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Les herbes d’été (夏草や)
Et du guerrier (兵どもが)
Les traces des rêves (夢の跡)

Matsuo Basho

S’il est fait mention de l’été dans ce célèbre haïku écrit par Matsuo Basho pour décrire Hiraizumi (平泉), il n’en dépeint pas moins une atmosphère qu’on y retrouve tout au long de l’année. En visitant ce village aujourd’hui, vous découvrirez ce qui fût l’une des villes les plus importantes de la fin de l’époque Heian (794-1185), et vous pourrez vous faire une idée de l’opulence et de la richesse culturelle qui habitaient ces lieux autrefois.

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Statue de Matsuo Bashô au Chûson-ji
Statue du célèbre poète Matsuo Basho à Hiraizumi

Et pour cause : en 1094, lorsque le seigneur Fujiwara no Kiyohira, régent du clan Oshu Fujiwara, déplace la capitale de Oshu à Hiraizumi, alors même que l’unification du Japon reste très partielle, il y apporte son train de vie, ses trésors et ses richesses. La ville devient alors la deuxième ville la plus importante du Japon, comparable à ce que pouvait être sa rivale, la ville impériale de Heian, aujourd’hui connue sous le nom de Kyoto. Dès lors, temples et palais se multiplient et plusieurs des événements historiques de l’époque ont lieu dans cette ville sacrée.

Outre son importance régionale, elle scellera le sort de plusieurs figures nationales telles que Minamoto no Yoshitsune, ou encore Benkei : anciens héros de la guerre de Genpei, que l’on retrouve dans Le dit du Heike, ainsi que dans d’innombrables pièces de kabuki par la suite. De la conquête du nord du Japon par le peuple Yamato (début du IXe siècle) aux premières années de l’époque Kamakura, puis à la reconstruction d’une partie des bâtiments par le clan Date au XVIe siècle, et enfin la visite du poète Basho, ce sont toutes les époques de l’histoire du Japon qui se réunissent à Hiraizumi. La ville n’a pourtant connu qu’une apogée relativement courte, de trois générations, avant de s’éteindre, détruite en 1189 par Minamoto no Yorimoto, le premier shogun de l’époque Kamakura (1185-1333).

Ce petit village oublié renferme de nombreuses richesses et monuments méconnus que nous sommes allés découvrir. Nous avons profité du JR East Pass pour une excursion dans le Tohoku, et consacré une journée à Hiraizumi afin de découvrir les merveilles cachées de l’époque Heian. Suivez-nous à la rencontre de ce joyau de la préfecture d’Iwate.

Les temples de Chuson-ji au cœur des montagnes du Tohoku

Incontournable à Hiraizumi, le complexe des temples Chuson-ji (中尊寺), sur le Mont Kanzan est l’une des destinations les plus populaires du village. La quasi totalité des bâtiments furent détruits à l’époque de Minamoto no Yorimoto, lors d’attaques et d’incendies, avant d’être partiellement reconstruites au XVIe siècle par le clan Date. Parmi les temples de montagne ayant survécu aux attaques, on trouve l’incontestable trésor de la région : le Konjikido.

Le Konjiki-do, le premier pavillon d’or du Japon

Si l’on vous dit « pavillon d’or », vous penserez sans doute instantanément à Kyoto et son illustre Kinkaku-ji (金閣寺). Il existe pourtant un pavillon d’or bien plus ancien et secrètement caché au nord du Japon. Le Konjiki-do (金色堂) est le premier bâtiment recouvert de feuilles d’or selon la même technique que le célèbre pavillon de Kyoto, et il a également l’avantage de n’avoir jamais été détruit. Il s’agit donc d’un bâtiment d’époque régulièrement restauré. Une longévité qu’il doit notamment au fait d’être conservé bien à l’abri, à l’intérieur même d’un autre bâtiment recouvert d’un toit depuis 1288, ce qui lui permit de résister aux intempéries.

À l’intérieur du bâtiment, on peut profiter d’une très belle vue du Konjiki-do, les barrières se trouvant à environ trois mètres du pavillon doré. Dès l’entrée, nous sommes frappés par la magnificence de ce qui s’impose à nos yeux. Voir de si près une construction aussi massive entièrement recouverte d’or provoque un véritable choc visuel. Une courte explication en japonais puis en anglais est diffusée par les hauts parleurs du bâtiment, mais il faut bien plusieurs minutes pour se remettre de ce spectacle à couper le souffle. Si le pavillon de Kyoto bénéficie d’un cadre d’exception, le Konjiki-do, lui, mise sur cette proximité qui ne le rend que plus grandiose. Nous sommes véritablement dépassés par la beauté de ce bâtiment qui se trouve littéralement sous notre nez.

Une fois que l’on s’est familiarisé avec l’atmosphère du lieu, on peut longer le bâtiment et en inspecter toute la façade pour enfin prêter attention aux explications. C’est ainsi que l’on peut apprendre que le pavillon abrite encore aujourd’hui, dans sa partie inférieure, les corps momifiés des trois régents Oshu Fujiwara ayant régné sur la ville. Bien que nous ne puissions pas les voir (ce que je n’aurais, à titre personnel, pas voulu de toutes façons), l’idée que des momies reposent sous le pavillon lui donne une aura plus impressionnante encore. Nous sommes devant une véritable merveille, et l’inscription de la ville au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 2011 se justifie ne serait-ce que par ce bâtiment.

À ce jour, j’ai visité de nombreuses villes et préfectures du Japon, et on peut clairement dire que j’en ai pris plein les yeux. Mais je pense pouvoir dire que le Konjiki-do est l’un des plus beaux bâtiments qu’il m’ait été donné de voir jusqu’à aujourd’hui. Sa structure n’est pas si grande et peut être visité en à peine 5 minutes, mais je pense y être restée au moins une bonne heure, à en contempler chaque recoin et à en savourer chaque détail. À mon grand désarroi, les photos à l’intérieur du Konjiki-do sont malheureusement interdites. Je me faisais une joie indescriptible de prendre quelques clichés pour les faire découvrir à mon entourage, mais il faut comprendre qu’il s’agit là d’une règle afin de conserver ce lieu à l’histoire magique. Encore un dernier instant à savourer cette ambiance si unique, et nous pouvons partir, non sans y avoir jeté un dernier coup d’œil afin de graver l’image de ce pavillon dans notre mémoire.

Le Hondo et le Benkei-do : sur les traces de Benkei

Sachez que les merveilles de ce temple ne s’arrêtent pas à ce pavillon. Le Chuson-ji recèle pas moins de 3000 trésors nationaux officiels ainsi que d’innombrables biens culturels dont vous pourrez découvrir une partie conséquente au Musée du Sankozo, voisin du Konjiki-do, inclus dans le même billet. Sachez toutefois que les photos sont également interdites à l’intérieur du musée.

Après la visite du musée, nous nous sommes attardés au Hondo, le temple principal, qui abrite lui aussi sa part de trésors. Lors de notre visite, nous avons sympathisé avec le gros chat du quartier qui nous a fait l’honneur d’une visite guidée en sa compagnie. Construit il y a 1200 ans par le moine Ennin, on y trouve une statue du Bouddha historique : Shaka Nyorai. Cette représentation dorée de 5 mètres fait écho aux sensations unique éprouvées précédemment devant le Konjiki-do.

Enfin, en bas de la montagne, nous changeons quelque peu d’ambiance avec le Benkeido, qui nous amène sur les pas du célèbre moine-guerrier Benkei. Pour tous les Japonais, cet illustre personnage est une figure à la fois historique et légendaire, un héros de roman et de pièces de kabuki, qui possède un pavillon dédié ici-même dans la ville de sa dernière bataille. Même si nous sommes toujours sur un site religieux, il est empreint de l’histoire guerrière du Japon au travers de ce bâtiment dédié à l’un des plus célèbres précurseurs des samouraïs. À l’intérieur est supposée se trouver une statue à échelle réelle du moine dans la position précédant sa mort.

Malheureusement, la porte fermée du pavillon ne nous permet pas d’observer la statue en question. Le bâtiment évocateur participe néanmoins à créer cette ambiance que l’on retrouve décrite dans le haïku de Basho évoqué au début de l’article, de même que la tombe du moine, tout en bas de la montagne.

Avant de continuer notre route, nous nous sommes laissés tenter par les délicieuses nouilles soba au sarrasin du restaurant Yoshiie, situé à l’intérieur du complexe de Chuson-ji. C’est ici que vous pouvez déguster la spécialité locale de la ville : les Hiraizumi wanko soba. D’ordinaire, je ne suis pas vraiment une très grande adepte des soba, et je leur préfère plutôt les ramen. Mais nous marchions depuis longtemps et avions quitté notre hôtel au petit matin, nous avions bien besoin d’une pause. Sachez que cet établissement est l’un des seuls restaurants présents à l’intérieur du Chuson-ji, veillez donc à prévoir de quoi boire et manger. Juste en face de l’entrée du Chuson-ji, vous trouverez de nombreux restaurants et boutiques de souvenirs à disposition, mais pour cela, il faudra ressortir du complexe, et même si ça ne paraît rien comme ça, l’entrée est assez éloignée et faire l’aller retour à pieds prends du temps.

Boutiques le long du Chûson-ji

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Takkoku no Iwaya, une merveille cachée dans la roche

Lors de notre voyage à Hiraizumi, nous avons bien failli passer à côté de cette merveille cachée, située un peu loin du centre ville, et qui n’est malheureusmeent pas accessible via les transports en commun. Mais en regardant les quelques photos que j’ai pu trouver sur internet, j’ai senti que ce lieu m’appelait, et nous avons décidé de sauter dans un taxi. Les changements de dernière minute, c’est aussi ça ce qui est exitant lorsqu’on voyage !

Le Bishamon-do

Une fois sortis du village, nous changeons d’ambiance et d’époque, car il nous reste une merveille à découvrir aux alentours, et non des moindres : Takkoku no Iwaya. Ici il n’est plus question du clan des Fujiwara, nous partons à la découverte d’un passé plus lointain, au début du IXe siècle, durant l’époque de la colonisation du nord du Japon par la Cour impériale.

Torii à l'entrée du Takkoku no Iwaya
L’imposante porte torii de Takkoku no Iwaya

Durant cette période, la région était contrôlée par un seigneur « barbare », Akuro Takamaro, connu, selon l’historiographie impériale et les écrits légendaires, pour opprimer le peuple. L’empereur Kammu envoya alors Sakanoue no Tamuramaro comme seiitai-shogun (« général pacificateur des barbares ») pour libérer la région et la placer sous contrôle impérial. Après sa victoire, ce dernier fit construire le bâtiment du Bishamon-do pour remercier le dieu de la guerre, Bishamon. Le temple, construit dans le style du Kyomizu-dera de Kyoto, passa ensuite de main en main avant d’être détruit plusieurs fois durant la période Sengoku (1467-1603), reconstruit en 1615 par Date Masamune, brûlé en 1946 puis reconstruit une dernière fois en 1961.

le Takkoku no Iwaya intégré dans la roche

Si sa dernière reconstruction est récente, ce temple n’en est pas moins splendide. Enfoncé dans la roche, chargé d’histoire et de spiritualité, et proche de l’architecture de Kyoto, il constitue à n’en pas douter l’une des merveilles du bouddhisme Tendai. Sa situation singulière y est bien entendu pour beaucoup. De l’extérieur, il donne véritablement l’impression de porter la falaise, renforçant ainsi l’image de puissance du dieu de la guerre auquel il est consacré.

À l’intérieur, on trouve de très belles statuettes disposées autour de l’autel, dont une datant de l’époque Heian. La vue vaut également le détour, et ce d’autant plus lors d’un hiver enneigé. Si vous n’en avez jamais eu l’occasion, la contemplation d’un temple bouddhiste ou d’un sanctuaire shintoïste dans la neige est un spectacle inoubliable, et on a bien entendu plus de chances d’en profiter à mesure que l’on se dirige vers le nord.

Le sanctuaire de Benten-do et le visage du Bouddha

Le Bishamon-do n’est pas la seule construction intéressante que l’on peut visiter à Takkoku no Iwaya. Le sanctuaire de Benten-do qui lui fait face se trouve au milieu d’un lac, sur une île accessible via deux ponts. Les paysages offerts par les étendues de neige et le lac gelé créent une ambiance véritablement magiques que l’on ne se lasse pas d’admirer sous tous les angles. À l’intérieur, il contient une magnifique statue blanche de la déesse Benten datant elle-aussi de l’époque Heian, gravée par le moine Ennin.

Pour finir, ne passez pas à côté du visage du Bouddha gravé à même la roche de la falaise, suspendu à plusieurs mètres au-dessus de nos têtes. Cette figure divine flottant dans les hauteurs contribue à la magie spirituelle unique du lieu. Il s’agissait à l’origine d’un Bouddha entier en position assise, qui aurait été détruit lors d’un tremblement de terre en 1896. Désormais sans corps et à plus de 16 mètres du sol, il est connu sous le nom de « Bouddha rocheux du nord ». Ses origines restent mystérieuses, mais la légende raconte qu’il serait vieux de près de mille ans. Cachée derrière mon appareil photo, je me sentais toute petite face à une structure aussi imposante.

Visage du Bouddha au Takkoku no Iwaya
Pourrez-vous discerner le visage du Bouddha ?

Informations pratiques

Il est important de mentionner le principal problème de la ville : comme il s’agit d’une destination hors des sentiers battus, ce n’est en rien une ville prisée par les touristes, et ses transports en commun sont donc quasi inexistants. D’après le site internet de la ville, certains bus au départ de la gare de Hiraizumi permettent de rejoindre les principaux lieux touristiques. Vous pouvez vous procurer un pass journalier moyennant 450 ou acheter un ticket (150 yens par trajet, 80 yens pour les enfants). Mais malgré mes connaissances en japonais, je n’ai trouvé que très peu d’informations en ligne sur les horaires de ces bus qui ne passent qu’une fois par heure environ, et je me suis alors dit que nous aviserions sur place (c’est aussi ça, l’aventure et l’excitation du voyage !).

Ni moi ni mon mari ne possédons la précieuse traduction du permis de conduire nous permettant de louer une voiture au Japon. Nous avons donc fait appel plusieurs fois à un service de taxi par téléphone (disponible uniquement en japonais) afin de nous déplacer à travers la ville. Autant vous dire qu’à la fin de la journée, la note totale des courses en taxi avoisinait presque les 10 000 yens (environ 80 euros). Je vous recommande donc la location de voiture si vous pouvez vous munir de la traduction de votre permis de conduire au Japon, c’est sans aucun doute la solution la plus économique et pratique pour circuler à Hiraizumi. Il est également possible de louer des vélos ici si vous préférez profiter de la ville au grand air.

Plan de la ville de Hiraizumi en taxi
Plan des attractions touristiques de la ville avec les tarifs approximatifs en taxi depuis la gare de Hiraizumi
Plan de la ville de Hiraizumi
Plan et accès des attractions touristiques de la ville depuis la gare de Hiraizumi

Voici quelques sites où vous pourrez trouver de plus amples informations sur les visites :

Accès

Se rendre à la gare de Hiraizumi

Prendre le Shinkansen jusqu’à Ichinoseki (2 heures depuis Tokyo) puis la ligne JR Tohoku jusqu’à Hiraizumi (7 minutes).

Chuson-ji

Depuis la gare de Hiraizumi : à environ 5 minutes en taxi ou en bus local depuis la gare de Hiraizumi jusqu’à l’arrêt Chuson-ji Temple, ou à environ 20 minutes à pied.

Takkoku no Iwaya

À environ 15 minutes en taxi depuis la gare de Hiraizumi.

Hiraizumi fait incontestablement partie des grandes villes historiques du Japon ayant contribué à la renommée de la culture japonaise, au même titre que Nara, Kyoto, Kamakura, et Nikko. Grâce à ses multiples sites sacrés, et à la présence des site funéraires de plusieurs dirigeants japonais et d’autres figures historiques, elle possède une valeur culturelle, historique, religieuse et symbolique peu égalée dans le pays. Ceci, sans compter les innombrables trésors nationaux que vous pourrez admirer à travers la ville, tels que son pavillon d’or secret. Si vous aimez la culture et l’histoire japonaises, c’est une véritable perle hors des sentiers battus à visiter sans hésiter !

Manon Chauvris

Manon

Née et élevée en France (Rouen), j'ai notamment travaillé en agence de voyage à Paris et Kyoto. J'ai emménagé au Japon en 2018. Après avoir vécu 2 ans à Kyoto, j'ai décidé d'emménager à Tokyo avec mon époux pour vivre de nouvelles aventures. Même si la France me manque parfois (surtout le fromage), j'adore vivre à Tokyo et visiter le Japon avec mon appareil photo. Je suis particulièrement intéressée par la langue et la culture japonaises, le cinéma et la photographie. Je suis aussi folle de pandas, je devais en être un dans une vie antérieure. Je suis passionnée par le Japon et j'ai hâte de partager cette passion avec des voyageurs du monde entier !

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