Article réalisé en partenariat avec le Karasuma Bar Yokocho.
Le Karasuma Bar Yokocho a définitivement fermé.
Qu’est-ce que le Karasuma Bar Yokocho ?
Mais avant tout : qu’est-ce qu’une Yokocho (横丁) ? C’est une ruelle bordée de petits izakaya, ces bars-restaurants dont le principe est proche des bars à tapas : on y boit, mais on y mange aussi des plats savoureux, servis en petites portions. Ces ruelles se sont développées dans les villes japonaises à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les yokocho (横丁) étaient à l’origine des marchés clandestins appelés yamiichi (闇市), qui apparurent comme une forme de résistance de la culture japonaise si unique dans un contexte de pénurie alimentaire et d’occupation américaine sous l’ère Showa. Le kanji ‘丁(cho)’ signifie littéralement « rencontrer » ou « croiser« , ce qui n’est pas sans évoquer le concept de tapas en Espagne, où des gens de tous les âges et tous les genres se mêlent les uns aux autres dans une ambiance propice aux échanges.
Aujourd’hui, on s’installe au bar d’un yokocho coude à coude au comptoir, et la conversation s’engage naturellement avec les autres clients et le tenancier. Généralement, les clients ne se contentent pas de s’arrêter dans une échoppe, mais « font la tournée des bars » : « はしご酒する » (hashigo zake suru, littéralement « monter l’échelle de l’alcool »). La clientèle s’est longtemps composée presque exclusivement d’hommes d’âge mur, ayant leurs habitudes aux comptoirs. Mais ces dernières années les yokocho gagnent en popularité et s’ouvrent aux femmes, aux jeunes et même aux touristes.
Suivant cette tendance, de nouvelles yokocho apparaissent, plus modernes et moins exclusives, elles proposent des cartes variées pour attirer une clientèle plus jeune et internationale. C’est ainsi que le Karasuma Bar Yokocho (烏丸バル横丁) a ouvert en octobre 2017 à Kyoto. En mêlant la culture des izakaya à celle des tapas, le lieu propose une expérience nouvelle, dans l’ère du temps.
La tournée des 10 restaurants du Karasuma Bar Yokocho
La mission qui m’a été confiée, et que j’ai acceptée avec joie, a été d’expérimenter cette culture du « はしご酒 » (Hashigo Zake) en testant les restaurants de cette yokocho nouvelle génération : 10 restaurants, 10 types de cuisine et 10 ambiances.
1• あいよっ!!(Aiyo !!) — Kushikatsu
On commence par un restaurant de kushikatsu, une spécialité d’Osaka. Ce sont des brochettes panées et frites, que l’on trempe généralement dans une sauce spéciale (qui ressemble à la sauce Worcester). L’ambiance de ce comptoir rappelle celles des izakaya, avec ses murs décorés d’étiquettes de saké.
Au menu, de gauche à droite : champignons shiitake, poisson kisu au shiso, œufs de caille, longe de porc à l’ôba (une sorte de shiso) et enfin longe de bœuf. Bien croustillantes, avec des accords de goûts subtils, bref : délicieuses.
Le verre de saké qui les accompagnait venait de la brasserie Dassai, une maison qui ne produit que des saké haut de gamme. Sa réputation est confirmée par la dégustation : c’est un excellent saké, très fin et fruité.
2• Pub Sanjo St. — Bières artisanales
Il suffit de pivoter à 180° pour s’installer au comptoir suivant : celui d’un pub moderne qui sert une grande variété de bières artisanales et des plats divers pour les accompagner, allant des simples amandes au fish and chips.
Suivant les conseils des barmen, nous avons dégusté une Kizakura Ruby Ale. Brassée par Kizakura, une maison de saké située dans le quartier de Fushimi à Kyoto, avec la même eau que leur saké. Elle est légèrement épicée, avec des arômes à la fois amers et doux, et semble légère malgré ses 7%.
Elle nous a été servie avec une fondue de fromage accompagnée de pain grillé, de brocolis, d’épais morceaux de bacon et de saucisses au porc de Kyoto et au basilic.
3• Mt Everest — Cuisine népalaise
L’exploration culinaire continue avec un comptoir népalais, qui sert curry, nan, tandoori, etc. Une délicieuse odeur nous attire vers ce restaurant, où le personnel parle anglais et répond à nos questions très aimablement.
On nous sert un merveilleux poulet tandoori, brûlant et épicé juste ce qu’il faut, dont les saveurs sont contrebalancées par un lassi à la crème de cassis : doux, sucré et légèrement acide. L’association peut surprendre et on peut choisir plutôt un vin ou une bière d’Inde, mais pour ma part j’adore ce contraste.
4• Yakiniku Stand Kihara — Bœuf grillé
« Yakiniku » signifie tout simplement « viande grillée ». Dans les restaurants de yakiniku, les ingrédients sont apportés crus et c’est au client de les faire cuire sur le grill situé au milieu de la table, à son rythme et à son goût. Ici, on s’installe directement au comptoir, dans un décor sobre et élégant.
Une des spécialités est ici la langue de bœuf, mais je préfère demander les conseils du chef pour un morceau plus classique. Il nous sert du bœuf wagyu (le bœuf japonais, le même type que le fameux bœuf de Kobe) : de la longe de bœuf de Tamba (préfecture de Kyoto), incroyablement fondante, et de la côte de bœuf d’Hida (préfecture de Gifu), tendre et juteuse, avec un goût plus prononcé.
La boisson était ici un « Lemon Sour« , cocktail de shochu, Hi-Sour Soda et jus de citron frais, très populaire dans les bars japonais, et pour cause : il est rafraîchissant et idéal pour accompagner un plat de viande grillée.
5• Po Cha — Cuisine coréenne
Le prochain comptoir nous fait voyager dans un pays voisin : la Corée. On remarquera les bouilloires en aluminium suspendues : elles servent traditionnellement à servir le Makgeolli.
Mais donc, qu’est-ce que le Makgeolli (prononcer makkori en japonais) ? C’est un alcool de riz coréen. D’aspect laiteux, il est doux, acidulé et donne une sensation de pétillement. Nous l’avons bu en dégustant un chijimi (galette très populaire au Japon) fourrée au kimchi. Il était bien grillé et épicé : délicieux.
6• Shiroya バル (Shiroya Bar) — Gyoza
Retour au Japon, avec un comptoir dédié à un plat d’origine chinoise : les gyoza. Ces raviolis fourrés au porc ont été complètement intégrés à la culture culinaire japonaise, au point d’en devenir un incontournable.
Nous les avons dégustés « yaki« , c’est-à-dire grillés. Ceux-ci ont la particularité de ne pas contenir d’ail, mais beaucoup de gingembre, ça change et c’est tout aussi délicieux. Ils sont servis avec trois sauces : vinaigre poivré, sauce miso-gingembre et sauce de soja. Avec ça : un verre rempli à raz-bord d’un vin pétillant japonais, parfumé, fruité et bien frais.
7• Feliz Pequeña — Cuisine espagnole
Le tour du monde culinaire continue avec le comptoir d’un pays qui partage avec le Japon la culture des délicieux petits plats à grignoter en buvant un verre : l’Espagne.
On y goûte des fruits de mer « al ajillo » : assaisonnés d’ail, d’huile d’olive et de paprika, et du jambon Serrano découpé à la main, accompagnés de pain frais. Le tout avec un verre de sangria et un de jus de raisin blanc pétillant… un petit goût d’Europe en plein Kyoto qui fait plaisir !
8• Feliz Piccola — Cuisine italienne
L’exploration du sud de l’Europe continue avec l’Italie, de l’autre côté du même comptoir.
Là encore, on peut déguster un jambon de pays. Mais celui-ci est un prosciutto di Parma, soigneusement sélectionné et découpé très finement au tranchoir, pour lui donner une texture duveteuse qui décuple son goût. On ne peut pas manger italien sans avoir envie d’une bonne pizza, et la pâte de celle-ci est idéalement fine et croustillante. Le tout est accompagné, comme il se doit, d’un vin pétillant italien.
9• Editor’s fav るるぶ キッチン (Rurubu Kitchen) — Spécialités régionales japonaises
Coup de cœur pour moi pour ce comptoir de la revue du magazine de voyage « るるぶトラベル » (Rurubu Travel), qui met en valeur les spécialités de diverses régions du Japon à travers une cuisine fusion inspirée par l’Europe.
Sur notre planche de dégustation : des tsukemono (pickles) de daikon fumés avec du fromage frais et des raisins secs, des carottes râpées au yuzu confit, des rillettes de poisson, de la tortilla, des épinards. Je ne saurais pas dire exactement ce qu’il y avait dans chaque plat, mais c’était surprenant et délicieux. Avec cela, nous avons pu goûter du vin Miyoshi d’Hiroshima, du jus de Nashi et du jus de pomme.
10• Smoke Star — Spécialités fumées
Et voici le dixième et dernier comptoir, celui de Smoke Star, où l’on mange toutes sortes de plats fumés en sirotant des highball.
Encore une expérience gustative étonnante, avec ici deux plats incontournables des izakaya japonaises : du karaage (poulet frit) et des edamame (fèves de soja), mais fumés. Verdict : c’est délicieux, et ça fait complètement redécouvrir ces classiques. Le highball était tout aussi surprenant : whisky bourbon Maker’s Mark, eau pétillante, citron et piment manganji de Kyoto, un cocktail étonnamment épicé et frais.
Après 5 heures passées au Karasuma Bar Yokocho, mon estomac est bien rempli et je suis ravie par l’expérience : goûter des plats et des boissons aussi divers, en prenant le temps de discuter avec mes amis et avec le personnel de chaque comptoir. C’est une expérience à la fois culinaire et sociale, très différente d’une simple soirée dans un restaurant ou un izakaya : elle est testée et totalement approuvée.
Comment se rendre au Karasuma Bar Yokocho de Kyoto ?
Le Karasuma Bar Yokocho est situé en plein cœur de Kyoto : à 3 minutes à pied de la station de métro Karasuma Oike, juste en face du Musée de Kyoto. Il suffit de marcher 5 minutes pour s’y rendre depuis le fameux marché de Nishiki et l’arcade commerciale voisine de Teramachi, 25 depuis le cœur de Gion, 20 depuis le Château de Nijo… bref, si vous êtes de passage à Kyoto, vous passerez forcément tout près.
Un mot de l’établissement Bar Yokocho
Si la naissance des yokocho remonte aux marchés noirs de l’après guerre, ils sont aujourd’hui encore très fortement ancrés dans la culture japonaise et sont toujours implantés dans tout le pays. Les yokocho ont longtemps été le repère quasi exclusif d’hommes japonais quarantenaires avant de s’ouvrir depuis quelques années à une clientèle plus jeune, féminine et même internationale, appréciant tout autant de passer une soirée à se déplacer de comptoir en comptoir. Une tendance qui avait d’ailleurs été repérée par l’entreprise « Recruit » en 2016, annoncée comme une année de renaissance pour les yokocho. Ce vent nouveau soufflant sur les yokocho fait ainsi se mélanger une clientèle d’habitués, les fameux hommes quarantenaires, ravis de pouvoir discuter avec leurs nouveaux voisins de table, jeunes femmes ou touristes occupés à prendre le lieu en photo avant de le poster sur les réseaux sociaux. Les lieux hybrides que sont les neo yokocho contribuent à alimenter cette tendance, en recréant l’ambiance chaleureuse des yokocho de l’époque, tout en proposant une carte plus élaborée et un accueil plus moderne, que ce soit à Tokyo ou ailleurs.
L’enseigne Bar Yokocho peut être considéré comme le chef de fil du mouvement, après avoir ouvert trois établissements du genre coup sur coup : un premier à Kamata (downtown Tokyo), un second à Akasaka (dans le quartier des affaires de Tokyo) et un autre à Karasuma (quartier des affaires de Kyoto). Des lieux mêlant les concepts de bars espagnols et japonais sous un même toit, où il fait bon s’installer en fin de journée. En Espagne, les soirées sont souvent passées à naviguer de bar en bar pour profiter des menus spéciaux proposés en soirée. Un concept qui ne manque pas de plaire aussi au Japon.
En Japonais, le « cho » de « yokocho » signifie d’ailleurs « rencontrer », mais aussi « aller et venir », d’où le nom de bar yokocho. Un lieu dans lequel on peut donc se déplacer de comptoir en comptoir et de discussion en discussion pour une soirée inoubliable !
Plus d’informations sur le site du Karasuma Bar Yokocho (en japonais).
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