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Niché dans les montagnes, à seulement une heure de route du majestueux mont Fuji, et à environ deux heures de Tokyo, Minobusan est un petit village empreint de spiritualité. Son histoire est intimement liée à celle de son temple principal, Kuonji, fondé au XIIIe siècle par le moine Nichiren et considéré aujourd’hui comme le siège de la secte bouddhiste Nichiren-Shū. Lieu de pèlerinage et de formation pour les fidèles de cette branche du bouddhisme, il attire des croyants du monde entier, mais transcende également les frontières religieuses, offrant un espace de méditation et de contemplation à toute personne en quête de paix intérieure.

L’ensemble du village de Minobusan est parsemé de trente temples bouddhistes, dont vingt proposent l’hébergement (appelé shukubo en japonais.) J’ai séjourné dans l’un d’eux, à Kakurinbo : une auberge traditionnelle vieille de 550 ans, offrant un cadre propice à la quiétude pour les voyageurs en quête de sérénité, tout en permettant aux curieux de découvrir diverses activités liées à la culture et à la gastronomie bouddhiste.

Kakurinbo – Un séjour empli de sérénité dans l’auberge d’un temple

À l’origine destiné à héberger les pèlerins et les moines bouddhistes, le shukubo Kakurinbo ouvre ses portes à toute personne à la recherche d’une expérience authentique et ressourçante, comme me l’explique la bienveillante maîtresse des lieux, Higuchi Junko.

Couloir d'auberge traditionnelle japonaise bordé de kimonos.
Les couloirs de l’auberge sont bordés de superbes kimonos.

Une fois les chaussures retirées et l’entrée passée, avec son grand auvent de bois typique et ses poutres sculptées de motifs traditionnels, c’est alors un long couloir en tatamis doté de portes coulissantes de chaque côté qui m’accueille. Appelées fusuma, ces dernières permettent de diviser l’espace selon les besoins, créant ainsi une flexibilité d’aménagement. Devant elles sont suspendus de magnifiques kimonos de mariage. Derrière se trouvent les chambres d’hôtes, chacune d’entre elles constituant un véritable havre de paix imprégné d’une esthétique raffinée. Également aménagées avec des sols en tatami, l’ameublement y est minimaliste et élégant, en harmonie avec l’esthétique zen japonaise.

Le soir venu, votre lit traditionnel futon sera préparé avec soin par le personnel, vous invitant à découvrir le confort authentique d’une nuit à la japonaise, directement sur les tatamis.

jardin traditionnel japonais
Le jardin traditionnel de l’auberge Kakurinbo.

Sur la gauche de ce couloir, on peut apercevoir la salle à manger, qui offre une vue saisissante sur le jardin traditionnel de Kakurinbo imaginé par le fameux maître zen Musō Kokushi, et reconnu comme un trésor culturel local. La scène est encore plus spectaculaire à contempler au moment du dîner, grâce à ses illuminations nocturnes.

Dégustation de la cuisine locale et raffinée de Kakurinbo

Le parfum subtil des tatamis et le doux bruissement des portes coulissantes deviennent une toile de fond apaisante pour la symphonie de saveurs qui orne la table. Les repas à Kakurinbo sont principalement végétariens, mêlant cuisine bouddhiste shojin ryori et gastronomie japonaise raffinée kaiseki. Composés de plusieurs plats méticuleusement élaborés et présentés avec une esthétique soignée, ils visent à sublimer les saveurs remarquables de produits locaux d’exception, tels que le délicat yuba ou encore les fèves de soja d’Akebono sur lesquelles je reviendrai plus longuement ensuite, une variété unique originaire de la région de Minobusan et arborant la prestigieuse certification « IG » (Indication Géographique). Le yuba, quant à lui, est formé par la fine pellicule qui se crée à la surface du lait de soja lorsqu’il est chauffé doucement. Elle est prélevée avec soin puis séchée, créant ainsi une texture soyeuse, légèrement élastique. Considéré comme un met raffiné et unique dans la cuisine japonaise, le yuba est apprécié pour son goût subtil – il faut vraiment l’essayer pour en comprendre la légèreté – et ses bienfaits nutritionnels. À la fois riche en protéines, en fibres alimentaires et en nutriments essentiels, il s’agit d’un aliment idéal pour compléter un régime végétarien ou végétalien équilibré. C’est pourquoi on le retrouve souvent dans la cuisine végétarienne bouddhiste. Il apporte de plus une touche d’élégance à des plats traditionnels comme contemporains.

Le dîner typique de Kakurinbo comprend des légumes de saison, ainsi que des fèves de soja d’Akebono sous différentes formes : fèves bouillies, tofu au sésame, yuba frais, mochi de yuba cuit à la vapeur élégamment enveloppé d’une feuille de cerisier (qui se mange aussi!) et, la plus originale de toutes, une délicieuse fondue de tomate préparée avec du lait de soja, où la tomate est généreusement garnie de yuba en son cœur.

dîner traditionnel japonais composé de divers plats de petite taille
Le dîner de Kakurinbo, mêlant cuisines kaiseki et shojin ryori.

Enfin, une mention spéciale pour leur préparation maison du natto de Minobusan, qui m’a pleinement réconciliée avec ce mets singulier au goût peu agréable pour la plupart des palais occidentaux. Si, comme moi, vous n’êtes habituellement pas adeptes de ces fèves de soja fermentées à la texture collante, mettez de côté vos a priori et tentez l’expérience à Kakurinbo, car il s’agira peut-être bien de l’unique occasion dans votre vie où vous pourriez l’apprécier réellement !

Alternativement, vous pouvez aussi profiter d’un repas spécial multi-céréales préparé par une chef spécialisée en gastronomie végétalienne, pour un minimum de quatre personnes et uniquement sur réservation préalable. J’ai eu la chance de pouvoir déguster ce menu également, et ai été marquée par la variété des saveurs et des inspirations. Le cake salé qui m’a rappelé les arômes de chez nous, la caprese où le soja a remplacé la mozzarella, et la délicieuse composition à trois couches (aubergines d’automne, fèves de soja au goût similaire au poulet, et purée de fèves de soja d’Akebono) ne font aucunement regretter l’absence de produits d’origine animale. À vrai dire, les penne à la sauce tomate mélangée à une sauce blanche à base de grains de millet (pour la texture crémeuse) m’ont moi-même donné envie de me mettre à cuisiner !

Et en accompagnement de ces spécialités faites maison, vous pourrez goûter, entre autres, aux vins de la région de Yamanashi, ou encore à la bière artisanale du temple.

repas traditionnel d'auberge japonaise avec jardin au fond
Lors du repas du soir, le jardin éclairé crée une ambiance chaleureuse particulière.

Vous l’aurez compris, un repas à Kakurinbo est une expérience gastronomique raffinée et esthétique. Mettant l’accent sur l’harmonie et l’équilibre à la fois gustatifs et visuels, la saisonnalité des ingrédients, et une vaisselle soigneusement sélectionnée pour sublimer les plats, vous assisterez là à l’essence de la cuisine japonaise kaiseki.

Entre ambiance festive et détente

Après le dîner, tout le monde a l’occasion d’avoir un avant-goût du festival du temple Kuonji, qui commémore tous les ans, en octobre, le décès du moine Nichiren. À l’image des habitants lors du festival, le jeune moine actuel de Kakurinbo, revêtu de l’habit traditionnel du festival, fait tourner avec enthousiasme un matoi (long mât au sommet duquel sont suspendues des lanières de cuir) puis le fait passer à chaque personne qui souhaiterait s’y essayer. Un moyen de se rendre compte par soi-même de son poids impressionnant, malgré l’aisance avec laquelle le moine le manipule. Tout le monde est également invité à participer en battant les tambours, et le plaisir de contribuer à cette ambiance festive se lit sur tous les visages.

Suite à cette expérience divertissante, vous pourrez savourer un moment de détente dans l’un des deux bains de Kakurinbo, parfumés avec des sels de bain de vin produits dans la région. De plus, ceux qui séjournent dans l’une des chambres de la nouvelle annexe ont également la possibilité de profiter de la douceur et de l’odeur délicieusement envoûtante du grand bain familial en bois de cyprès.

chambre d'auberge japonaise avec sol en tatami et lit futon
La chambre traditionnelle, où vous dormirez sur un futon.

Quant à moi, je savoure la tranquillité qui règne dans l’auberge après mon bain tardif, prenant enfin le temps de contempler les kimonos de mariage exposés dans le couloir de l’étage où se trouve ma chambre. Je m’attarde sur les teintes subtiles et les détails de chacun, des motifs élaborés aux broderies délicates. Chaque kimono est une véritable œuvre d’art en soi, portant en lui la tradition et l’expertise artisanale japonaises. Je demeure là un moment, comme envoûtée par leur splendeur, avant de me rappeler l’heure de mon réveil demain… Et qu’il est temps de rejoindre mon futon.

Immersion au cœur du bouddhisme

Levée à 4h30, la nuit a été courte, mais j’apprécie d’arriver à Kuonji suffisamment tôt pour pouvoir assister au rituel de sonnerie de la grande cloche du temple à 5h30, qui est assez impressionnant. Le moine en charge du rituel doit en effet mobiliser tout le poids de son corps afin de permettre au battant de la cloche de reculer. Pour ce faire, il s’agrippe à la corde en faisant l’effort de maintenir son corps en équilibre, parallèle au sol.

La prière matinale débute ensuite à 6h – notez bien que les horaires précités diffèrent en fonction de la saison (d’avril à septembre ou d’octobre à mars.) Chaque matin, une cinquantaine de moines se rassemblent pour réciter des versets du Sutra du Lotus lors de ce service ouvert au public. Les tambours taiko résonnent tandis que les moines entrent et s’installent, créant une ambiance rythmée. Les visiteurs sont libres de choisir leur place, toutefois il convient de préciser que la prise de photos ou vidéos n’est pas autorisée. L’expérience offre une immersion authentique dans la spiritualité bouddhiste, soulignée par le son des cloches et des instruments de percussion en bois, ainsi que par la fumée et l’odeur envoûtante de l’encens, enveloppant chacun dans la sérénité de Kuonji.

La cérémonie terminée, j’en profite pour explorer le lieu et m’imprégner de l’atmosphère si particulière de ce temple niché dans les montagnes boisées de Minobusan. Les magnifiques structures en bois, ornées de sculptures détaillées, sont de superbes exemples de l’artisanat japonais traditionnel. Au fil des siècles, il a survécu à diverses épreuves : conflits, incendies dévastateurs, et reconstructions. La perspective des 287 marches en pierre de son escalier Bodaitei est impressionnante vue d’en haut comme d’en bas. La tradition veut qu’on le gravisse après être entré par l’imposante porte en bois Sanmon (qui fait partie des trois plus grandes portes de temple du Japon), car cet escalier vers le sommet et vers le hall principal du temple est une métaphore du chemin vers l’illumination. Une ascension à la fois physique et spirituelle. Chaque pas sur les marches usées par des siècles de pèlerinages est une avancée vers la sérénité, une transition de l’agitation du monde extérieur vers la quiétude du temple.

Pour poursuivre encore l’ascension, un sentier de randonnée commence derrière Kuonji, offrant un itinéraire parsemé d’autres petits temples jusqu’au temple ultime, Okunoin Shishinkaku. Perché au sommet du mont Minobu, il est également accessible par le téléphérique, et par temps clair on peut même y apercevoir une autre montagne sacrée, le mont Fuji. N’ayant pas encore avalé mon petit-déjeuner, je décide plutôt de redescendre découvrir Goso-an, l’emplacement où Nichiren s’est réfugié durant les dernières années de sa vie et a élaboré les principes fondateurs de la secte. À proximité se trouve également le mausolée qui contient une partie de ses cendres. Mais, sur le chemin, je fais la rencontre inattendue d’une procession de plusieurs centaines de fidèles scandant avec ferveur le Sutra du Lotus. Le « namu-myōhō-renge-kyō » qui est dans toutes les bouches me restera en tête pendant plusieurs heures.

De retour à Kakurinbo, après le petit-déjeuner – dont le natto maison ne me décevra encore une fois pas – je participe justement à une initiation à la récolte de soja d’Akebono organisée par l’auberge.

À la rencontre de la communauté de Minobusan : la récolte des fèves de soja

Les délicieuses fèves de soja (ce que l’on connaît en France sous le nom de edamame) sont celles que j’ai pu déguster depuis le début de mon séjour à Kakurinbo, une variété spéciale qui a obtenu la certification « Indication Géographique ». Cultivées uniquement à Minobusan, et plus précisément à partir de graines collectées dans la zone d’Akebono de la même ville, au moyen d’une production manuelle, elles sont donc assez rares.

Après une vingtaine de minutes de route depuis l’auberge, nous voici arrivés au milieu des champs d’Akebono. Accueillis par Ogawa-san, nous commençons par nous équiper de bottes, de gants et de paniers, alors que celui-ci nous explique comment il cultive les précieuses fèves ainsi que la technique que nous devrons utiliser pour les récolter. Je garde en tête que celles-ci sont un ingrédient très prisé, utilisées par la suite pour préparer une variété de plats délicieux tels que le tofu, le natto ou le miso. Cette expérience immersive nécessite des gestes précis et respectueux du processus. Se glisser habilement parmi les plants de soja, saisir délicatement la gousse choisie, et exercer une pression nette pour la décrocher sans endommager ses voisines. En toute honnêteté, le plus compliqué est en réalité de localiser minutieusement les gousses qui sont suffisamment mûres et de taille satisfaisante pour être récoltées, afin de respecter le cycle de vie de la légumineuse et d’éviter ainsi tout gaspillage.

Une fois les paniers remplis, notre groupe se réunit autour d’Ogawa-san et des deux grands-mères qui préparent les gousses que nous venons de cueillir. Nous les dégustons bouillies avec du sel, accompagnées d’une soupe ainsi que des onigiri (boulettes de riz garnies) que nous avions préparés plus tôt dans la journée. Fraîchement récoltées, il est encore plus évident de se rendre compte à quel point les fèves d’Akebono se distinguent des edamame classiques, de par leur taille un peu plus grosse et leur texture légèrement plus crémeuse. L’expérience se transforme en un moment d’échange chaleureux, partageant ainsi la récolte et les récits de la vie rurale avec les habitants locaux, et créant des souvenirs inoubliables au milieu des champs de Minobusan.

Une diversité d’activités culturelles à découvrir à Minobusan

Minobusan et ses alentours offrent une escapade culturelle sans pareille. Explorez des temples chargés d’histoire dans le berceau de la secte bouddhiste Nichiren-Shū, participez à des cérémonies religieuses authentiques, à des récitations et copies de sutra, plongeant dans la spiritualité de la région.

De nombreuses autres activités (certaines sur réservation) sont proposées par Kakurinbo si vous y séjournez, que vous souhaitiez en profiter pour vous initier à la calligraphie japonaise ou à l’art du thé, ou même partir à vélo à la découverte des petites routes vallonnées et des charmantes rues du village. Pour avoir eu moi-même quelques difficultés dans les montées escarpées, je vous conseille vivement de préférer un vélo électrique !

N’hésitez pas non plus à déambuler dans le centre pour discuter avec les chaleureux commerçants locaux, dénicher quelques souvenirs, et savourer une collation sur la terrasse du café Zencho Farm, où j’ai goûté aux meilleurs cannelés du Japon.

Attenante au café et également gérée par la même équipe que Kakurinbo se trouve Ebisuya, une ancienne maison de campagne magnifiquement rénovée. Idéale pour les séjours en famille ou en groupe, la bâtisse appartenait autrefois à une famille de commerçants de saké, avant de demeurer vide pendant une trentaine d’années. La rénovation a permis de conserver l’architecture d’origine et l’ambiance du Japon des années 1930, tout en y intégrant tout le confort moderne. Ayant eu la chance de pouvoir visiter les lieux, j’ai été séduite par son aura générale, les objets d’art, et la grande terrasse avec bain offrant une vue sur la nature.

Les environs de Minobusan offrent également leur lot de charmes, des eaux thermales curatives de Shimobe Onsen au cadre enchanteur du lac Motosu, laissant deviner la majestueuse silhouette du mont Fuji, qui promet une escapade inoubliable.

Informations pratiques

Kakurinbo 覚林坊
Adresse : 3510 Minobu, Minobu-cho, Minamikoma-gun, Yamanashi-ken 409-2524
Réservation : directement sur le site internet de Kakurinbo 

Maison d’hôtes Ebisuya 迎賓館えびす屋 
Adresse : 3955 Minobu, Minobu-cho, Minamikoma-gun, Yamanashi-ken 409-2524
Réservation : directement sur le site internet de Ebisuya

Comment me rendre à Minobusan?

– En voiture : à environ 2h15 de Tokyo.

– En train : depuis la gare de Shinjuku ou Tokyo, prendre un train Limited Express de la ligne JR Chuo jusqu’à Kofu, puis la ligne JR Minobu jusqu’à la gare de Minobu (environ 2h30 en tout.) Prendre ensuite un taxi de la gare jusqu’à votre hébergement (moins de 10 minutes.) 

– En bus express direct : depuis la gare routière Shinjuku Busta jusqu’à l’arrêt de bus Minobusan (environ 3h30), puis 10 minutes à pied jusqu’à Kakurinbo ou Ebisuya.

Minobusan, entre ses paysages pittoresques et son important patrimoine culturel, offre une aventure authentique et riche en découvertes. Séjourner à Kakurinbo permet de s’immerger au cœur du bouddhisme, de profiter pleinement des nombreuses activités culturelles, et de savourer les délices culinaires locaux, des fèves de soja d’Akebono aux plats kaiseki élaborés. Chaque instant passé dans ce temple de quiétude et d’authenticité vieux de plus d’un demi-siècle est une invitation non seulement à savourer une cuisine exceptionnelle, mais aussi à entreprendre un voyage de réflexion intérieure et de connexion avec la beauté environnante. Qu’il s’agisse de Kakurinbo ou d’Ebisuya, la fusion entre les traditions ancestrales et le confort moderne crée des espaces propices à la détente et à l’immersion dans la culture et la tradition japonaises.

Article écrit en partenariat avec Kakurinshoja.

Mathilde Serre Mays

Mathilde Serre Mays

Basée à Tokyo, passionnée de sports, gastronomie, photo et aventures en tous genres. J'ai décidé de quitter ma douce France et mon ancienne vie de juriste et journaliste TV pour m'installer "quelques mois" en terre nippone, en prévision de la Coupe du monde de rugby (une autre passion) en janvier 2018... et n'en suis pas repartie depuis ! Entre l'écriture et mon métier de conseillère voyage, il ne se passe pas une semaine sans que je ne fasse une excursion quelque part, et j'aime partager mes meilleures expériences autour de moi !