversé par une voie de chemin de fer juste devant son entrée, il l’est encore plus d’y découvrir son immense torii entièrement fait de porcelaine !
Érigé en l’honneur de l’Empereur Ojin et du potier coréen Lee Sampyeon, ce sanctuaire est habillé de porcelaine de toutes parts, des gardiens aux lanternes, en passant par divers autres objets de décoration.
Y faire un tour vous permettra également de prendre un peu de hauteur et d’observer la ville dans son ensemble.
Si l’histoire d’Arita et la découverte du savoir-faire à l’oeuvre derrière la fabrication de la porcelaine vous intéressent tout particulièrement, rendez-vous dans l’un des nombreux musées/galeries présents sur place. Plusieurs familles de maîtres artisans potiers y sont installées depuis plus de quinze générations et continuent aujourd’hui encore à faire perdurer la renommée de leur maison. C’est notamment le cas de la maison Kakiemon, à l’origine des premières décorations faites à l’émail sur porcelaine.
Dans leur élégant musée dédié aux céramiques anciennes, vous pourrez aller admirer gratuitement les créations raffinées produites par la famille depuis plus de 380 ans. Généralement fermé au public, j’ai également eu la chance de me rendre à l’arrière du musée pour découvrir le four traditionnel au feu de bois pouvant encore fonctionner aujourd’hui.
Pour continuer avec les grands noms de la porcelaine d’Arita, n’hésitez pas non plus à faire un tour au musée de la maison Imaemon, présentant également une impressionnante collection de chefs-d’oeuvre, accompagnés de quelques outils utilisés par les potiers de la famille, transmis de génération en génération.
Avec de nombreux potiers encore en activité à Arita aujourd’hui, les techniques de fabrication traditionnelles perdurent mais les influences et les design évoluent de plus en plus pour plaire à une clientèle plus jeune et occidentale. C’est en poussant la porte de la boutique et atelier de la maison Shinemon que je prenais ainsi la mesure d’une telle dynamique.
Les potiers, un père et ses deux fils, m’expliquent notamment qu’ils voient certaines préférences se dessiner selon leur clientèle, leurs créations de couleur bleue ayant par exemple plus de succès auprès des occidentaux. Bien qu’un vernis de couleur bordeaux soit leur signature, ils sont ainsi en mesure de légèrement adapter leur offre selon le public qu’ils souhaitent toucher.
Une conversation très édifiante sur l’équilibre entre art et commerce qui se terminait par un petit tour du côté de leur atelier. Un univers fascinant, dans lequel on peut voir les créations prendre vie, à différentes étapes de fabrication.
C’est également là que j’ai été confrontée à l’exigence de cet art minutieux, avec comme on me l’explique, environ 50% de la production qui termine détruite pour cause de défauts plus ou moins importants…
Et si vous voulez vous aussi mettre à rude épreuve votre patience et tester votre fibre manuelle, sachez que de nombreux ateliers sont proposés dans la ville pour s’essayer à la poterie ou à la décoration de porcelaine ! Pour vous ramener un souvenir typique et 100% local, allez faire un tour du côté de Arita Serà, une rue commerçante comprenant pas moins de 24 boutiques de porcelaine et céramique.
Je pourrais continuer à vous parler d’Arita pendant des heures, mais je vous conseille plutôt d’aller explorer cette ville unique en son genre par vous même ! Ah si, une dernière petite chose, il s’agit d’une ville très paisible et les boutiques et ateliers n’y ouvrent pas avant minimum 9h du matin. Pas la peine donc d’aller y faire un tour trop tôt. Si vous souhaitez visiter la ville dans une ambiance un peu plus festive et animée, prévoyez votre séjour sur place durant son marché de céramique annuel, se déroulant lors de la Golden Week.
Dîner et nuit à arita huis
Et puisqu’il y a beaucoup à faire et à voir à Arita, vous n’aurez pas trop de deux jours pour tout explorer. Si vous prévoyez de passer la nuit sur place, je ne peux que vous recommander de séjourner au tout nouveau concept hotel arita huis.
Équipé de seulement 11 chambres et d’un restaurant pouvant accueillir jusqu’à 48 convives, cet établissement est un petit bijou de design. Aussi épuré qu’élégant, il est le fruit d’une collaboration entre designers Japonais et Hollandais. Une fusion des genres qui se retrouve dans la décoration aux accents scandinaves, teintée de minimalisme nippon.
Sur fond brut, de bois et de béton, aucun détail n’est laissé au hasard: produits de toilettes dans la salle de bain, machine à café Nespresso dans la chambre, musique douce côté restaurant…
Le dîner, soigneusement préparé dans la cuisine ouverte à deux pas de vous, met en valeur des spécialités locales dans un style et une présentation d’inspiration occidentale. Un régal pour vos papilles tout autant que pour vos yeux, avec une présentation sublime.
Et oui nous sommes dans la ville de la porcelaine, la vaisselle est donc ici aussi importante que ce qu’elle contient… Petit plaisir de geek de céramique, vous pourrez même choisir le style de vaisselle dans laquelle votre dîner sera servi ! Parmi les trois styles proposés, de la vaisselle traditionnelle, de designer ou bien contemporaine. Également pensé pour y séjourner plus qu’une nuit, peut être y croiserez vous au détour d’un couloir un artiste en résidence sur place…