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De passage à Kobe pour en apprendre plus sur le bœuf du même nom, j’ai tout de même eu le temps de me balader un peu en ville, de découvrir quelques points d’intérêts méconnus, mais aussi de revoir les sites principaux de cette grande cité du Kansai, dont l’ancien quartier des résidents étrangers. Et j’ai appris que Kobe possède d’autres spécialités que sa viande iconique !

maison occidentale à Kobe

Du riz et des nouilles ?! Le « sobameshi »

Kobe est une ville du Kansai, le cœur historique et populaire du Japon, dont les villes les plus connues sont Kyoto et sa voisine Osaka. Kobe est aussi un port qui fut l’un des premiers à être ouvert aux cultures occidentales. Avec un tel passé, sa gastronomie est donc réputée pour être riche, variée, le bœuf de Kobe n’étant que la spécialité la plus connue et la plus prestigieuse. De l’autre côté du spectre, se trouve l’une des spécialités populaires de la ville, qui date de l’après-guerre et par laquelle je commence mon exploration.

Sobameshi, une spécialité populaire de Kobe

Le sobameshi est un plat qui a les mêmes origines que l’okonomiyaki de Hiroshima et Osaka, et que toutes ces déclinaisons de plats préparés sur plaque chauffante. Il s’agit au départ d’accommoder de manière attractive une quantité d’ingrédients limités, en temps de privation. Le sobameshi est un plat de nouilles coupées en courts tronçons sur la plaque, avec les spatules, assorties de chou, auxquelles on ajoute du riz, ce qui est un mariage inédit !

Sobameshi

Le restaurant Nagata Tankusuji

Le sobameshi se déguste par exemple à Nagata Tankusuji, restaurant au sous-sol de l’un des grands centres commerciaux situé immédiatement à côté de la gare de Sannomiya, en plein cœur de la ville. Le restaurant est nommé d’après le quartier de Nagata, celui là même où l’histoire de ce plat a commencé, quand des ouvriers demandaient aux restaurateurs de réchauffer leur gamelle de riz sur sa plaque chauffante. Les nouilles coupées ont été petit à petit ajoutées.

Une manière agréable de déguster ce plat populaire est de façon bokkake sobameshi, avec des cubes de bœufs sautés et du konyaku, le second étant une pâte caoutchouteuse obtenue à partir du tubercule de la plante du même nom. Le plat dans son ensemble, avec le service et la boisson, ne coûte même pas dix euros par personne !

Après le déjeuner, je prends la temps de visiter plusieurs sites patrimoniaux et culturels du quartier des brasseries, Nadagogo, à découvrir dans l’article dédié. Retour à Kobe sous une belle lumière de fin d’après-midi pour explorer l’un des grands sites sacrés de la ville.

sanctuaire japonais

Le sanctuaire Ikuta, rendez-vous des célibataires

Le grand sanctuaire Ikuta est l’un des principaux du centre-ville de Kobe, à distance de marche de la gare de Sannomiya et des restaurants qui s’y trouvent. Il est facilement reconnaissable à sa grande porte rouge orangée et à ses nombreux pavillons de la même couleur. Le site shintoïste est consacré à une divinité liée aux textiles, ce qui est localement associé aux relations humaines. Beaucoup d’habitants de la ville viennent donc ici en espérant que le kami, l’esprit divin, les aidera à avoir des rencontres fructueuses, amicales ou amoureuses.

lanterne avec chrysanthème
Le chrysanthème sur la lanterne fait réference au lien entre le sanctuaire Ikuta et la famille impériale dont c’est le blason.

Un pavillon secondaire est dédié à Inari, la déesse des moissons dont le messager est le renard. Comme tous les sites qui lui sont consacrés, celui-ci présente un bel alignement de torii rouges, très photogéniques. Une petite forêt urbaine abritant de nombreux arbres centenaires se trouve à proximité immédiate, dans laquelle il est possible de tirer des omikuji, de petites divinations qui renseigneront le visiteur sur sa situation amoureuse à venir.

Vue la réputation des lieux, je croise beaucoup de personnes seules, mais finalement très peu de touristes, ce qui me donne l’impression de m’immerger dans le quotidien des locaux.

Passion charpente au Takenaka Carpentry tools museum

Le lendemain, je poursuis la découverte des points d’intérêt de Kobe en prenant la direction d’un grand musée peu connu, à proximité immédiate de la gare de Shin-Kobe, celle où s’arrête le shinkansen.

Takenaka Carpentry tools museum
L’architecture du Takenaka Carpentry tools museum est tout en discrétion : il est presque invisible de la rue.

La grande firme de construction Takenaka fait la part belle à l’histoire du bâti dans ce grand musée dédié aux outils utilisés pour l’art subtil des charpentes : le Takenaka Carpentry tools museum. La charpente japonaise est réputée dans le monde entier pour sa finesse, la précision de ces assemblages, l’absence de clous, etc., et l’on découvre ici ce qui fait le fondement de cette réputation, à savoir les outils de l’excellence.

Tout commence avec l’abattage des arbres, la découpe des troncs pour en faire des poutres, poutrelles, chevrons, puis leur préparation avec minutie afin de pouvoir les assembler avec habilité dans des enchevêtrements complexes. En plus des outils qui sont présentés étape par étape, le musée propose aux visiteurs de nombreuses interactions didactiques avec des éléments de charpentes en miniature, à assembler, démonter, reconstituer, afin de s’immerger dans les techniques anciennes, toujours préservées aujourd’hui. Une partie des expositions se consacrent aux filières d’excellence dans la production des outils, pendant que le rez-de-chaussée accueille des expositions temporaires en lien avec le bois. Le lieu accueille aussi des ateliers pour apprendre à chacun les gestes de base du métier de charpentier.

Le musée est véritablement passionnant et je me surprends à y passer beaucoup de temps, pour essayer d’emboiter ou de déboiter tout ce qui peut l’être, écouter l’audioguide (accessible via le navigateur de son smartphone) et admirer les artisanats d’excellence en exposition temporaire.

Après cela, une courte marche suffit pour rejoindre le téléphérique du jardin aromatique de Nunobiki, également à proximité de la gare.

Du côté de la cascade de Nunobiki : téléphérique et potager

Situé sur le flanc Sud d’une montagne qui domine Kobe, le jardin d’herbes aromatiques de Nunobiki est l’un des plus grands du genre au Japon, avec plus de 75 000 herbes de 200 variétés, des potagers, des vergers, des espaces de détentes et un café offrant une superbe ville sur la métropole élégante du Kansai.

cascade
Avant d’atteindre le jardin, vue sur la cascade Nunobiki.

Le plus simple pour explorer le lieu est de commencer par en atteindre le sommet en téléphérique, à 400 mètres d’altitude, ce qui permet de le découvrir progressivement après avoir admiré la belle cascade Nunobiki en contrebas. Le contraste est frappant entre la vie urbaine rapidement quittée et la plongée dans la nature luxuriante. Une fois en haut, il suffit de flâner pour redescendre, en admirant les herbes, les nombreuses fleurs de saison, les potagers et la vue – si le temps est assez dégagé, ce qui n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui.

Une pause est bienvenue au café La Véranda at Kobe, qui offre un choix raffiné de pâtisserie mettant en valeur les productions locales. J’opte pour un cheesecake basque aux mikan de Unshu, ces clémentines si délicieuses.

Ensuite, descente en téléphérique. Une rapide balade avec vue me permet alors de rallier l’ancien quartier des résidents étranger de Kobe, appelé Kitano Ijinkan-gai.

Kitano Ijinkan-gai, un quartier historique à Kobe

Il pleut légèrement lorsque j’arrive, ce qui n’empêche nullement d’apprécier l’atmosphère si particulière de Kitano Ijinkan-gai.

torii et demeure occidentale
Mélange des influences entre ce sanctuaire et la bâtisse de style occidentale.

Kobe fut l’un des cinq ports ouverts au commerce international à partir du 1er janvier 1868, avec une particularité que ne possédaient pas les autres : les résidents étrangers pouvaient vivre au contact des locaux, partageant les mêmes quartiers. La colline en face du port fut rapidement investie par les représentants des différents États ou les directeurs de firmes importantes, qui y firent construire de belles demeures dans des styles occidentaux. Celles-ci sont toujours là, ce qui surprend dans une ville japonaise.

Le quartier de Kitano est aujourd’hui synonyme de cet héritage international, entre belles maisons de maître – dont beaucoup se visitent –, églises et boutiques élégantes. La vue, elle, a bien changé, car la ville s’est développée sur l’océan, s’avançant au fur et à mesure des aménagements artificiels. Toujours résidentiel, le secteur est apprécié des locaux et des voyageurs qui peuvent y trouver une atmosphère très exotique pour le Japon.

La maison Moegi, joyau du quartier

La maison Moegi fut d’abord la résidence privée du consul général des Etats-Unis, à partir de sa construction mais pour seulement quelques années. Elle appartient à un descendant du président de la société des chemins de fer de Kobe, qui la prête à la ville de Kobe pour la rendre accessible au public. Classée au niveau national depuis 1980, elle est l’une des demeures les plus iconiques de Kitano Ijinkan-gai, le quartier étranger des hauteurs de Kobe.

maison moegi

Le terme Moegi évoque la couleur vert olive qui caractérise cette belle maison de bois de deux niveaux. Ses pièces évoquent aujourd’hui le souvenir élégant des résidents occidentaux, entre mobilier d’époque, œuvres d’art européennes et grandes fenêtres lumineuses. Le corridor extérieur du second, qui n’est autre qu’un balcon fermé, est l’un des éléments les plus connus de la maison, dont la vue permettait au consul de facilement surveiller l’activité portuaire et l’arrivée des navires.

Les succulents gyozas de Ganso Gyoza-en

J’en ai encore l’eau à la bouche, tellement l’expérience culinaire vécue dans ce restaurant de Chinatown, de retour dans le plein centre-ville, constitue l’un des mes meilleurs souvenirs culinaires. J’ai souvent eux l’occasion de manger des gyozas mais ceux-là dépassent tout ce que j’avais connu jusque-là, malgré la simplicité de la carte et le tarif très bon marché.

restaurant de gyoza
Cette devanture cache de succulents gyozas.

Des gyozas frits et une sauce au miso ?!

Les gyozas sont un type de ravioli en forme de chausson, initialement originaire de Chine et qui a rejoint les basiques de la gastronomie nippone depuis plus d’un siècle. Une pâte à base de farine de blé enveloppe une farce en général à base de porc. Les Japonais font griller à la poêle ces ravioli, ce qui surprend toujours les voyageurs chinois, plus habitués à la cuisson vapeur ou bouillis. Kobe, l’un des premiers ports ouverts aux influences étrangères, fut l’un des points d’entrée de cette spécialité.

gyozas

Les Japonais dégustent habituellement les gyozas tels quels, avec simplement un peu de vinaigre parfois relevé d’un trait d’huile pimentée. Mais l’habitude est différente à Kobe, où l’on privilégie une sauce à base de miso, la pâte de soja fermentée. Plusieurs restaurants du quartier chinois de la ville permettent de goûter ces raviolis et la sauce qui va avec, dont Ganso Gyoza-en, un établissement ouvert en 1951 et qui a joué un rôle actif dans l’histoire des gyozas.

Atelier gyoza chez Ganso Gyoza-en

Le voyage de Ganso Gyoza-en commence en 1951 quand le fondateur Yoshio Korosue ouvre son comptoir à Kobe. Ce restaurateur natif d’Okayama a passé plusieurs années en Chine, en Mandchourie, avant guerre, où il tenait un établissement à la clientèle principalement japonaise. De retour dans son pays, il désespère de ne pas trouver de restaurants servant des raviolis comme il avait l’habitude d’en déguster de l’autre côté de la mer, ce qui le motive à ouvrir le sien.

chef, restaurant de gyozas
Toru Korosue est la troisième génération à connaître la recette secrète de la suace au miso.

Yoshio Korosue est l’un des premiers à servir des gyozas à Kobe, et il est celui qui a eu le premier l’idée de les accommoder avec une sauce au miso – sauce originale dont la composition est aujourd’hui encore transmise uniquement au sein de la famille. C’est désormais son petit-fils Toru, et le fils de celui-ci, Rintaro, qui entretiennent l’histoire familiale. La carte est d’une simplicité gourmande : gyozas classiques (qui contiennent 10% de bœuf de Kobe), gyozas végétariens et gyoza 100% bœuf de Kobe. Parmi les secrets du restaurant : l’utilisation d’huile d’arachide pour la cuisson dans l’immense poêle vieille de 70 ans.

Décidemment, je ne regretterai jamais une escapade à Kobe tant la cité du Kansai est riche en découvertes.

Comment s’y rendre ?

Kobe est très facile d’accès en shinkansen depuis Tokyo (2h40) ou en train JR qui permet de se rendre au centre de Kobe en 20 minutes depuis Osaka. La circulation en ville est ensuite assez simple avec les lignes de métro et le train local, voire à pied pour l’essentiel des sites présentés dans cet article (à l’exception de Ganzo Gyoza-en, situé dans le quartier chinois).

Article écrit en partenariat avec KOBE TOURISM BUREAU.

Julien

Julien

Freelance travel consultant based in Tokyo, I have been living in Japan for a couple of years. In France, I have published three books about Japanese destinations and culture, the first one being the description in texts and photos of a hundred views in Japan. I am deeply interested in sustainability and a more human-based way of traveling.